Agences
Le marché est bien reparti avec plus de 2 000 postes à pourvoir sur les 12 prochains mois[1]. Si le digital reste le driver majeur des recruteurs, il n’est pas le seul. Les candidats agiles, capables de s’insérer dans des savoir-faire spécifiques sont les plus recherchés.

Chez la plupart des acteurs du marché, les postes liés au digital constituent la majorité des recrutements. Jacques Froissant, CEO du cabinet de recrutement Altaïde, précise les points de pénurie : « Deux fonctions créent le plus de demandes : le développement web, surtout mobile, qui recherche des développeurs et des chefs de projets, et le marketing digital, qui nécessite des spécialistes du référencement, de l’acquisition et de la fidélisation. »
Parmi les acteurs représentatifs de cette tendance figure Fifty-Five dont les 50 recrutements prévus, dont 30 en France, seront très pointus, précise son président Mats Carduner : « Nous cherchons plus spécifiquement des spécialistes du tracking (tag specialists, analytics lead, product managers) et des spécialistes de l’achat média et de la performance média. La partie analyse et performance des investissements média est cruciale car c’est une part importante du budget des directeurs marketing, en général, la moitié. »

Data-scientist en pénurie

Chez iProspect, l'agence de marketing digital du groupe Dentsu Aegis, (80 recrutements en 2017, une centaine en 2018), la data pure et dure est aussi au cœur du réacteur, souligne son CEO, Pierre Calmard : « Nous avons lancé le département iP Data il y a un an et demi avec une personne, il en compte 25 maintenant. En 2018, le recrutement de spécialistes data va encore augmenter pour atteindre la moitié du total des collaborateurs car ils nourrissent les équipes conseil. »
Aucune échappatoire n’est possible, constate Édouard Rencker, directeur général de Makheia : « Aujourd’hui, le digital est le driver, l’épicentre du marché et le data-scientist est un profil en pénurie permanente. » Une situation qui va perdurer, estime Charlotte Vitoux, directrice générale de Aquent France : « La data est vitale car elle nourrit la croissance organique et la croissance des parts de marché, c’est un double enjeu business. »

  Réponses complètes et boucles courtes

À ces impératifs s’ajoutent les fortes exigences des clients, précise Anne Vincent, VP Executive TBWA Groupe en charge du management des talents : « Les annonceurs veulent des réponses complètes et sophistiquées, ce qui mobilise des expertises très différentes dans une démarche en mode projet, et des boucles plus courtes et plus de talents autour de la table, ce qui nous amène à être plus rapides, plus agiles et élargir le champ des compétences à mobiliser. »
La mission s’avère d’autant plus ardue que les chasseurs ne manquent pas, rappelle Gautier Picquet, PDG de Publicis Media : « Nous évoluons dans un écosystème large et Facebook ou Google, qui sont des “absorbeurs” de talents, viennent chasser dans nos agences, là où sont les experts. »
Pour relever le défi, beaucoup d’acteurs misent sur une conjonction de compétences. Articuler data et création est l’une des options possibles. Ainsi, chez BETC (150 recrutements prévus[2]), l’exigence est double, explique Sophie de Gromard, directrice des ressources humaines [DRH] : « Nous cherchons, d’une part, des profils hybrides (360) mais aussi des experts. En sus des commerciaux et des créatifs, qui doivent désormais être intégrés au 360°, nous recherchons évidemment aussi des métiers du digital : des UX, des chefs de projets, des digital planners, des experts en social media, en data etc. » Une orientation qui doit beaucoup à BETC Digital ; l'agence compte aujourd’hui 160 personnes.
TBWA (150 à 200 recrutements) mise aussi sur la créativité. « Nous voulons augmenter nos ressources créatives avec des profils très digitaux, tournés vers le social media et l’innovation digitale, explique Anne Vincent. Nous avons deux grandes activités à pourvoir : le digital, avec une priorité au social, et le créatif. » Les profils digitaux vont nourrir le planning stratégique pour produire des briefs étayés sur la data, dans une optique très “lean” : « Les clients veulent des boucles plus courtes et plus de talents autour de la table, ce qui nous amène à être plus rapides, plus agiles et élargir le champ des compétences à mobiliser. »
Sur les 50 recrutements prévus, DDB en prévoit 50 % pour le digital avec une grande part de UX, webdesigners et chefs de projet. « Ces recrutements vont nous permettre de servir les clients gagnés récemment comme Volkswagen et la sécurité routière, qui nous ont confié leur communication digitale. Ce sont des demandes purement digitales dans une approche 360 », précise Vincent Léorat, vice-président. Sur la chasse au talent, Xavier Mendiola, directeur général de DDB, apporte une précision : « Les métiers digitaux des SSII n’ont pas de dimension créative alors que nous cherchons des profils capables de concevoir des solutions alternatives et originales. »

