Du 11 au 14 janvier, sur les pistes enneigées de Val d'Isère, les invités ont débattu à perdre haleine sur les nouvelles formes de pouvoirs et contre-pouvoirs. Comment s'exerce aujourd'hui ceux des mots, des médias et de la politique? Bilan.

«Le pouvoir, c’est une arme nucléaire! Il faut s’en servir le moins possible, parce qu’il est dangereux mis dans les mains des mauvaises personnes…» Visiblement ému, Jean-Charles Decaux livrait auprès d’une poignée de «happy few» au coin du feu, dans un restaurant sis au bas des pistes de Val d’Isère, ses impressions sur le thème «Pouvoir et transmission». Avec, dans l’air, l’ombre du patriarche Jean-Claude Decaux, décédé le 20 mai 2016. «Non seulement il était un père extraordinaire, mais il a préparé son entreprise à passer à la deuxième génération, en laissant ses collaborateurs et ses enfants prendre le pouvoir, a martelé Jean-Charles Decaux. Toute mon enfance, j’ai entendu mon père dire: “Si mes enfants ne sont pas capables de prendre le relais, je vendrai l’entreprise. Le pouvoir ne se transmet pas, il ne se décrète pas, il se gagne, il se gère”.»

 

Nouvelle rhétorique

Quels sont les visages du pouvoir? Et quels sont les contours des contre-pouvoirs? Du 11 au 14 janvier, alors que le blizzard faisait rage sur les pistes de Val d'Isère, les Napoléons avaient choisi de se pencher sur le «Power». «Avoir le pouvoir, c'est aussi prendre le pouvoir sur ses propres mots», lâchait Romain Pigenel, conseiller aux discours de François Hollande à l’Elysée, dans une conférence sur le pouvoir des mots avec la sémiologue Mariette Darrigrand – une rencontre placée sous le signe de Roland Barthes et des six fonctions du langage de Roman Jakobson. «La fonction phatique du langage – ces mots qui ne veulent rien dire mais sont là pour faire contact [comme «Allô!»] – s’est développée dans le monde digital», remarquait-elle, tandis que Romain Pigenel déplorait: «Le monde d’internet est un monde de l’écrit, mais, paradoxalement, on développe un grand relativisme par rapport au langage, qui fait qu’on ne sait plus trop quoi penser des mots…» Faire semblant de ne pas maîtriser le langage, c’est, dans certains cas, faire preuve d’une grande habileté. «Dans ses tweets, Trump fait tout ce qu’on dit de ne pas faire: usage des majuscules, point d'exclamation, etc., souligne Romain Pigenel. Cela développe une forme d’authenticité qui donne l’impression que ceux qui tweetent dans les règles de l’art sont trop dans le système.»

 

Un Donald Trump omniprésent dans les débats des Napoléons. L’affaire des «golden showers» occupait un instant les «speakers» de la conférence «Wiki What?» Mar Cabra, d’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalism), et Juan Branco, de Wikileaks. «Trump impose une nouvelle rhétorique parfaitement adaptée à une relation directe sans intermédiaire», remarquait de son côté Alexandre Michelin (Spicee), dans une conférence intitulée «Les médias sont morts! Longue vie à l'information!» Le directeur éditorial de Forbes France, Jean Rognetta, remarquait quant à lui que «Trump attaque les vieux médias, ceux qui sont affaiblis économiquement, pas les grandes plateformes».

La transformation de la société

Comment inventer de nouvelles formes d’exercice du pouvoir? Cheveux noir corbeau en pétard et accent à la Björk, l'islandaise Brigitta Jonsdottir, poétesse et femme politique à la tête du Pirate Party, exposait sa vision, celle d’un désordre maîtrisé: «Je suis une ancienne punk et je ne respecte pas l’autorité. L’anarchie, ce n’est pas le chaos. C’est la responsabilité collective.» Plus tard, sur scène, Fleur Pellerin, ancienne ministre aujourd’hui à la tête du fonds d’investissement Korelya, évoquait son passage de la gouvernance politique à la gouvernance entreprenariale, lâchait qu’elle «militait pour un septennat non reconductible»: «Le politique rencontre une réelle difficulté à embrasser la transformation de notre société.»

Quant aux «Most Innovative Persons of the World», distinguées chaque année aux Napoléons, les deux lauréats 2017 ont sans doute su capter quelque chose de la société actuelle ou à venir. L’une a 17 ans, l’autre presque 60. Philippine Lobeau est lycéenne et entrepreneuse, Jean de Loisy est président du Palais de Tokyo et directeur artistique des Napoléons 2017. Comment ont-il su faire bouger les lignes? Ils nous répondent dans les pages suivantes.

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