Le 17 avril 1857 sortait en librairie Madame Bovary. Cent cinquante-sept ans plus tard, jour pour jour, le directeur de création Pascal Couvry annonce la création de son agence qui porte le nom de l'héroïne de Gustave Flaubert. «J'ai fait de Madame Bovary une personne morale, lance ce fils de libraire, non sans humour. Je cherchais un nom français à renommée internationale.» Un nom qui soit, en lui-même, un acte de communication. «Madame Bovary est une agence de création corporate, précise-t-il. Les héros des campagnes d'intérêt général sont des gens ordinaires qu'il faut savoir observer.»
Depuis quatre ans, Pascal Couvry était le directeur de la création de Publicis Consultants. On lui doit les campagnes sur la Sécurité routière, notamment le spot «Tant qu'il y aura des morts» (Effie d'argent en 2012), et «La vie de Léa», campagne de sensibilisation à la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes du SIG (Services d'information du gouvernement), couronnée du Grand Prix Stratégies de la communication d'entreprise 2013. Six ans plus tôt, il avait été récompensé avec CLM BBDO du Grand Prix Effie 2007 pour une campagne sur les violences conjugales et, en 2002, d'un prix Stratégies pour une autre sur la discrimination raciale avec BBDO Corporate.
A 53 ans, après plus de trente ans de carrière, de Havas à Publicis en passant par McCann et CLM, cet autodidacte, arrivé dans la publicité comme commercial avant de bifurquer vers le planning stratégique et la création, et surtout vers la communication publique, fait aujourd'hui le grand saut... peut-être un peu poussé par les circonstances et une personnalité certainement peu lisse mais pétrie de convictions.
En tandem sur les marchés publics
«Dans les agences corporate qui gèrent la réputation des entreprises et veillent à anticiper les crises, les prises de parole créatives sont trop souvent perçues, par les commerciaux, comme une prise de risque, affirme-t-il. Quand le directeur de la création est en contact direct avec le client, on peut avoir plus d'audace et, pour ma part, j'ai plus de facilité et de plaisir que de passer par les arcanes des hiérarchies internes.»
Bien qu'ayant quitté Publicis Consultants en janvier, Pascal Couvry - qui est remplacé par Bruno Moreira - va continuer à travailler pour la Sécurité routière encore quelques mois. Et se consacrer à Madame Bovary qui va se tourner vers les marchés publics. Mais en tandem, car aucune candidature d'agence n'est recevable en deçà de trois ans d'antériorité. Ainsi, Madame Bovary a fait acte de candidature avec l'agence digitale Nurun sur un appel d'offres de l'INPES concernant la nutrition et a déjà pris contact avec Aegis pour réfléchir à des complémentarités.
«Les annonceurs ont besoin de petites structures créatives, réactives et très impliquées avec des profils expérimentés», assure Pascal Couvry. Le directeur de création Benoît Devarrieux, qui a créé ses Ateliers il y a trois ans et affiche 1,5 million de marge brute, confirme. «Madame Bovary, c'est poétique, déstressant, sympathique et connivent pour s'adresser aux clients insatisfaits», salue cette figure de la publicité. Et d'ajouter: «L'énorme changement sur le marché, c'est qu'aujourd'hui les talents sont dehors, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans et condamnait les chances de réussite des petites agences.»
«Compte tenu de la multiplication des points de contact avec les consommateurs, il est de toute façon impossible d'internaliser tous les spécialistes. Donc, ce qui compte, c'est l'implication auprès du client et la capacité à trouver et manager les talents car, autre paradoxe de l'époque, la visibilité n'est plus le critère de l'excellence de la communication», poursuit le fondateur des Ateliers Devarrieux. «Notre métier reste relativement artisanal, de fait une structure peut être modeste. Le tout, c'est qu'elle soit solide.» Conseil confraternel!
