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En publiant son premier livre La Communication transformative, le directeur général d'Havas France et président d'Euro RSCG C&O ambitionne de révolutionner sa profession.

Laurent Habib veut faire son entrée dans le concert médiatique. Directeur général d'Havas France depuis 2009 et président-fondateur d'Euro RSCG C&O, une des filiales phares du groupe, le communicant rencontre actuellement les rédactions des quotidiens et des magazines pour promouvoir son premier livre, en librairie le 29 septembre.

Titré La Communication transformative. Pour en finir avec les idées vaines, cet essai est, potentiellement, un tremplin pour l'homme, son agence et son groupe, mais aussi l'occasion de faire parler du marché de la communication. Un secteur dépeint en crise et en déclin, et comme ayant manqué son rendez-vous avec l'Histoire. Retour, en cinq points, sur les objectifs d'un opus qui couronne le parcours d'un spécialiste du corporate.

 

Créer de la valeur. L'idée du livre est née en 2008 aux États-Unis, où Laurent Habib a séjourné plusieurs mois. C'est l'époque de l'élection de Barack Obama, dont la campagne révèle et concrétise, selon lui, un changement profond dans la communication des marques. L'auteur s'interroge aussi sur la notion de création de valeur. «Les Américains font prédominer la rationalité de l'achat sur les phénomènes irrationnels de consommation, explique-t-il. Aucune place n'est laissée, dans leurs méthodologies, à la dimension symbolique. En rentrant en France, j'ai réalisé que le symbolique était primordial: c'est la clef de la création de valeur.» Et la pierre angulaire de son livre. La question de la transformation lui apparaît alors comme une évidence. «Tous les conseils en stratégie parlent de transformation, dit-il. C'est très courant dans le consulting. Le seul métier qui n'a pas intégré cette donnée stratégique, c'est la communication. Ce qui est, quand même, extraordinaire! Car la communication a une prévalence, un pouvoir naturel sur les transformations. Elle travaille sur les représentations qui sont, elles-mêmes, la clef des transformations modernes. Celles d'hier étaient industrielles, liées au système de production. Celles d'aujourd'hui concernent les représentations.»

Laurent Habib travaille d'ailleurs sur ce point pour une profession qui cherche à être mieux rémunérée. En 2009, il a lancé la commission «valeur» de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), qu'il préside. «Un des problèmes des communicants est qu'ils ne comprennent pas la valeur qu'ils créent», poursuit Laurent Habib, qui a réuni en juin tous les patrons d'agences pour «un cours sur la valeur». Mieux valoriser la profession, la faire entrer au niveau le plus stratégique de l'entreprise, c'est toute l'ambition de l'auteur.

 

En finir avec la publicité. Laurent Habib n'est pas tendre avec la publicité qui, écrit-il, «a consacré l'Idée comme moyen par excellence de donner aux marques la puissance du mythe (...) Cet extrait de son livre donne le ton: «Pratiquant trop souvent le maquillage, la communication s'est mise à produire des idées vaines, sans valeur ni effet. Pour esquiver la confrontation, il est en effet très tentant de mettre en scène des messages si consensuels et unanimistes qu'on ne trouve personne pour les contredire. C'est le règne des lapalissades, des truismes (...).»

Pour lui, la disruption, théorie publicitaire développée par Jean-Marie Dru, de TBWA, tout comme la «creative business idea» «déployée» et «appliquée» par Mercedes Erra, coprésidente exécutive d'Euro RSCG Worldwide et cofondatrice de BETC, l'autre grande agence d'Havas, appartiennent au passé.

Ces réflexions «brillantes (...) conduisent les marques à s'exprimer de façon monolithique. Elles tendent à enfermer la communication dans un schéma parfois un peu réducteur où le seul enjeu devient la déclinaison et le déploiement (...). Elles portent en elles une forme de durcissement intellectuel que remet naturellement en cause l'ère du digital.»

