communication
Sous l’impulsion de son nouveau partenaire, Le Cirque du soleil, l’agence de Montréal se lance dans l’aventure du divertissement événementiel pour les marques. Une pratique originale de plus pour une enseigne qui se distingue par son approche multidisciplinaire.

Sur scène, l'artiste suisse Lara Jacobs exécute son mystérieux numéro d'adresse, un des moments forts d'Amaluna, le nouveau spectacle du Cirque du soleil. La performance ne se déroule pas sous le chapiteau de la compagnie, sur le vieux port de Montréal, mais dans le complexe du New City Gas, une ancienne usine réhabilitée qui abrite le C2-MTL, congrès du commerce et de la créativité dans la capitale québécoise. Elle ponctue la conférence donnée par le PDG du Cirque du soleil, Daniel Lamarre. «Parmi nos 5 000 employés, nous avons une équipe chargée des événements spéciaux», explique-t-il. Celle-ci a, par exemple, conçu un spectacle pour Microsoft au moment du lancement de son interface de jeu Kinect.

Une opération qui a donné des idées au Cirque du soleil et à son agence de communication montréalaise Sid Lee, qui ont créé une coentreprise spécialisée dans l'événementiel appelée Sid Lee Entertainment. Détenue à 50% par chacune des deux parties, celle-ci aura pour ambition de créer des événements artistiques sur mesure et de dimension internationale pour des marques. «Sid Lee amène son expertise du marketing et nous apportons les nôtres dans les domaines artistiques et événementiels, explique Daniel Lamarre à Stratégies. Nous planchons déjà sur deux projets, l'un dans la mode et l'autre dans les sports extrêmes.»

Telle est la dernière initiative de Sid Lee, reflet de son caractère anticonformiste. L'intégration de disciplines en dehors des sentiers battus de la communication et la réalisation d'initiatives hors-cadre (comme le lancement de sa propre marque de produits de beauté) sont les caractéristiques de l'agence. Au début de l'année, elle a déjà surpris en se rapprochant financièrement du Cirque du soleil. Ce dernier a en effet pris une participation minoritaire dans l'agence montréalaise. Selon nos informations, sa participation dans Sid Lee s'élève à 25%.

Quelle conception de la communication prône cette agence atypique? Entre deux plateaux-repas posés sur le comptoir du «lounge créatif» du C2-MTL, Jean-François Bouchard, cofondateur et président de l'agence canadienne, la dévoile: «Notre modèle d'affaires est celui de la créativité commerciale, souligne-t-il. C'est aussi le futur de la communication, car si la publicité n'est pas morte, elle s'est transformée et devient un outil comme les autres. L'aptitude à faire collaborer des talents créatifs de tous les horizons prime, car elle est garante d'une expérience de marque riche.»

Important voisin américain

Présente aux Pays-Bas, en France et aux Etats-Unis, Sid Lee a une idée précise de son développement international. «Nous voulons en faire un réseau, mais d'un autre genre, considère Jean-François Bouchard. Ce sera un réseau créatif, c'est-à-dire qu'il comportera des dimensions multidisciplinaires et multiculturelles. C'est notamment le cas de notre bureau d'Amsterdam, dans lequel les 70 personnes sont issues de 20 nationalités différentes, dont seulement 10% de Néerlandais.» En France, Sid Lee a ouvert un bureau à Paris dirigé par le créatif Sylvain Thirache (ex-DDB) en 2009. L'expansion internationale s'effectuera en douceur, mais elle est déjà significative puisque, selon l'agence, plus de 50% de son chiffre d'affaires est réalisé en dehors du Canada. «Nous ne ferons pas d'acquisitions externes afin de construire Sid Lee à l'étranger, affirme Jean-François Bouchard. Nous préférons prendre notre temps et miser sur un développement organique. Dans cinq ans, on aimerait être présent sur tous les continents.» L'agence montréalaise aurait des projets en Asie et au Qatar.

A brève échéance, Sid Lee va ouvrir un bureau à New York. Des employés ont déjà été embauchés. Le voisin américain est un enjeu de taille, d'autant qu'il représente le plus gros marché du Cirque du soleil, son partenaire. Selon nos informations, Sid Lee vient d'y remporter deux budgets qui s'ajouteront à ses clients actuels, comme la Major League Soccer (MLS), le championnat de football nord-américain qui accueille de vieilles gloires européennes, tels David Beckham ou Thierry Henry. Ce développement international a pourtant connu un revers avec le budget du constructeur informatique Dell, qui avait entraîné l'ouverture d'un bureau à Austin (Texas), dans le fief de la marque. Un contrat important gagné par Sid Lee au début de l'année 2011, mais qui s'achèvera dans quelques mois au profit de Young & Rubicam. «La greffe n'a pas pris», concède Jean-François Bouchard. Il semble que l'approche multidisciplinaire revendiquée par Sid Lee n'ait pas été adoptée par le fabricant texan. Or, c'est un des axes fondateurs de l'agence montréalaise.

Pour s'en convaincre, il suffit de retourner au siège de Sid Lee, situé dans la Cité multimédia de Montréal, où son directeur de la création et cofondateur, Philippe Meunier, l'explique en dessinant une double étoile sur le tableau de son bureau. «Contrairement au travail en silos par discipline de communication, nous abordons la création de manière globale, sans recourir à des teams classiques, détaille-t-il. Nous formons des trios ou des quatuors multidisciplinaires – architecte, blogueur, concepteur-rédacteur, directeur artistique, designer etc. – sans hiérarchie.» Appelé «salle verte», l'espace consacré à Adidas Originals, budget qui en 2008 a propulsé Sid Lee dans la cour des grands, témoigne de cette profusion de créatifs de tous horizons.

Un tout

C'est à côté du siège qu'on retrouve les éléments de cette fusion des disciplines, à travers les filiales comme Sid Lee Architecture et ses véritables architectes, la boîte de production Jimmy Lee ou encore l'entité interactive Sid Lee Technologies, au positionnement pour le moins original. Cette filiale n'est pas pilotée par un «geek» qui ne jure que par son nombre d'amis virtuels sur les réseaux sociaux, mais par un ancien consultant en informatique de gestion. «Quand on est issu de mon univers, il faut un temps d'adaptation pour travailler avec une agence de communication, mais lorsque l'on sait s'apprivoiser, les résultats obtenus sont très intéressants, notamment en matière de commerce électronique», indique Pierre Campeau, associé et responsable de Sid Lee Technologies. Quant à la production audiovisuelle, elle ne se résume pas à une simple boîte de production publicitaire. Un de leurs annonceurs les a par exemple sollicités pour une websérie à la façon d'Entourage (série américaine de HBO). «Nous mettons l'accent sur les contenus de marques, vidéos pour mobile, webséries, afin de considérer les fictions et leurs pauses publicitaires comme un tout, explique Richard Jean-Baptiste, codirecteur de Jimmy Lee. Cela nous différencie à la fois des boîtes de production publicitaire et des agences de «brand content”.» Une chose rapproche toutefois Sid Lee des grands groupes de communication: l'agence ne donne ni son chiffre d'affaires ni sa marge brute…

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