création
Installé à Londres depuis huit ans, cet artiste français est en pleine ascension grâce à une signature originale et protéiforme.

Pourquoi un illustrateur devrait-il seulement se contenter du papier ? Pourquoi n'imaginerait-il pas aussi des meubles, l'emballage d'une bougie, un papier peint, des affiches interactives ou encore des films animés ? Qu'importe le support, pourvu qu'il y ait l'idée. Ce pourrait être la philosophie créative de Jean Jullien, dessinateur version 2013 parfaitement ancré dans son temps. «Si j'étais né dix ou vingt ans plus tôt, peut-être que je n'aurais pas fait carrière», suppose-t-il dans un sourire. Car si, chez lui, tout commence toujours par un dessin au crayon et au pinceau sur papier, ses idées prennent ensuite leur pleine dimension grâce à l'ordinateur. A l'aise avec les récents outils de communication, il en a même fait le thème de sa récente exposition Allo ? à la Kemistry Gallery, à Londres. Une réflexion illustrée sur la façon dont l'avènement des nouvelles technologies altère les comportements sociaux. «Ce n'est pas une critique, je suis moi-même greffé à mon Iphone et je diffuse beaucoup mon travail sur les réseaux sociaux», explique-t-il. Ainsi a-t-il logiquement donné une vie interactive à certaines de ses affiches via Junaio, une application de réalité augmentée disponible sur l'App Store (voir ci-contre).

Plusieurs vies artistiques au même moment 

Après huit ans passés à Londres, Jean Jullien travaille à présent autant pour des clients anglais que français. C'est par le biais de ses études que le Nantais d'origine fait ses premiers pas en terre britannique. Après un cursus à la prestigieuse école Central Saint Martins, il enchaîne avec un Master au Royal College of Art obtenu en 2010. Un parcours sans faute qui le pousse à rester. «Londres est une ville cosmopolite, ouverte à la créativité en général. C'était tentant», confie Jean Jullien. Devenu bilingue et amoureux d'une Anglaise, le jeune artiste a trouvé peu à peu ses marques. A tout juste trente ans, pas question pour l'instant de rentrer au bercail. «Je fais quand même beaucoup d'allers-retours pour le travail», ajoute-t-il. Représenté en France par Illustrissimo, il vient de signer avec des agents à Londres, New York et Séoul.

Des doubles voire triples vies artistiques qui se répondent souvent. Ainsi, le 15 mars paraissait une illustration dans M, le magazine du Monde, et simultanément, un autre dessin dans la revue américaine The New Yorker. Le jour même de l'interview, Jean Jullien s'apprêtait à rendre ses planches à ses deux éditeurs, Michel Lagarde à Paris et Walker Books à Londres. Deux projets de livres pour enfants sont, en effet, en préparation de chaque côté de la Manche. Le premier, l'histoire d'un chien-saucisse, Ralf, paraîtra en septembre en France, le second, Hoot Owl, racontera celle d'une chouette pour une parution en 2014. «J'étais réticent à me lancer dans la publication jeunesse car c'était un peu trop évident d'associer mon trait légèrement naïf à cet univers, mais les deux projets m'ont séduit…», raconte l'illustrateur français.

Ce trait a, lui, déjà attiré plusieurs marques, comme récemment la chaîne de restaurants anglaise Byron Burger, pour laquelle il a notamment illustré des menus, des tee-shirts jusqu'à une fresque d'art de rue sur une palissade pendant des travaux d'aménagement. «Il y a une grande liberté créative et un respect du travail artistique dans la publicité anglaise. Ils sont plus décomplexés, moins obsédés qu'en France par le fait de montrer à tout prix le produit», explique Jean Jullien. Influencé par la culture anglo-saxonne, il rêve toutefois de faire de la publicité plus «signée» également à Paris.

Touche-à-tout prolifique

En attendant, plusieurs projets l'occupent. Deux expositions à Londres, en avril et en mai, un festival à Berlin et une exposition à Paris en juin (galerie Michel Lagarde). Le planning est chargé et les thèmes de chacune de ces manifestations pas encore définis dans la tête de l'artiste. «Je travaille vite», rassure aussitôt Jean Jullien. Dans ses carnets de croquis où il rend compte du quotidien se trouvent certainement déjà la plupart de ses futures idées. «Ces expositions me sont nécessaires. Elles agissent comme un laboratoire pour moi, c'est là que je “championne” mes idées.» Grâce à ces expositions, il montre aussi ses sculptures, comme la «table-bonhomme» réalisée pour le magazine anglais The Gourmand.

Ce touche-à-tout prolifique a-t-il encore des envies à assouvir ? «J'aimerais beaucoup faire du packaging, à l'instar de la bougie “Air du Parisien” que je viens de réaliser pour Colette», confie-t-il. Recréer un lieu comme le bar-œuvre d'art Le Nid, qu'il a créé au 32e étage de la tour de Bretagne, à Nantes en 2012, fait partie des expériences qu'il aimerait renouveler. Le dessinateur voudrait, enfin, pousser son univers encore plus loin dans la vidéo: «Avec mon frère Nicolas, musicien et webdesigner, nous coréalisons des clips et des films d'animation.» The Jullien Brothers cherchent producteur à Paris ou à Hollywood. A bon entendeur…

 

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