Réorganisation
Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe, évoque la mise en oeuvre de «Power of One», son nouveau modèle d'intégration à l'échelle mondiale, un peu plus d'un an après sa présentation.

La politique d'intégration des métiers au sein des groupes publicitaires s'accélére. Pourquoi ce processus visant à mettre fin aux organisation en silos n'a-t-il pas été engagé plus tôt ?

Maurice Lévy. Le fonctionnement en silos a longtemps bien fonctionné. Dans les années 1960 et 1970, le marché était composé d'agences à service complet. Puis on a vu émerger les hotshops créatives et les centrales d'achat qui ont donné naissance aux agences médias. Et enfin est venu l'ère du digital. Tout cela a créé des compétences et des expertises de grande qualité. Mais la question s'est posée de savoir jusqu'où ce système pouvait fonctionner. Un inconvénient est vite apparu: comment faire en sorte, pour un client donné, que toutes ces expertises s'emboîte au mieux? Des solutions ont été tentées, comme la création de postes de worldwide account director. Mais cela n'a pas vraiment permis de traiter le problème de fond. D'autant qu'aujourd'hui, l'addition des services est un luxe qu'on ne peut plus s'offrir. Dans le contexte actuel reconfiguré par le numérique et où la vitesse s'accélère, la masse d'individus touchés est considérable et la puissance des outils est sans précédent, il ne suffit pas de s'adapter, il faut se transformer. 

 

En quoi la mise en place d'un seul P&L (compte de résultat) est un moyen d'offrir un meilleur service au client?

M.L. Le P&L n'est rien d'autre que l'autorité. Le changement d'approche est radical dès lors que l'on fonctionne avec un seul et même centre de profits. Longtemps la hiérarchie de chaque discipline a primé avec les conflits d'intérêt que cela pouvait créer. Mais sous la pression du marché et avec les capacités nouvelles offertes par le numérique pour faire travailler les gens ensemble, aujourd'hui le plus important n'est plus le patron de telle ou telle discipline mais le responsable client. 

 

Une fois la réorganisation annoncée, quels sont concrétement les principaux obstacles à sa réalisation?

M.L. Il y en deux. D'abord la capacité des hommes et des femmes à s'adaper au changement. C'est parfois un moment difficile. Ensuite, parce que la seule bonne volonté ne suffit pas, les moyens mis en oeuvre pour les former. La formation est essentielle... Et aussi beaucoup, beaucoup de communication. 

 

La logique voudrait que les activités création, média et digital des grands groupes soient regroupées sous un seul P&L. Publicis Groupe l'envisage-t-il à terme?

M.L. Il existe plusieurs obstacles à une intégration totale. La culture et la spécificité des enseignes et des marques publicitaires, comme Saatchi & Saatchi et Leo Burnett ou Starcom et Blue 449 par exemple, doit être préservée. La question de la gestion des conflits clients se pose également. Il est indispensable de préserver la confidentialité sur des budgets concurrents. Enfin, il faut tenir compte de la taille des structures. Toute réorganisation et intégration doit se faire à une échelle que l'on puisse manager. Alors aujourd'hui, c'est certain, nous ne sommes pas encore à l'optimisation du processus. A ce jour, en ce qui concerne Publicis Groupe, nous avons trouvé un équilibre. A noter tout de même que dans une cinquantaine de pays - des marchés de taille intermédiaire - nous sommes allés au bout de cette logique d'intégration avec notre offre Publicis One.

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