Bruno Scaramuzzino, coprésident de l' agence corporate Meanings, publie «Parole», une étude menée avec les étudiants du master de sémiologie et de linguistique de Paris V-Descartes. Explications.

«Parole» est publié chez l'Harmattan, dans la collection Horizons anthropologiques. C'est une manière de valoriser votre agence?


Bruno Scaramuzzino. C'est effectivement une posture. Chez Meanings, nous sommes convaincus que pour bien faire notre métier de conseil, il nous faut apprendre des artistes et des universitaires. Nous organisons régulièrement des expositions d'art dans nos locaux. Et nous avons noué un partenariat avec la Sorbonne et le Master de sémiologie et de linguistique. Maintenir ce lien avec l'université, c'est notre manière de faire de la R & D. Cela pèse évidemment sur la perception de l'agence et son exigence. C'est important de produire autre chose que de la communication transformative... [titre de l'ouvrage de Laurent Habib, président de Babel, ex-Euro RSCG C&O]

 

Pourquoi la dévalorisation de la parole vous inquiète-t-elle?


B.S. Désacralisée, fragilisée, la valeur de la parole est en péril, car celle-ci est soit dopée aux amphétamines, soit étouffée. Ainsi, elle se dissout dans un grand bavardage et une obligation d'interagir. A cet égard, le storytelling, nouvelle invention marketing de notre profession, est une impasse. Dans le même temps, la parole qui fonde le pacte social se retire de beaucoup de lieux – l'entreprise, le foyer – et prend des formes virtuelles et distantes. Cet ouvrage, qui traite du rôle de la parole au travers de multiples éclairages (historique, philosophique, linguistique, ethnologique...) veut en rappeler sa valeur sociale, sacrée et démocratique. Ce qui amène à poser la question de sa relation au chef et à l'autorité, à la démocratie et à la gouvernance. Car ce qui donne de la valeur à la parole c'est la confiance que l'on place en celui qui la prononce. Or, aujourd'hui, beaucoup de figures tutélaires se dérobent à la parole et la disqualifient, refusant de voir qu'elle les oblige à une plus grande droiture, à davantage de conviction, de solennité et de partage.

 

Votre ouvrage ouvre des pistes pour repenser la communication interne. Quels sont vos conseils aux patrons?

 

B.S. Reprenez la parole! On ne traite pas le problème de la parole du chef par un intranet communautaire. Les patrons se cachent. Or le silence persistant comme la prise de parole mécanique altère la parole. Entre les deux, il faut faire émerger des figures tutélaires protectrices et favoriser les événements qui cristallisent le collectif et sacralisent le chef ou tout au moins le font exister. Dans la gestion d'une conduite du changement, il faut aussi réintégrer aux plans média des dispositifs de prise de parole. Le bistrot que nous avons ouvert en bas de l'agence a vocation à recréer de la parole, de la convivialité et de l'identité. Autour de la parole dans l'entreprise, il y a enfin un enjeu de mémoire – la question de la transmission intergénérationnelle – qui consolide l'institution. Et puis, on le sait, la parole est curative. Faire parler, écouter, relève de la responsabilité du management. Nous travaillons à une étude avec Harris Interactive sur tous ces sujets.

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