Dossier Evénementiel
Le secteur de l’événementiel est en quête permanente de nouveautés. Pour les agences, la recherche d’endroits surprenants et innovants est un enjeu prioritaire. Surtout à Paris, où l’offre est limitée.

C’est une bâtisse que les cyclistes habitués du tour de l’hippodrome de Longchamp connaissent bien. Visiblement abandonné et niché dans une forêt de tilleuls, le château du même nom fait partie du paysage du bois de Boulogne. Après vingt-cinq ans d’oubli, le bâtiment construit par le parfumeur François Coty au milieu du XXe siècle reprendra vie le 13 mai prochain. Une réhabilitation cinq étoiles pour une vocation désormais consacrée au réceptif.

L’ouverture de sites événementiels n’est pas légion, surtout à Paris. L’inauguration des 1 000 mètres carrés du château de Longchamp, avec sa salle de réception, sa grande terrasse et son auditorium de 72 places, est donc attendue. «Au début, les prix seront plutôt tirés vers le haut», avoue Delphine Belenger, responsable de la communication corporate de Noctis cogestionnaire du lieu concédé par la ville de Paris à Good Planet, la fondation de Yann Arthus-Bertrand. «De quoi donner du sens et une valeur ajoutée», argumente-t-elle. Justement, la nouveauté et l’atypie sont les deux principaux caractères des sites recherchés.

Des lieux 3.0 très prisés

«Oui, la nouveauté est un critère important dans nos recherches, confirme Franck Louvrier, président de Publicis Events. Mais il faut aller aussi au-delà de l’effet “waouh”.» Un quotidien que partage ses confrères du secteur. «Il faut innover constamment pour des clients qui connaissent un peu tout», ajoute Anaïs Villatte, directrice logistique chez Auditoire. «La proposition d’un lieu nouveau peut être déterminante pour remporter un appel d’offres», précise même Carla de Oliveira, directrice générale adjointe d’Hopscotch.

Les enseignes, à l'instar de Double 2, sont toutes équipées d’une structure de veille: «Nous avons une tête chercheuse chargée de trouver les nouveaux lieux, confie Agathe Belser, directrice associée de l’agence. Toutefois, certaines marques hésitent quand même à essuyer les plâtres.» Chez Hopscotch, la «tête chercheuse» multiplie les visites de chantiers et alimente The Places, une base de données maison qui engrange informations et renseignements sur les sites événementiels. «C’est un outil collaboratif que chaque salarié de l’agence alimente avec ses retours d’expériences, explique Carla de Oliveira. Il fonctionne comme un moteur de recherche avec des mots clés

Il y a aussi les lieux tendances, comme l’indique Franck Louvrier: «La demande des clients concerne des lieux “3.0”.» Des sites connectés et à la forte tonalité numérique. C’est le cas, par exemple, du dernier étage des nouveaux locaux parisiens de Facebook. (Lire : Evénementiel, la parade techno).

Pour autant, la jauge du lieu reste primordiale. «A Paris, pour des événements de plus de 5 000 personnes, cela devient difficile, surtout si l’on cherche un site innovant et nouveau», confie Carla de Oliveira. Pour résoudre l’impossible équation, les agences se tournent vers des lieux dont la vocation première n’est pas l’événementiel. «Dans ce cas, il faut prévoir des contraintes logistiques», précise Anaïs Villatte. Tout en restant dans l’enveloppe budgétaire, bien sûr.

Etre à l’affût, c’est aussi se tenir au courant des déménagements d’entreprises, qui laissent, provisoirement, des locaux vides et parfois spacieux. Il suffit de trouver la bonne fenêtre de tir. A l’occasion du lancement de son nouveau modèle, la marque chinoise de téléphone Huawei a ainsi investi Le Paquebot, l’ancien immeuble de Libération, près de la place de la République, pour inviter 1 200 personnes.

En corrélation avec l'histoire de la marque

«Notre métier, c’est déchiffreur de lieux, estime Brice Mourer, président de Magic Garden. Chaque marque a ses envies d’innovation, mais il faut surprendre à chaque fois. Même si nous avons des demandes de moutons à cinq pattes.» Pourtant aguerri à la recherche de lieux éphémères, notamment pour des concerts de musique électronique, le dirigeant avoue rencontrer des difficultés pour dénicher des lieux pouvant accueillir plus d’un millier de personnes dans la capitale. «L’approche par jauge est complexe, surtout si l’on veut être innovant, confirme Bertrand Biard, cofondateur de Manifestory. Autre contrainte: être en corrélation avec l’histoire que souhaite raconter la marque. Du coup, pour ce type d’événements, l’offre parisienne est faible, d’autant que le nombre d’acteurs gestionnaires de lieux se réduit

