Politique
Portrait. Gaspard Gantzer, nouveau conseiller en communication de François Hollande, se définit comme un "insolent" qui adore Twitter et l'image sur les réseaux sociaux. Et ne craint pas la désintermédiation de la parole présidentielle.

Il occupe le bureau de Franck Louvrier, dans l'aile ouest de l'Elysée. Le lieu, dépourvu de  lambris, n'a pas de quoi impressionner. Rien à voir avec le magnifique bureau voisin de celui du chef de l'Etat, côté jardins, qui fut occupé par Henri Guaino puis par Aquilino Morelle, les ex-conseillers politiques. Pour autant, Gaspard Gantzer, 34 ans, chargé de porter la parole du Président, ne changerait de pièce pour rien au monde. Son bureau, dans un renfoncement du palais, offre une vue imprenable sur les visiteurs du palais, journalistes ou invités.

C'est un rôle de vigie active, notamment sur les nouveaux médias, que lui a confié François Hollande, le 23 avril, après la démission d'Aquilino Morelle. Gaspard Gantzer jouit alors d'une bonne réputation pour avoir soigné l'image de Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, puis de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères. L'homme a un bon contact avec les journalistes - il en a désormais cinquante par jour au téléphone - et il est de la fameuse promotion Sengor de l'ENA (2004), comme Emmanuel Macron, le secrétaire général adjoint de la présidence, et de nombreux conseillers ministériels. De quoi mettre de l'huile dans les rouages du pouvoir, alors que les médias ne bruissent que des couacs de l'exécutif.

Or, voilà que sa prise de fonction ressemble à un bizutage. Le Lab d'Europe 1 exhibe de Facebook des photos de soirées avec «des drôles de cigarettes». En filigrane, une question pas moins brûlante: Gaspard Gantzer peut-il prendre en charge l'image du Président tout en contrôlant aussi mal son Facebook? Ce fils d'une pédiatre et d'un ostéopathe assure que tout était parfaitement «maîtrisé». «Au final, les gens ont retenu que j'étais quelqu'un de mon âge, pas plus original ni extraverti que ceux de ma génération, qui savait s'amuser quand il le devait, allait au ski, travaillait... C'est l'inverse qui aurait été étonnant. Ce qui n'est pas normal aujourd'hui, c'est de ne pas avoir de Facebook ou d'en avoir un avec seulement des photos de livres. J'ai le Facebook de quelqu'un de mon âge.»

Atypique énarque

La polémique est retombée en 48 heures, et le spin doctor en a gardé une image de jeune homme sincère, authentique, transparent ... Idéal quand il s'agit de faire passer des messages qui «sonnent juste» dans les médias. Bertrand Delanoë, qui l'a recruté à ses côtés en 2010, après un passage de deux ans comme directeur de cabinet auprès de son adjoint à la culture Christophe Girard, se souvient de ce haut fonctionnaire «intelligent, vif, bosseur, adaptable, loyal et qui sent les choses». Lorsqu'il l'appelle à changer de métier pour en faire son conseiller en communication, le maire lui conserve un rôle politique «pour échanger sur le fond».

Là, Gaspard Gantzer se distingue en sachant se mettre au diapason de son très exigeant patron: «A l'épreuve des faits, il a été très bon, confie l'ancien édile. J'ai toujours été soucieux d'avoir la communication la plus proche possible de la réalité. Il faut qu'il y ait une musique qui ne séduise pas en tant que musique mais par son rapport à la vérité et aux gens. Ce qui compte, c'est le sens et ce qu'on produit à partir du sens.»

Bertrand Delanoë apprécie aussi chez cet énarque atypique, capable d'autodérision, une manière de séduire les journalistes sans en avoir l'air et «sans complaisance». Gaspard Gantzer loue de son côté la rigueur du maire, sa façon de «se faire comprendre non des journalistes mais du public et de ne pas hésiter à prendre des risques, à être irrévérencieux, insolent, libre». L'insolence, c'est du reste un trait que se reconnaît volontiers le conseiller, comme ce jour de janvier 2012 où, avec deux condisciples de l'ENA, craignant une manipulation de la direction dans l'attribution des grands corps au bénéfice des «fils d'archevêques», il avait organisé une fronde en refusant de donner le nom de sa promotion tant qu'elle n'avait pas reçu ses notes.

Membre de l'équipe de foot de l'ENA, amateur de rugby, Gaspard Gantzer choisit de passer en force pour rejoindre Laurent Fabius. Une décision que l'ancien maire de Paris attribue à «l'ambition et l'impatience» de son collaborateur, désireux de rejoindre ce gouvernement de gauche auquel il adhère. A la différence de sa femme Emilie Lang, rencontrée au service de presse de la Mairie de Paris et qu'il retrouve à l'Elysée, le militant du parti socialiste n'a pu participer à la campagne présidentielle de 2012.

