Marketing opérationnel
Un an après la création d’Havas Shopper, l’offre retail d’Havas Paris, c’est au tour de BBDO de lancer son offre pour la distribution : Buy BBDO. Bilan de cette tendance des agences de se focaliser sur les enseignes.

Il y a encore quelques années, bon nombre d’experts pariaient sur la mort des magasins. E-commerce par-ci, digital par-là. Les boutiques, les caddies et les cabas étaient vouées à une mort certaine. Mais tout le monde en est bien revenu. Et si le trafic en magasin continue de diminuer chaque d’année d’environ 1%, plus personne n’oserait tenir de tels propos. Aujourd’hui, rien n’exprime mieux ce revirement que la tendance des agences à restructurer ou lancer une offre consacrée à la distribution. Havas Paris, en avril 2016, a fait évoluer Havas 360 pour se restructurer autour d’une offre spécifique : Havas Shopper. En juin 2017, c’est le groupe BBDO qui lance à son tour son offre retail : Buy BBDO. Les plus petites structures ne sont pas en reste, comme Bees Consulting, fondée par Bertrand Forges et Emmanuel Miclo, qui s’est dotée d’un pôle shopper marketing avec le recrutement de l’ancien directeur marketing de Coca-Cola European Partners, Olivier Dexemple.

 

Pour Fabrice Valmier, co-dirigeant du groupe de conseil en choix d’agences VT Scan, cette tendance est une réalité. « Elle vient des Etats-Unis » estime-t-il. « Le shopper marketing demande une vraie technicité. » Ce qui a changé ? L’explosion des points de contact. La maturité du numérique fragmente l’audience médias, et demande de repenser les parcours clients. D’aller plus en amont sur le conseil. « L’évolution du retail est hallucinante sur ces dernières années » observe Vincent Mayet, DG de l'agence Havas Paris et responsable de l’offre Havas Shopper. «Les distributeurs, quel que soit le domaine, sont attaqués de toute part et le modèle change constamment. Le marketing dans ce secteur devient une chose très sophistiquée et les distributeurs s’interrogent constamment. » Sur les leviers médias à activer, par exemple : affichage, digital, magasin, réseaux sociaux, prospectus (l’essentiel des dépenses), TV… Comment faire les bons arbitrages ? « Si un distributeur décide de réduire ses investissements en prospectus, il n’aura pas d’alternative directe en termes de médias pouvant jouer le même rôle. Même en digital. Et ces modifications ont un impact profond dans toute l’entreprise. Un changement de levier promotionnel a des conséquences à tous les niveaux », argue Vincent Mayet.

 

Sans parler du modèle économique, de l’offre… Tout change, et les distributeurs ont des besoins précis. « Le business modèle remet en cause toute la définition de la marge, il faut aussi s’interroger sur l’intégration du digital : jusqu’où aller ? », s’interroge Vincent Mayet. Questions auxquelles il faut ajouter les enjeux du dernier mètre, la refonte du point de vente, la politique de prix… Dans un monde qui évolue en permanence. « Quand j’ai commencé à travailler sur le retail, on faisait des benchmarks environ tous les trois mois pour savoir ce qui se passait » raconte le patron d’Havas Shopper. « Désormais, c’est en moyenne une fois par jour. Il se passe tellement de choses tout le temps ! » L’idée de départ était de constituer une agence experte en conseil stratégique, en haut de la chaîne de valeur. Capable également de travailler sur une réflexion plus proche du terrain. L’offre irrigue ensuite les autres expertises d’Havas Paris (création, relations publics, media training…). L’offre est une porte d’entrée pour les clients. Un an après son lancement, elle a réalisé deux millions d’euros de nouveau business.

 

Pour BBDO, la création de l’offre correspond d’abord à la revendication d’un point de vue sur le marché. Concrètement, l’agence a réuni les équipes de CLM BBDO et de Proximity BBDO qui travaillaient sur la distribution. Au total, une soixantaine de personne, dont la moitié de créatifs, avec Nicolas Simonnet pour président, Julie Régis, pour directrice générale, et Julien Benmoussa (ex-Marcel) à la direction de la création. « Mais l’idée n’est pas de regrouper les personnes. Se limiter à cela n’apporterait rien, les équipes fonctionnaient déjà entre elles. Non, nous voulons développer une nouvelle manière de travailler », assure Nicolas Simonnet. L’objectif est donc d’avoir un prisme d’analyse assumé sur le marché, et de le diffuser au sein des équipes. Qu’il devienne constitutif de l’offre. « Ce point de vue, c’est la conquête » annonce le président. «En trois ans, la distribution a plus évolué qu’en cinquante ans. Tout bouge et les dirigeants ont besoin d’être orienté vers les bons choix. Mais le deuxième phénomène, c’est que les clients ont envie de parler à des marques. Ils ne se bornent plus à acheter des produits où fréquenter une enseigne. C’est donc à la marque de nourrir le commerce. Cette prédominance de la création correspond parfaitement à la culture BBDO. La marque se construit au quotidien et le quotidien doit permettre à la marque de se construire », résume-t-il. C’est ce rapport au quotidien qui fait évoluer l’énergie de la marque et la place dans une optique de conquête des consommateurs. « La fidélisation n’existe plus. Chaque client est un nouveau client. Les magasins ont des mètres carrés, certes, mais que faut-il en faire pour être considéré par des gens qui ne vous considèrent plus ? » interroge Loïc Mercier, directeur du planning stratégique du groupe BBDO.

 

Concrètement, Buy BBDO a mis en place plusieurs mesures. Chaque personne est incitée à passer une semaine en magasin. Régulièrement, des « rapports d’étonnements » croisés entre les équipes sont effectués, des retail tours sont préparés ainsi que des « récit d’insomnies » où un invité vient parler de ses grandes problématiques. Toujours dans cet esprit, Buy BBDO a réalisé une étude avec Kantar et TNS, sur une centaine de catégories de produits d’enseignes spécialisées. À travers un panel de 3000 acheteurs, l’agence s’est focalisée sur ceux qui ne fréquentaient pas ces magasins. « Les distributeurs regorgent d’études sur eux-mêmes, mais pas sur les cibles qui ne viennent pas en boutique », estime Nicolas Simonnet. Si ce sondage est un point d’appui pour donner de l’écho au lancement de Buy BBDO, il deviendra à terme un baromètre régulier, et est surtout à l’origine de la création d’un outil d’analyse. Notamment d’un « indice de conquête », outil de travail destiné à aider les enseignes à mieux définir leur stratégie. Il cadre ainsi le prisme d’analyse de la nouvelle offre pour les clients. C’est aussi un moyen de se différencier sur un marché où les spécialistes de la distribution sont très demandés. N’oublions pas que le retail est le premier secteur à investir dans les médias avec 15 à 20% de parts d’investissements... 

Un outil de conquête

En association avec Kantar TNS, Buy BBDO a mis en place un outil d’analyse portant sur des personnes qui ne fréquentent pas les enseignes spécialisées. Via les réponses données par un panel de consommateurs, et un algorithme dédié, l’agence note les enseignes sur cinq critères : la connaissance de l’offre, le prix, l’attractivité produit (qualité), l’expérience client, et la confiance. L’outil donne ainsi des pistes d’amélioration pour la marque. « Partir à la conquête ne veut pas dire créer de nouveaux produits ou services. C’est peut-être tout simplement travailler autrement des domaines existants », pointe Loïc Mercier, le directeur du planning stratégique. Si l’offre Buy BBDO est un projet naît en France, à terme, elle pourrait s’étendre au reste du réseau, notamment via cet outil. 

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