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A l'occasion du lancement d'Ogilvy Change, Benoit de Fleurian, chief strategy officer d'Ogilvy Paris et Rory Sutherland, vice chairman d'Ogilvy Group UK, présentent les opportunités offertes à la publicité par les sciences comportementales.

Quel est l'apport des sciences comportementales à la publicité ?

Rory Sutherland. Elles apportent un fondement scientifique à l'efficacité de la vente basée sur nos instincts. Tous les bons créatifs ont instinctivement une approche «behavioriste». La plupart des meilleures publicités sont basées sur une fine perception du comportement. A sa manière, Uber a été crée sur un insight très fort, à savoir que le problème n'est pas d'attendre un taxi, mais plutôt l'incertitude d'en obtenir un. Or, la plupart des campagnes ou des opérations marketing sont basées sur des idées logiques et souvent contre-intuitives. En revanche, les vraies bonnes idées adoptent souvent des trajectoires tangencielles, obliques... Et les sciences comportementales nous démontrent justement que ces options qui peuvent paraître illogiques sont généralement très efficaces. La théorie économique est aujourd'hui la principale voie de compréhension du monde, mais le plus souvent ça ne marche pas ! Exemple : un produit d'excellente qualité au prix le plus bas ne peut être qu'un succès sur le marché, selon la stricte théorie économique. En fait, ce n'est pas le cas, car pour le public un produit haut de gamme doit coûter cher. Dans le même ordre d'idée, vous n'allez pas chez McDonald's parce que c'est ce qu'il y a de meilleur, mais parce que vous êtes sûr de ne pas être déçu. C'est une manière de maximiser la complexité du choix que l'on a faire. En somme, si l'information parfaite existait comme peut le penser le monde de la finance par exemple, nous n'aurions pas besoin de marketing !

 

C'est un changement de paradigme que vous proposez à la publicité ?

R.S. Je suis convaincu que la publicité peut résoudre d'innombrables problèmes en agissant justement sur cette vision comportementale, et ce bien au-delà de la sphère commerciale. Si l'on réfléchit deux minutes, la plupart des problèmes qu'ont à gérer les gouvernements sont avant tout des problèmes de comportements. Au lieu de produire des textes de loi ou des incitations finiancières, les autorités auraient tout intérêt à investir dans des actions de communication visant à changer les comportements.

 

Benoit de Fleurian. La publicité n'est pas là pour construire une image, mais pour changer les comportements et vendre des produits. Il se trouve que les sciences comportementales nous aident incroyablement en cela, sans passer par des stratégies hyper sophistiquées. Il y a un an et demi, Ogilvy Change à Londres a conseillé Adobe pour la gestion des appels de résiliation dans ses call centers. Au lieu de poser la question classique «Pourquoi souhaitez-vous résilier votre abonnement», nous avons demandé «Pourquoi avez-vous souscrit à votre abonnement Adobe il ya trois ans ?». On passe du coup d'une conversation négative à une discussion positive et surtout le client peut ainsi se rendre compte de ce qu'il va perdre en résiliant son contrat. C'est simple, mais efficace: en douze mois, ce petit changement a généré près de 2 millions de dollars de revenus supplémentaires. Ce serait stupide de ne pas utiliser une méthode aussi efficace. Mais en France, nous sommes en retard par rapport aux pays anglo-saxons. Toutefois, de plus en plus de responsables marketing sont en attente de ce genre de solutions. 

 

Concrètement, comment mettez-vous cette approche en place pour vos clients et quel est le rôle des behavioural strategists employés par Ogilvy Change ?

B.deF. Quand nous entamons un projet, nous commençons par observer ce qui se passe, les comportements réels. C'est quasiment de l'ethnographie. Pour la campagne que nous avons mené au Mexique pour Nestlé [un programme de téléréalité contre l'obésité: «United for Healthier Kids»], nous avons constaté qu'il fallait d'abord agir sur les nombreuses occasions que les enfants ont de manger tout au long de la journée. Ainsi, nous avons observé par exemple que lors de la récréation à l'école les enfants qui jouent au football ont une part de pizza à la main. L'idée était donc de trouver des activités qui occupent les deux mains des enfants, comme le Rubikub ou le saut à la corde. Deuxième étape de notre travail, nous nous tournons systématiquement vers la littérature scientifique et universitaire qui a étudié de façon très approfondie avec de nombreux tests à l'appui l'impact de telle ou telle action sur les comportements. Enfin, nous précédons à un prototypage de l'idée que nous testons dans des conditions réelles. Ce n'est qu'au regard des résultats de ces tests que nous passons à une généralisation du projet. C'est ce que nous avons fait par exemple pour Nestlé avec l'opération Tommy Fish.