On voit bien comment la «communication transformative» s'inscrit d'emblée dans la lignée des grandes idées qui ont marqué la publicité. Au fil des chapitres, il ne peut s'empêcher de fustiger la concurrence. Les quelques exemples de campagnes critiquées sont pris chez ses confrères: Orange (Publicis) ou Total (Harrison & Wolf, filiale de TBWA). Et le marché est pointé du doigt: «De nombreuses agences se disant globales ont conservé des méthodes et des “process” de travail qui remontent à la préhistoire de la publicité, écrit-il. En dépit des nouveaux enjeux qui sont les nôtres, les commerciaux continuent de “briefer” d'abord sur le spot publicitaire de trente secondes, les autres métiers de la création n'intervenant que dans un second temps pour décliner le travail publicitaire.»

Derrière les lignes se dessine en filigrane la montée en puissance de la communication corporate dont Laurent Habib est un expert. La prise en compte de l'ensemble des parties prenantes, la conduite du changement, la fin des oppositions entre marque commerciale et marque entreprise sont en effet nécessaires pour prendre en compte «une marque totale, agrégateur de la valeur immatérielle de l'entreprise».

Or, au sein des groupes de communication, la publicité a longtemps régné en maître. En rejouant la bataille des anciens et des modernes, Laurent Habib se place du côté de l'avenir, de l'innovation, du talent. Le livre consacre également le modèle de l'agence intégrée mêlant les expertises, un modèle mis en place depuis plusieurs années chez Euro RSCG C&O.

 

Attirer de jeunes talents. Depuis l'âge de vingt-trois ans, Laurent Habib enseigne à l'université de Paris I, d'abord le droit, puis les stratégies de communication. Une activité menée de front avec sa carrière chez Havas. On retrouve le professeur dans son livre publié aux Presses universitaire de France (PUF). Il analyse, au fil des pages, le rôle joué par la communication dans l'essor du capitalisme tout en revenant sur les grands concepts qui ont marqué l'histoire de la publicité. «J'ai souhaité faire un livre utile pour les étudiants, confie Laurent Habib. La compréhension de notre métier par les jeunes est primordiale. Or, depuis la disruption, il n'y avait pas eu de livre permettant de vraiment faire connaître notre métier.» Toucher les étudiants, c'est aussi l'assurance de former et d'attirer les jeunes talents. Une préoccupation de chef d'entreprise à l'heure où le secteur fait moins rêver que par le passé.

 

Promouvoir son agence . «Toute l'agence a été réorganisée ces derniers mois sur la base de la communication transformative. Elle est à l'œuvre dans la prochaine campagne d'Areva. Nous présenterons par ailleurs dans un mois la “Brand Extensive Value”, un outil permettant de gérer et de contrôler la valeur symbolique de la marque», explique Laurent Habib.

L'essai est en effet plus qu'une simple réflexion sur les dérives de la société de communication. En pointant les faiblesses d'un système où l'autocritique n'a pas de place, Laurent Habib brandit, dans les derniers chapitres, sa solution sous forme d'un outil propriétaire à marque déposée: le «Brand Program». Une démarche commerciale avec la caution des PUF. Pour Laurent Habib, le marché de la communication verra coexister, dans les dix années à venir, deux modèles d'agence: «Les maîtres de cérémonie d'une économie de la vente» et «les piliers d'une économie immatérielle et patrimoniale». Son choix est fait.

 

Soigner son «personal branding». Avec cet opus, Laurent Habib entend engager le dialogue, provoquer le débat. «Je vais faire le tour des grandes écoles de commerce, multiplier les conférences, débattre avec des philosophes, des économistes, des sociologues», explique-t-il. Des rencontres sont d'ores et déjà envisagées et programmées avec le sociologue Dominique Wolton, son concurrent Maurice Lévy, président de Publicis Groupe, et le conseiller en communication de l'Élysée, Franck Louvrier.

L'auteur, qui dit manier la plume dans la douleur, préfère de loin l'art oratoire. Cet ouvrage est manifestement l'occasion, pour ce communicant conseiller politique à ses heures, de donner une nouvelle dimension au patron d'un des premiers groupes de communication français. Voire d'entrer dans l'histoire… de la communication.

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