Articuler la data avec les autres expertises

La data peut aussi être articulée aux savoir-faire du social et de l’influence. C’est le cas chez Havas Paris (50 à 80 recrutements). « Les métiers de l’influence (80 à 100 collaborateurs) – relations presse, affaires publiques – représentent 40 % des recrutements, le pôle marque, 30 %, le digital, 20 %, le restant étant ventilé entre la production et les fonctions support, » explique Amélie Courty-Cayzac, DRH. Un positionnement qui oriente aussi le type de profils recherchés : « Nous sommes une agence intégrée, sans silos, de sorte que les profils hybrides ayant la culture de la marque, une expertise en relations presse et réseaux sociaux, sont très intéressants. Il y a un manque de spécialistes de la blogosphère. C’est une expertise récente et peu de candidats ont le niveau requis. »
Une configuration semblable se retrouve chez Ogilvy (100 à 150 recrutements) qui veut renforcer ses points forts, indique Anne Leperre, DRH : « Nous cherchons à pourvoir trois secteurs, qui représentent chacun un tiers des recrutements : le conseil en stratégie - en croissance -, le social et influence social, et un ensemble Factory et Studio Son. Le conseil en stratégie sera notre moteur de croissance pour 2017-18. »
Chez Publicis Media (150 recrutements), le programmatique suscite toujours une forte demande. « C’est un secteur en progression, note Gautier Picquet, le PDG. Nous avons ouvert 10 postes en 2017 et il y en aura encore plus en 2018. » Diversifier le sourcing devient dès lors une nécessité : « Le temps du stagiaire en bout de table, perché sur un tabouret, est révolu. Le stagiaire est le talent de demain. Nous en avons 150 en moyenne, qui restent chez nous six mois. À l’arrivée, un tiers de nos recrutements proviennent d’eux. »

Les ventes, moteur de la croissance

Exception à la règle : les spécialistes du digital misent sur les forces commerciales pour nourrir leur croissance. Ainsi, chez Criteo, spécialiste du ciblage marketing digital, elles représentent 50 % des recrutements contre 30 % pour la R&D et produit et 20 % aux fonctions support. Trouver des spécialistes data exige cependant d’élargir le sourcing, explique Virgile Raingeard, staffing director R&D and product : « Nous nous tournons maintenant vers les pays de l’Est qui ont de bonnes formations scientifiques, mais aussi l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie. »
Même schéma chez Digimind : sur les 100 recrutements prévus dans les 12 à 18 mois, 50 % renforceront la force commerciale et 40 %, la R&D et le développement. « Dans la fonction commerciale, nous recrutons des téléprospecteurs, des copywriters (créateur de contenu pour inbound marketing), des spécialistes du marketing digital, mais aussi des gens de terrain, pour organiser des événements, des conférences, salons, etc. », détaille Patrice François, directeur associé de Digimind.
Si aucun acteur n’échappe à la fièvre de la data, les stratégies pour les articuler avec des compétences déjà bien établies sont variées. De quoi relancer la compétition et faire surgir des solutions innovantes.

 

 

Cet article fait partie du dossier publié le 21/09/2017 dans le Stratégies n°1917

La data, moteur de la transformation du marché

Patrice François, directeur associé de Digimind, estime que le marché est en phase de transition : « Nous assistons actuellement à un vrai transfert des études traditionnelles vers l’exploitation des commentaires en ligne. Les éléments recueillis sur Internet étant moins structurés, ils sont moins segmentés par âge, genre, etc., de sorte que nous travaillons plus en termes d’insight. L’analyse big data a un impact sur l’efficacité car elle permet d’obtenir une mesure instantanée de la façon dont les consommateurs vivent l’expérience de la marque à travers les offres, les campagnes marketing ou publicitaires. En rebouclant avec la R&D des annonceurs, il y a aussi un impact sur la conception des produits. »

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