Making Of
Pour la dernière campagne de SNCF Réseau contre les incursions sur les voies, l’agence TBWA\Paris réalise un spot en réalité virtuelle à destination des jeunes. Replongeant dans le cauchemar d’un cheminot, le clip met la technologie au service de l’intérêt général.

Agence : TBWA\Paris



Alors que des troubles sociaux secouent le pays à propos de la réforme du statut des cheminots, TBWA\Paris réalise la nouvelle campagne pour SNCF Réseau (filiale de la SNCF en charge de l’entretien du réseau ferré national). Baptisée 2h38, elle propose de vivre une expérience en réalité virtuelle dans laquelle on pénètre chaque nuit, à la même heure, dans le cauchemar que fait un conducteur de train ayant renversé une personne sur la voie. Son nom est Philipe D. Selon Benjamin Marchal, directeur de création chez TBWA\Paris : « L’idée était de montrer que celui qui se trouve sur les rails n’est pas la seule victime afin de se rendre compte du trauma vécu par le conducteur. »

Le film de 2.30 minutes raconte l’histoire de 3 jeunes s’étant introduits sur les voies un soir de juin 2015. Un d’entre eux était  décédé. « Evidement nos cibles principales sont les jeunes, car à leur âge on pense être immortel et la grande mode du trainsurfing le prouve bien. Afin de réussir à vraiment les interpeller, plutôt qu’une énième campagne classique, il fallait insister sur la trace laissée après leur disparition », précise Selon Benjamin Marchal, directeur de création chez TBWA\Paris.



La cible jeune

Régulièrement, les pages faits divers des quotidiens régionaux regorgent d’histoires terribles, racontant la mort de jeunes alors qu’ils se trouvaient sur les rails comme le 15 décembre dernier à Lille ou un mois plus tôt à Nîmes. Le team créatif se met alors en quête « d’une forme qui pourrait engager cette génération utilisant à 70% des bloqueurs de publicité et n’écoutant plus les messages publicitaires » rappelle Faustin Claverie. Par ailleurs, nos créatifs ne sont pas dupes et savent que ces jeunes gens connaissent déjà les dangers de  leurs agissements. « Certains d’entre eux sont stimulés par ce danger de mort. Nous avons donc cherché à aborder ce problème de manière totalement novatrice », explique Benjamin Marchal.

Au-delà de l’aspect technique, l’innovation intervient dans son support de diffusion. D’après les deux créatifs : « Un camion parcourt les lycées pour proposer l’expérience aux élèves dans l’immersion la plus totale. A l’intérieur nous avons reproduit la chambre du cheminot dans laquelle ont lieu les cauchemars. » Munis de lunettes, les lycéens plongent alors dans l’expérience avec un côté parc d’attraction très apprécié. « Pour le moment nous n’avons reçu que des retours positifs », précise Faustin Claverie. Le dispositif sera disponible dans certains lycées sur inscription. Pour les autres, un site immersif, dans cette même chambre, a été lancé et permet de se balader afin de débloquer des contenus comme le film en VR ou des messages de prévention. L’agence compte à la fois sur le bouche à oreilles mais aussi sur le digital pour faire décoller l’opération.



Difficultés de réalisation

Néanmoins, avant de pouvoir profiter du dispositif, la production s’est fait quelques cheveux blancs. Pour Faustin Claverie : « La VR est une technologie totalement embryonnaire et encore plus dans l’univers de la publicité. Pour le moment, on n’a pas encore produit de campagnes réussies. Nous faisions jusqu’alors de la VR pour la forme et mais ici, le fond le justifie également. Quoi de mieux pour vivre un cauchemar que d’y être replongé ? » Problème, ni les créatifs, ni la production ne connaissent suffisamment le support. C’est pourquoi ils font appel à la société de production familiale Les Films du Garage, spécialisée dans le domaine, composée du père Vincent (réalisateur, scénariste et producteur), de la fille Amélie (monteuse, étalonneuse) et du fils Benjamin (réalisateur, graphiste, flame artist). Vincent Ravalec travaillerait même actuellement à la réalisation du premier long-métrage en VR. « C’est avec eux que nous avons préparé le plan de travail pour mettre la création face à la technique », se souvient Benjamin Marchal.

Durant deux nuits, dans un tunnel situé à Saint-Rimay (Loir-et-Cher), utilisé par Hitler pour ses rencontres avec Pierre Laval et le maréchal Pétain en octobre 1940, l’équipe s’attelle au tournage. « Après de nombreuses réflexions et repérages nous avons opté pour un tournage au drone sur lequel nous avons fixé une caméra 360° », précise Jennifer Bauche, productrice chez TBWA\Else. Néanmoins, ces caméras, se présentant sous la forme de boules, ne sont pas encore adaptées au tournage de nuit en extérieur. Le travail réalisé par le chef opérateur a été « extraordinaire » de l’aveu de la productrice devant « trouver le juste milieu afin de légèrement sur-éclairer sans cramer l’image ». Pour la partie dans le tunnel, deux tournages à 180° sont effectués à partir d’un chariot, puis raccordés, demandant une précision chirurgicale dans le montage. Tout le monde reconnaît des conditions de tournage « difficiles ». « A la fin de la première nuit, vers 6h du matin, le droniste a perdu le contrôle de son engin qui s’est crashé sur le bord du tunnel », se souvient Jennifer Bauche. Plus de peur que de mal pour l’équipe qui livre finalement un film innovant technologiquement et engagé sociétalement.  Bon cauchemar !

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