Xavier Corval, fondateur d’Eqosphère et membre du Mouvement des entrepreneurs sociaux, et Arno Pons, directeur général de l’agence digitale 5ème Gauche, appellent à un plan national de valorisation de l’économie numérique. Explications

Que nous manque-t-il pour qu'émergent en France les Google et Facebook de demain ?

 

Xavier Corval et Arno Pons. Aux Etats-Unis, à la fin des années 1990, le vice-président Al Gore, avec son concept d'autoroutes de l'information, a pris le parti d'investir dans le numérique tout en laissant les entrepreneurs s'approprier et développer ce potentiel, convaincu que cette nouvelle économie deviendrait un levier de croissance et de puissance pour le pays. La France a raté ce virage initial, mais il n'est pas trop tard pour libérer les énergies. A l'heure où les contraintes budgétaires menacent l'innovation, où la morosité pèse sur les initiatives économiques, «l'énergie» numérique est une véritable opportunité de rebond. Innover et exploiter la transversalité sont indispensables pour faire face aux défis du moment et, au-delà, aller vers un modèle de croissance raisonnée et durable intégrant d'autres indicateurs que le seul produit intérieur brut (PIB). C'est dans cet esprit que nous proposons l'organisation d'un Grenelle du numérique qui est une invitation à la conduite collective du changement. Il faut une prise de conscience et une volonté politique favorisant l'innovation dans un cadre économique repensé

 

Pourquoi cette appellation «Grenelle du numérique», après un «Grenelle de l'environnement» connoté politiquement et sujet à controverse ?

 

X.C. et A.P. Le Grenelle de l'environnement, lancé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a eu le mérite de mettre le sujet du développement durable au cœur des débats et d'embarquer les différents intervenants dans une démarche constructive et collaborative. Nous avons les mêmes objectifs: favoriser une prise de conscience collective de l'enjeu numérique et coproduire des solutions qui engagent les acteurs privés et publics. C'est un changement de paradigme de la politique publique. Le but n'est pas de légiférer mais d'imaginer le nouveau modèle de relation entre les collectivités publiques et les forces vives du numérique. Nous devons inventer un type d'organisation à mi-chemin entre les commissions et les «hackathons». Les politiques doivent comprendre qu'Internet implique une logique «bottom-up» [de bas en haut] qui modifie la relation public-privé.

 

C'est pourtant bien aux pouvoirs publics que vous en appelez pour orchestrer ce mouvement...

 

X.C. et A.P. Il faut évidemment une impulsion nationale et c'est à l'Etat stratège de décider des politiques publiques. Mais, alors que la crise empêche d'investir massivement dans l'innovation, notre pays doit imaginer et expérimenter un modèle qui soit «open innovation», reposant sur la conviction que, désormais, l'innovation créatrice de richesses économiques et sociétales peut émerger de partout. Il s'agit de créer le partenariat gagnant entre l'Etat, les collectivités locales et les acteurs du secteur afin de maximiser le potentiel d'innovation.
C'est ce débat-là qui doit être mené. En France, nous avons un ministère de l'Economie numérique, un Conseil national du numérique, des associations comme Cap digital, un vivier d'entreprises, des incubateurs de start-up, etc. Réunir tous ces acteurs dans un Grenelle des synergies numériques montrerait la voie - par la concertation - d'une croissance collaborative et sortir du fonctionnement en silos.

 

Vous voulez également faire oublier le mouvement des Pigeons ?

 

X.C. et A.P. La seule fois que les acteurs de l'économie numérique ont été identifiés par le grand public et considérés par le gouvernement, ce fut pour la défense de leurs propres intérêts via les «Pigeons»... Oui, cette impulsion pour un Grenelle du numérique vise aussi à offrir une autre image des acteurs du numérique.

 

Quelles sont les prochaines étapes de votre initiative ?

 

X.C. et A.P. Nous lançons un manifeste sur le site Grenelle-numerique.fr qui a déjà reçu le soutien de Dominique Roux, directeur de la chaire d'économie numérique de l'université de Paris-Dauphine, Stéphane Distinguin, président de Faber Novel et de Cap digital, Edouard de Pouzilhac, président de l'AACC interactive, Pierre Robinet, directeur de l'intégration digitale chez Publicis, Eric Legale, directeur général d'Issy Media... Entendre, le 14 juillet, le président de la République dire «Nous allons tout mettre sur le numérique» nous encourage dans notre démarche. A cette ambition nous proposons une méthode!

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