A Paris, quelques bailleurs se partagent les grands sites incontournables pour les grands-messes: Viparis (9 grands lieux en région parisienne, dont Paris Expo, porte de Versailles), GL Events (Maison de la mutualité, Palais Brongniart…) et Eurosites (Docks de Paris, salle Wagram…). D’autres proposent des lieux alternatifs, comme Noctis, connu pour ses boîtes de nuit (Le Queen, Les Planches, Castel…) et restaurants (Loulou, Le Bermuda Onion…), qui a jeté son dévolu sur le château de Longchamp ou encore un ancien garage réhabilité, place de Clichy. Des sites publics, musées ou institutions, offrent également, occasionnellement ou pas, leurs locaux pour l’organisation d’événements privés. «Des lieux prestigieux se libèrent ainsi, comme, par exemple, les serres du Sénat, se réjouit Olivier Massart, président d'Events & La mode en images, filiale événementielle du groupe Mazarine. Ils recherchent des ressources supplémentaires et s’ouvrent donc un peu.» (Lire : Le casse tête des défilés)

Autre piste: les propositions des plateformes, nombreuses, répertoriant les sites événementiels. «Mais on les connaît déjà très bien pour la plupart», observe Anaïs Villatte. Les agences privilégient plutôt l’aide de petites structures jusqu’alors spécialisées dans la recherche de lieux de tournage pour le cinéma. «Elles possèdent un bon réseau complémentaire, surtout pour des sites éphémères», précise la dirigeante d’Auditoire.

L’espace public est une autre solution. «Par rapport à l’offre existante, pour un événement destiné au grand public, ces endroits permettent du sur-mesure, assure Thierry Reboul, président d’Ubi Bene. Non formatés, ils offrent une grande créativité. C’est surtout là où sont et vivent les gens.» Jardins, grandes rues (comme les Champs-Elysées) ou transports, tout est possible pour Thierry Reboul: «Ces lieux peuvent être détournés. Ainsi, la Seine a servi de support pour Reebok avec ses cours de fitness», donne-t-il en exemple. (Lire : La rue se met sur la voie sécuritaire)

Au-delà des murs parisiens

Une alternative serait aussi d'aller au-delà des limites du périphérique parisien. «C’est certain, le triangle d’or est le cœur et l’ouest de Paris. Il l'est aussi pour des raisons d’accessibilité», se défend Carla de Oliveira, d’Hopscotch. «Il faut reconnaître qu’il n’y a pas grand-chose dans l’est parisien», concède Anaïs Villatte. «On peut y trouver des sites extra-ordinaires, rétorque Franck Louvrier, de Publicis Events. Il existe dans ces zones des découvertes à faire.» Si Paris obtient l’organisation des Jeux olympiques en 2024, tout le monde pense que le nord, notamment Saint-Denis, où tente d’exister la Cité du cinéma, et l’est de la capitale auront leur chance.

Plus loin encore, il y a bien sûr les villes régionales. A Rennes, l’espace B-Com, un lieu consacré à la recherche, tente de séduire les agences parisiennes. «C’est aujourd’hui possible pour des road shows d’entreprises, et bientôt pour des délocalisations d’événements corporate quand, en juillet, la ligne à grande vitesse nous mettra à 1h30 de Paris», explique Marion Carcreff, responsable du lieu. «La limite, c’est 3 heures porte à porte», indique Franck Louvrier, qui craint tout de même des problèmes de capacité d’hébergement. «A Toulouse, nous sommes très bien équipés, objecte Pierre Garrigues, fondateur et directeur de l’agence locale PGO. Nous avons aussi à disposition des lieux patrimoniaux, mais avec une vision moderne. En province, nous proposons une qualité des produits.» (Lire : Toulouse met l'accent sur les congrès).

Face à cette difficulté de trouver des lieux, les agences d’événementiel réfléchissent tout simplement à se les approprier. «Le lieu n’est finalement qu’un prétexte, c’est la production, cohérente avec l’opération, qui assure le retour sur investissement», explique Frédéric Lambert, cofondateur de Passage piéton, qui compte développer une activité de producteur ou de gestionnaire de lieux. «C’est un axe stratégique essentiel pour nous, assure-t-il. Nous pourrons nouer des partenariats à long terme avec les marques.» Et s’offrir, peut-être aussi, des châteaux…



 

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