création
La bande dessinée fait une nouvelle percée dans le monde de la publicité, comme en témoigne, autre autres, la dernière campagne de La Poste avec Lewis Trondheim. Un format idéal pour se différencier et dépoussiérer son image.

Rajeunir son image de marque, attirer l'attention, créer une affinité avec le public, voire faire passer un message indigeste sur un produit financier ou la stratégie d'un groupe par exemple. La BD est parfois d'une aide inespérée pour les publicitaires.

Dernier exemple en date : La Poste, qui s'est offert une signature en vue chez les bédéphiles, Lewis Trondheim, pour sa dernière saga publicitaire. Orchestrée par l'agence BETC Euro RSCG, elle a débuté en novembre dernier. Une seconde vague est publiée dans la presse depuis le 11 février. Avec trois planches et deux personnages récurrents, cette dernière met en images les nouveaux services en ligne de La Poste. La campagne, programmée jusqu'au 16 mars (budget brut : 4 millions d'euros) se décline également en radio avec trois spots

« Nous voulions dépoussiérer l'image de La Poste, présenter ses innovations dans un style un peu déconnant et léger », raconte Jacques Jolly, directeur de création chargé du budget chez BETC Euro RSCG. « Il fallait quelqu'un qui incarne la nouvelle vague de la BD et en même temps un univers qui nous soit facilement appropriable», précise Vincent Relave, directeur de la communication de La Poste.

Le recours à la BD n'a certes rien de nouveau. « Hergé a longtemps eu son propre studio de pub, avec pour clients les anoraks Salik, l'huile Fruit d'or et Citroën. La photo n'est arrivée que dans les années 1960. De même, Moebius a travaillé pour Eram et Levi's dans les années 1970 », rappelle Patrick Gaumer, auteur du Dictionnaire mondial de la BD

(Larousse).

Mais on observe depuis quelque temps un regain d'intérêt pour le 9e art. En 2001, Christian Lacroix s'offrait deux nouveaux visages pour Eau sauvage, Corto Maltese et Largo Winch. À plusieurs reprises, de 2003 à 2009, BNP Paribas s'est appuyé sur Blake et Mortimer, d'Edgar P. Jacobs, forte des droits d'exploitation publicitaires qu'elle détenait. « Ces personnages font partie de notre imaginaire collectif et existent désormais en dehors même de leurs histoires», décrypte Patrick Gaumer.

Cap-Gemini, lui, a fait appel au dessinateur Ted Benoît pour ses campagnes monde de 2007 et 2008. « Nous étions un challenger, sans budget équivalent à ceux de nos concurrents. Nous devions donc surprendre. Nous avons décidé de faire appel à un dessinateur incarnant la "ligne claire", un style de dessin de BD dépouillé et élégant, pour une création originale », se souvient Philippe Grangeon, directeur marketing et communication monde de Cap Gemini.

D'autres marques ont préféré des dessinatrices à l'univers plus girly. Tels les produits alimentaires Marie, qui ont acquis un coup de jeune bienvenu en travaillant dès 2008 avec l'illustratrice Pénélope Bagieu, avec une série BD hebdomadaire publiée pendant vingt semaines par 20 Minutes, début 2010. «Nous voulions quelqu'un qui nous dépeigne le quotidien de femmes trentenaires. Et, grâce à son blog, elle nous a aussi apporté sa communauté de fans», résume Benjamin Taïeb, directeur-conseil à l'agence JWT.

Une collaboration publicitaire où le dessinateur doit faire des concessions sans perdre son âme. « BETC m'a contacté pour réaliser les illustrations sur des scénarios préétablis. J'ai apporté quelques touches qui n'ont pas toutes été validées », précise Lewis Trondheim. Avant d'admettre, lucide: «Je suppose qu'en faisant appel à un auteur de bande dessinée, La Poste voulait se singulariser et donner ainsi plus d'impact à ses messages. Mais mon regard, mon ton d'auteur, n'est pas vraiment là.» C'est toute la différence entre publicité et mécénat…

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