L'AACC dévoile avec Limelight Consulting la seconde édition de son Baromètre des compétitions. Si les bonnes pratiques sont désormais clairement identifiées, leur mise en œuvre se fait toujours attendre.

La Société générale qui lance, en mars 2010, une compétition avec ses deux agences historiques pour repartir de zéro cinq mois plus tard avec cinq agences. Vichy, en novembre de la même année, qui décide d'intégrer, au dernier stade de sa consultation opposant deux finalistes, une troisième agence. Le Crédit agricole, qui n'a toujours pas fait son choix cinq mois après avoir lancé son appel d'offres, inauguré en août dernier par un premier tour de piste… Il n'est guère étonnant d'entendre ici ou là quelques grincements de dents au sujet des compétitions.  

Même si elles-mêmes peuvent parfois alimenter certains dérapages, les agences ne manquent jamais d'exemples de compétitions n'ayant pas brillé par leur probité… «Il ne faut pas oublier que les consultations sont un peu notre recherche & développement à nous», explique Catherine Michaud, vice-présidente de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), chargée de l'interdélégation, par ailleurs présidente de l'agence XL (TBWA). C'est pourquoi l'association se penche depuis 2008 sur ce sujet sensible, via son Baromètre des compétitions mené avec Limelight Consulting et dont la deuxième édition a été présentée mercredi 4 mai. Au-delà de la polémique, l'AACC souhaite «objectiver, chiffres à l'appui, un vrai problème et y apporter des réponses», ajoute Catherine Michaud.

Ce second baromètre dégage sept questions clés, du nombre de compétitions auxquelles participent les agences à leur indemnisation en passant par le nombre de ces dernières consultées. Revue de détail. 

 

1- Le nombre de compétitions. En moyenne, une agence a participé en 2010 à 30 compétitions, soit 18 de moins qu'en 2008. Mais l'écart, selon les métiers, peut être considérable. Ainsi, la communication événementielle affiche le chiffre astronomique de 121 consultations! À comparer aux agences corporate et de communication éditoriale, qui participent en moyenne à 45 compétitions, mais surtout à leurs consœurs de la publicité, de la communication santé, du marketing services ou de la production publicitaire, dont le nombre oscille entre 11 et 18 par an, un niveau jugé raisonnable selon l'AACC.

L'événementiel pâtit manifestement de la politique de «coups» inhérente à son activité. «Les annonceurs semblent convaincus que la multiplication des compétitions leur permettra d'avoir le maximum de nouvelles idées. Or, notre baromètre révèle que 73% des agences sortantes de ce secteur gagnent les appels d'offres, contre 4 fois sur 10 en général tous métiers confondus. Ne serait-il pas raisonnable d'en limiter le nombre?», interroge Catherine Michaud. Ce à quoi Didier Beauclair, directeur médias et relations agences de l' Union des annonceurs (UDA) répond: «Derrière le mot compétition, on englobe des choses très différentes allant de la définition d'une stratégie à des prestations très circonscrites ne demandant pas le même investissement.»

 

2- Les critères de sélection. La réputation d'une agence, mais aussi le fait d'avoir été déjà consultée ou d'avoir travaillé avec l'entreprise qui consulte, tout comme la recommandation par un pair restent, de loin, les principaux critères de sélection aux yeux des annonceurs. «L'expérience vécue par les annonceurs est primordiale. Les agences tendent à la sous-estimer dans leur relation avec ces derniers. Tout acte laisse une trace», prévient Catherine Michaud.

À noter que pour les budgets de moins de 500 000 euros, le critère relationnel (conseil d'un pair) est surpondéré (environ 75%), alors que pour les budgets de plus de 2 millions, le recours au conseil en choix d'agences est plus fréquent (37%, contre à peine 7% pour les budgets de moins de 500 000 euros).

 

3- Le nombre d'agences consultées. Par rapport à 2008, les annonceurs ont consulté l'an dernier autant d'agences en long list: 6 à 7 en moyenne (8 en événementiel et 5 en corporate). En revanche, ils «briefent» davantage d'agences en short list, soit 4 à 5 (5 en publicité et 3 en santé), contre 3 à 4 en 2008. Si les deux tiers des annonceurs consultent de 3 à 4 agences, plus d'un quart d'entre eux continuent d'en solliciter 5 ou plus. Une dérive qui s'accentue quand le montant du budget croît: 56% recourent à 5 agences ou plus en short list pour les budgets de plus de 2 millions d'euros.

«Cela nécessite un temps passé énorme, tant pour les agences que pour l'annonceur. Or, il est difficile pour les premières de refuser une consultation, surtout en période de crise. C'est aux annonceurs de progresser sur cette question», lance Catherine Michaud, qui prône une limite de «trois agences en short list, dont la sortante si elle est reconsultée».

Un objectif qu'assure viser le cabinet de choix d'agences VT Scan, qui gère une soixantaine de compétitions par an: «Sur les douze derniers mois, le nombre moyen d'agences par consultation que nous gérons est de 3,5», assure Fabrice Valmier, son directeur associé.

 

4- Les délais de compétition et le cahier des charges. En 2010, une compétition a duré en moyenne neuf semaines, contre une douzaine en 2008. À noter que plus le budget est important, plus la consultation est longue. Une vision globale que Fabrice Valmier détaille en s'appuyant sur ses propres données: «En communication globale, la durée d'une compétition est d'environ sept à huit semaines. Elle oscille entre quatre et huit semaines en marketing services et en digital. En RP, la moyenne est plutôt d'un mois et en communication éditoriale de six semaines.»

