Dossier Débat
En cette période électorale, le débat sur l'efficacité et les effets pervers des sondages d'opinion refait immanquablement surface. Outil antidémocratique ou utile au débat public ?

OUI

Alain Garrigou, professeur en science politique à l'université de Paris Ouest-Nanterre et coauteur avec Richard Brousse de Manuel anti-sondages. La démocratie n'est pas à vendre (La Ville brûle, 2011)

 « Trop de sondages pré-électoraux soumettent à l’opinion des personnalités pas officiellement candidates, et qui n’ont pas encore fait connaître leurs programmes. Les répondants peuvent donc difficilement se prononcer et quand ils le font, leurs réponses n’ont pas grande signification. Par ailleurs, pour des raisons de coût et de praticité, ces enquêtes se font désormais en ligne, auprès d’internautes invités par les sondeurs à s’inscrire à des panels qui les récompensent pour leur participation. Cette modalité peut créer de nouveaux biais en attirant plus qu’avant des électeurs motivés par les cadeaux ou les plus convaincus, voire radicalisés, qui tiennent à s’exprimer. Il faut donc redresser les résultats, mais les corrections auxquelles procèdent les sondeurs n’ont rien de scientifique. Ils refusent d’ailleurs de divulguer leur méthodologie sur ce point, au prétexte fallacieux de protéger leurs « secrets de fabrication ». Et ce, malgré la réforme de 2016 qui les oblige à la transparence en la matière. Enfin, les enquêtes électorales, surtout lorsqu'elles sont éloignées des scrutins, ont des effets dévastateurs sur la vie politique. Les personnalités concernées sont incitées à se lancer ou à renoncer et les électeurs à privilégier les gros candidats incarnant le vote utile. Cette fièvre sondagière éloigne paradoxalement des débats de fonds et les dirigeants des citoyens. Cercle vicieux, les politiques connus peuvent difficilement rencontrer les gens sans se faire apostropher et croient d'autant plus volontiers les informations des sondages. »NON

​Jérôme Sainte-Marie, président de l’institut Polling Vox

« À l’approche des élections, les sondeurs testent des scénarios politiques variés qui, pour la plupart, ne se réaliseront pas. Mais les Français le savent. De même, ils ont pleinement conscience que les résultats des sondages ne préjugent pas du score final. Et nous ne cessons de le leur rappeler : en ce moment, les enquêtes insistent sur le fait qu’une grande partie des électeurs, notamment ceux de Macron et de Hamon, hésitent encore. Quel est alors l’intérêt de publier des chiffres aussi volatils ? Nous le faisons parce que les médias, les politiques et l’opinion sont demandeurs de ces outils grâce auxquels la société ​peut ​porter​ un regard sur elle-même. Les tests ont montré que les sondages par internet atteignent désormais un degré de fiabilité comparable au téléphone ou au face-à-face. Les récompenses attribuées aux panélistes pour leur participation sont faibles et donc peu susceptibles de créer des biais. Parce que certaines catégories de population ou d’opinion sont plus difficiles à prendre en compte, pour les intentions de vote les redressements politiques demeurent nécessaires pour approcher au plus près la réalité. Mais les méthodes utilisées pour y parvenir sont transparentes et transmises à la commission des sondages qui les publie sur son site. On peut reprocher beaucoup de choses aux sondages, mais ils n’en demeurent pas moins un élément d’information utile au débat public. Ils permettent aux électeurs de se situer et aux politiques de connaître l’état de l’opinion. Les visites sur le terrain ne sauraient suffire, car les électeurs qui viennent spontanément à la rencontre des candidats pour échanger ou les interpeller ne sont pas représentatifs. »

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