crise
La polémique sur le bonus du président de Publicis montre qu'un groupe, même de communication, n'échappe pas aux règles d'une bonne gestion de crise.

Une information parue sur un site économique, abondammment relayée dans les médias puis récupérée par les politiques en pleine campagne électorale... et c'est l'escalade. Un scénario de crise, on ne peut plus classique, si ce n'est que la cible en question n'est autre que Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe, le numéro trois mondial de la publicité dont une des activités est justement de conseiller les grandes entreprises en situation de crise.

En relevant dans le document de référence 2011 de Publicis Groupe que Maurice Lévy devait recevoir près de 16,2 millions d'euros au titre de rémunérations variables différées et accumulées depuis 2003, La Tribune.fr déclenche le 26 mars dernier une polémique qui a pris de court le groupe de communication, à commencer par son patron.

Les politiques ne tardent pas à s'emparer du sujet. François Hollande estime qu'il n'est «pas acceptable» que des personnes touchent une telle somme en période de crise «où chacun doit faire des efforts». La porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, juge ce bonus  «disproportionné». Nicolas Sarkozy s'en prend directement à Elisabeth Badinter, fille du fondateur de Publicis et principal actionnaire du groupe, en soulignant que «ceux-là même qui ont le cœur à gauche (...) votent pour le dirigeant d'une grande entreprise des rémunérations exorbitantes».

Le conseil de surveillance de Publicis publie le 29 mars un communiqué pour défendre son président mais un article de Rue89.com relance l'affaire tois jours plus tard en assurant que des managers de Publicis ont demandé aux salariés de signer des messages de soutien à leur patron. Une pratique démentie par Arthur Sadoun, président de Publicis France et Publicis Conseil, qui parle d'«un mouvement de sympathie spontané».

Dans la foulée, des salariés de Publicis et des militants de Sauvons les riches et de Génération Précaire fêtent le 10 avril, avec confettis et champagne, le bonus de Maurice Lévy devant le siège des Champs Elysées.

Ce n'est que le 14 avril que le patron de Publicis brise enfin le silence, en défendant son bonus sur RTL. Il explique qu'il s'agit d'une «rémunération différée» des performances du groupe accumulée pendant neuf ans et qu'en quinze ans Publicis est passé de 560 millions d'euros de chiffre d'affaires et 6 000 collaborateurs à 5,8 milliards d'euros et 54 000 personnes. Il remet ça deux jours plus tard dans Les Echos: «Tout a été fait en transparence».

Maurice Lévy l'assure dans son entretien aux Echos: «Je ne crois pas avoir commis une erreur de communication». Qu'en pensent les experts et les professionnels? «Le discours de Maurice Lévy est assez bien construit si l'on considère que l'objectif était de protéger l'image de Publicis et surtout la sienne en fédérant autour de lui ses pairs, les autres patrons», estime Erix Pesnel, professeur à l'ESCP Europe et auteur de «Ces entreprises dont vous êtes les héros. Vaincre les crises et gagner!».

Un avis que ne partage pas Patrick Lagadec, professeur à Polytechnique et spécialiste des «crises hors cadre»: «Dans le contexte actuel, ce genre d'information a une puissance de déstructuration colossale. Se pose la question de la pertinence de cette annonce, d'autant que le président de Publicis avait précédemment fait des déclarations [appel à une contribution exceptionnelle pour les riches, renonciation à son salaire fixe] en porte-à-faux avec ce bonus, au final simplement présenté comme légal et allant de soi

Pour Jean-Christophe Alquier, co-président de l'agence corporate Ella Factory, «les arguments développés par Maurice Lévy sont plutôt justes sur le fond. Le problème est que le groupe a lui-même créé les conditions d'une annonce difficile d'abord en optant pour cette modalité de rémunération différée, ensuite en s'inscrivant dans un contexte économique et politique sensible et enfin en ayant adopté auparavant une posture de patron vertueux.»

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