Quant au contre-exemple du Crédit agricole cité plus haut et que gère le cabinet de choix d'agences Pitchville, Marie-Charlotte Longueville, sa cofondatrice, répond: «Il y a des règles de compétitions idéales et elles sont nécessaires, mais il faut parfois accepter de consacrer plus de temps à une consultation qui engage souvent une agence et un annonceur sur plusieurs années.»

Si, sur la durée, les choses semblent doucement s'améliorer, tel n'est pas le cas pour le cahier des charges. Les annonceurs n'accordent manifestement pas la même importance à des informations jugées pourtant primordiales par les agences, comme le montant des budgets, les modalités de décision et la liste des agences consultées. Avec un carton rouge spécialement adressé aux directions achats des annonceurs, pour qui seuls paraissent indispensables un brief complet et une égalité de traitement.

Mais le niveau d'information varie selon les métiers. Le montant du budget est ainsi très majoritairement communiqué en digital (80%) comme en publicité et en événementiel (76%), beaucoup moins en santé (44%).

Par ailleurs, tous les métiers ne sont pas logés à la même enseigne. Si la stratégie reste l'apanage de la publicité, la volonté de «challenger» l'agence actuelle, la réduction du nombre d'agences et l'élargissement de la palette de prestataires sont les principaux objectifs assignés par les annonceurs à une compétition de marketing services. Le corporate et les RP étant pour leur part situés entre les deux, tiraillés d'une part entre une recherche de nouvelles idées et une réponse multicanal et, d'autre part, une volonté d'optimiser les budgets.

 

5- La décision. Quant à l'identité des décisionnaires, annonceurs et agences ne sont pas vraiment sur la même longueur d'onde. Alors que les premiers considèrent que la décision revient d'abord à la direction de la communication (53%) et au marketing (49%), les secondes placent largement en tête le président et la direction générale (65%). «Chacun voit midi à sa porte, concède Catherine Michaud. Les uns souhaitant montrer qu'ils gardent la main, les autres cherchant une légitimité au plus haut niveau.»

Mais l'écart le plus intéressant porte sur le rôle des services achats. Alors que les annonceurs pensent qu'ils ne pèsent que pour 15% dans la décision finale, les agences leur attribuent un poids quasiment double (29%). «La pression croissante des achats se fait au détriment de la rentabilité des agences, du niveau de rémunération de leurs équipes et, au final, de la qualité du travail fourni», assure Catherine Michaud.

Pour Didier Beauclair de l'UDA, «le recours aux acheteurs est une donnée “dure” de certains annonceurs, il faut faire avec. Mais sur les gros appels d'offres, leur poids est moins déterminant pour la décision finale», assure-t-il.

La vice-présidente de l'AACC, qui prône la mise en place de critères spécifiques à la communication («un métier chronophage»), rappelle que, depuis un an, l'association s'est rapprochée des écoles de formation des acheteurs et travaille avec l'UDA sur le sujet.

 

6- Le coût. Sans surprise, le temps passé et la création restent les principaux postes d'investissement des agences lors d'une compétition. Une évidence que tous les anonceurs n'ont pas intégrée. Alors que les agences déclarent consacrer en moyenne 53,5 jours de «temps-homme» et 13 100 euros de frais de création par compétition, les annonceurs estiment ces postes respectivement à 29 jours et 11 300 euros.

«Les annonceurs ne réalisent pas l'investissement des agences. Les gens qui travaillent sur une consultation ne se réduisent pas à ceux qui sont à la présentation», déclare Catherine Michaud. De même, les annonceurs ne semblent pas avoir perçu la forte réduction d'investissement des agences qui, en 2008, déclaraient en moyenne 108 jours de temps passé et 25 000 euros de création. «Je crois que les annonceurs n'ont pas les éléments en main pour mesurer cela. Il faut que les agences valorise mieux leur investissement», préconise Didier Beauclair.

 

7- Les indemnisations. Reste enfin l'épineux dossier des indemnisations. «Cela demeure un combat pour les agences, mais il ne suffit pas en soi. Si, en amont, les choses s'améliorent – annonce du nombre et du nom des agences consultées, du montant du budget, etc.–, l'indemnisation sera moins un problème», pense Catherine Michaud.

Le Baromètre de l'AACC estime que, l'an dernier, 3 fois sur 10, les agences non retenues ont été indemnisées pour un montant moyen de 6 100 euros (5 600 euros, selon les annonceurs), en baisse de 45% par rapport à 2008, les gros budgets ayant été les plus touchés.

Au final, on est sans doute encore loin des compétitions idéales, notamment évoquées dans le «Guide d'expériences réussies», publié conjointement par l'AACC et l'UDA en septembre dernier (cf. Stratégies n° 1602 du 23/9/2010). Mais Catherine Michaud en est convaincue: «Désormais, les agences sont mûres pour avancer ensemble sur ce sujet.»Reste à convaincre les annonceurs.

 

 

Méthodologie

Interviews téléphoniques réalisées par Actudes en décembre 2010 auprès d’une cible d’annonceurs (200 personnes de 169 entreprises) et d’agences (100 personnes de 83 entreprises).

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