 

Quelle est justement l'origine et l'objectif de cette campagne Tommy Fish ?

B.deF. Nestlé souhaitait mener une action majeure et marquante dans le cadre de son 150ème anniversaire célébré l'an dernier. Nous sommes donc revenus aux racines du groupe et à l'histoire d'Henri Nestlé, un pharmacien, confronté au cas du bébé d'un de ses voisins allergique au lait tant humain qu'animal. Il a produit alors pour la première fois en Europe de la farine lactée qui a pu sauvé l'enfant de son voisin. Nestlé souhaitait une initiaive s'inscrivant dans cette tradition en faveur des enfants et si possible contre l'obésité. C'est de là qu'est née l'idée du projet Tommy Fish en agissant directement sur les comportements. Nous avons travaillé auprès d'enfants ayant des problèmes d'obésité avec des scientifiques (nutitionnistes, psychologues comportementaux...) et une équipe marketing associant des gens de Nestlé et de l'agence. 

 

Quels sont les projets que vous avez pu développé en France autour de ce concept de behavioural marketing ?

B.de.F. Tommy Fish n'a pas été développé pour la France, mais c'est à Paris qu'il a été conçu. Sinon, nous travaillons pour la Française des Jeux depuis un an maintenant autour de leur politique de jeu responsable. L'idée est de réduire le nombre de joueurs addictifs. La marque a beaucoup fait déjà sur ce sujet par le passé via des campagnes de sensibilisation. Mais ils souhaitaient essayer de nouvelles choses pour aller encore plus loin. Nous leur avons proposé un nouveau jeu de grattage baptisé Réglo avec des incentives sur un site dédié. En gros, c'est un jeu sur les régles du jeu et notamment sur l'âge minimum requis pour pouvoir jouer aux jeux d'argent. Un moyen ludique de faire passer le message. Nous le testons actuellement dans une centaine de points de vente.

 

D'autres projets en cours ?

B.de.F. Nous travaillons pour le croisièriste MSC et notamment pour son nouveau navire le Meraviglia, le plus grand bateau de croisière mais aussi le plus connecté. En tant que client, vous vous retrouvez sur un navire immense avec une multitude d'activités. Or le problème est d'éviter que les passagers soient frustrés de ne pas pouvoir gérer cette profusion du fait d'activités simultanées, d'endroits trop éloignées entre chacune d'entre elles... D'où l'idée de concevoir une application avec GPS permettant d'optimiser la gestion de ses activités sur le navire. Pendant près d'un an, nos spécialistes UX ont travaillé avec des behavioural scientists sur le projet. Quatre personnes de l'agence sont actuellement sur le bateau pour tester l'application. Nous travaillons déjà sur les sept prochains bateaux de la compagnie. 

Lancement d'Ogilvy Change Paris

Mardi 13 juin, Ogilvy Paris lançait Ogilvy Change, une offre intégrée associant sciences comportementales, conseil stratégique et créativité. Fort des cinq années d’expérience d’Ogilvy au Royaume Uni puis dans sept autres pays, Ogilvy Change propose aux entreprises et institutions de développer des solutions ancrées dans les acquis des sciences comportementales pour les aider à modifier les comportements de leurs usagers, de leurs clients et de leurs collaborateurs. Basées sur les travaux de Daniel Kahneman, Prix Nobel d’Economie en 2002, les sciences comportementale s'attaquent frontalement à l'Homo Economicus, l'émotion l'emportant souvent sur la logique dans la plupart de nos décisions. Ogilvy Change a noué des relations avec le monde académique (London School of Economics, Harvard Business School, Université de Sidney ou l'Insead en France). L'équipe d'Ogilvy Change en France est présidée par Benoit de Fleurian, chief strategy officer d'Ogilvy Paris, entouré de Hadi Zabad, directeur des stratégies, Rui Ferreira, stratège comportemental, Stéphane Jassin, directeur UX et Batoul Hassoun, directrice du Consulting. 

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