Obama en modèle

Au Quai d'Orsay, dans un modeste bureau jouxtant celui de Laurent Fabius, Gaspard Gantzer joue de sa proximité avec le ministre pour secouer les usages. Il crée un blog des diplomates pour faire connaître les coulisses des agents en poste. Embarque en avion des journalistes de chaînes d'info pour événementialiser un voyage de son ministre en Ukraine. Avec lui, pas de protocole, ni d'étiquette trop guindée: il appelle les journalistes sur leur portable et ne cache pas son intérêt pour l'action sur Twitter de Jennifer Paski, porte-parole de la diplomatie américaine: «Regardez Obama sur les réseaux sociaux: il y semble naturel et sincère et utilise bien l'humour. Et à chaque fois qu'il veut mettre en valeur un coup de téléphone, il sait y avoir recours», dit-il alors.

Après un passage éclair auprès de Stéphane Le Foll au porte-parolat du gouvernement, le voilà donc à l'Elysée où, après la crise Aquilino Morelle, la communication est au banc des accusés. Quatre personnes, de fait, se partagent le poste de Franck Louvrier: Aquilino Morelle (démissionné en avril), mais aussi Christian Gravel, le conseiller à la presse (nommé depuis au SIG), Claudine Ripert sur l'international et Claude Sérillon pour l'audiovisuel. A lui la tâche de chapeauter l'ensemble en laissant à chacun le soin de jouer sa partition ou d'apporter ses conseils.

Il constate alors que la communication élyséenne depuis deux ans s'est institutionnalisée. Pas ou très peu de messages sur Facebook et Twitter. Depuis la mi-juin, François Hollande est donc de nouveau présent «en écriture directe» pour les cérémonies du 6 juin, après les matchs de l'équipe de France et pour rendre un hommage au journaliste Léon Mercardet. Le Président écrit ou amende les messages qui sont ensuite postés. «Il cherchait le bon ton, les bons sujets et c'est ce dont on discute», dit-il.

L'équipe Web a l'idée d'utiliser les six secondes de Vine au service du Président. Gaspard Gantzer pousse dans ce sens: «La manière la plus efficace de faire passer un message, c'est l'image et la vidéo. C'est ce qui se partage le mieux sur les réseaux sociaux. Une image sera toujours plus efficace qu'un communiqué de presse ou une courte phrase. Mais il faut la bonne photo ou la bonne vidéo au bon moment.»

Exemples: Avec Obama au cimetière américain le 6 juin, ou avec Matteo Renzi dans les jardins de l'Elysée pour évoquer l'alliance stratégique avec l'Italie. «Pour l'instant on le fait moins sur le national, les images sont moins fortes, mais on va y arriver», constate-t-il. Les discours du Président peuvent aussi être suivis en live depuis les réseaux sociaux.

Hors média

Le communicant s'inscrit dans la concertation avec Harold Hauzy, son alter ego à Matignon, très proche de manuel Valls. Mais il met en évidence la nécessité d'être en prise directe avec l'actualité et la quasi-impossibilité de tenir aujourd'hui un agenda médiatique, notion chère à Franck Louvrier: le chef de l'Etat peut toujours être interpellé sur un événement qui prend la place d'un autre, comme les patrons ou la SNCF lors d'un déplacement à Solidays ou en Andorre.

Les difficultés? «La désynchronisation des temps médiatiques, leur accélération, parfois une certaine tendance de quelques médias minoritaires pour l'anecdotisation et la nécessité permanente de fournir une actualité complexifient la délivrance d'un message», estime-t-il. Mais, ajoute-t-il, «quand on fait quelque chose qui sonne juste, quand il y a concomitance entre le lieu, le temps et l'action, il n'y a jamais de problème.» Illustration, le 6 mai, lorsque François Hollande se rend à Villiers le Bel et qu'il ne suscite que des questions sur la jeunesse et la banlieue.

Pour délivrer un message, il imagine aussi des déplacements et des communications hors médias, en passant directement par Internet, le site et les réseaux sociaux: «Le Président rencontre les Français sans nécessairement l'intermédiation du journaliste. Cela permet d'aller au contact des gens. Et c'est la meilleure des communications: j'ai vu le Président, j'ai pu parler avec lui...» Une forme de «désintermédiation» maîtrisable bien utile face à la hausse du chômage ou la chute de popularité dans les sondages... Et les nouvelles lunettes de Hollande? Un choix du Président, assure Gaspard Gantzer. «La communication n'a d'intérêt que si elle est au service du fond, complète-t-il. Tout ce qui a trait au costume relève de l'intimité. Et pour que ce soit sincère, cela doit venir de la personne.»

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