Dossier Corporate
Champ d'action élargi, premiumisation de l'offre, arrivée de nouveaux profils... Le secteur de la communication corporate connaît de profondes mutations. Objectif : répondre à la diversification des publics et des messages.

La communication corporate n'échappe pas à la diversification des métiers, qui touche tous les pans du secteur de la communication. « Aujourd’hui, elle englobe l’image, la notoriété et surtout la réputation, estime Thierry Wellhoff, président de Wellcom. Et elle implique la communication interne, la marque employeur, les relations publics et tous les échanges avec les parties prenantes. » La multiplication des contenus joue aussi un rôle dans l'évolution du secteur. Désormais, l’entreprise doit s’adresser directement à ses différents publics et plus seulement à travers les médias et les influenceurs. « Cela implique de rationaliser et de mettre en cohérence les actions de différents départements – finance, RH, marketing – et d’harmoniser les contenus qu’ils produisent », explique Thierry Wellhoff. La digitalisation est le troisième facteur qui a remis la communication corporate sur le devant de la scène. Elle soulève des problématiques de créativité mais aussi de mise en cohérence des canaux, des contenus et des enjeux, note Thierry Wellhoff. « C’est d’autant plus complexe que les mêmes publics peuvent avoir des attentes différentes selon les canaux », souligne le président de Wellcom.

Mission sociétale

Construire des messages toujours plus cohérents et précis est devenu un impératif structurant. L’intégration de Sapient chez Publicis répond à cette exigence, explique Clément Léonarduzzi, président de Publicis Consultants : « Sapient apporte une connaissance assez fine des consommateurs et nous éclaire sur les enjeux autour desquels se structure un marché. La tendance actuelle est à la personnalisation des marques. Il faut donc apprendre à s’adresser autrement à ses consommateurs. »

La communication corporate a tellement élargi son spectre que, selon Elisabeth Coutureau, co-présidente de l'agence Clai, elle se retrouve au centre du jeu. « C’est manifeste dans la réflexion menée par beaucoup d’entreprises sur leur mission sociétale, la façon de travailler avec leurs parties prenantes, la possibilité d’engager un processus de co-production. C’est une préoccupation de plus en plus forte pour les nouvelles marques », explique-t-elle.

 

Un poids croissant dans les décisions

Ces attentes croissantes des publics ont poussé nombre d’entreprises à reconsidérer leur attitude, note justement Clément Léonarduzzi. « La prise de conscience de l’importance de la communication corporate a fait entrer sur le marché des acteurs de la nouvelle économie mais aussi d’autres acteurs, comme les banques, qui se tenaient éloignés du sujet. Le marché a grandi et cela démontre que la communication corporate est désormais un incontournable », insiste le président de Publicis Consultants.

Pour mieux gérer cet enjeu, les entreprises évoluent. Pour Philippe Pailliart, président de Burson-Marsteller, cette prise de conscience a conduit les dirigeants à investir ce champ et à étoffer les équipes chargées de ce domaine : « Les dirigeants attendent de leur agence plus de conseil stratégique et une forte capacité à articuler réputation et business. C’est le cœur de notre valeur ajoutée ». Ses équipes interviennent en amont sur l’acceptabilité des stratégies business par les parties prenantes. « La communication est un élément clé de la décision », constate-t-il.

Nombre d’entreprises font évoluer leurs structures internes pour s’adapter à la nouvelle donne en supprimant les silos entre communication externe, interne, corporate et RH. Bien aligner les fonctions et les messages peut cependant s’avérer difficile, remarque Marion Salomon, directrice grands comptes de l'agence Extreme. « Prendre une décision qui marque une rupture peut être compliqué. Nous sommes là pour aider les dirigeants à hiérarchiser les objectifs, avec des grilles d’analyse qui les aident à objectiver la décision et à cerner la pertinence de la campagne », estime-t-elle.

Une offre toujours plus premium

Cette importance du corporate dans la stratégie des entreprises ne va pas s’estomper de sitôt. Elle tient en effet à une évolution de fond, qui consiste, pour les marques, à s'emparer de sujets de société, estime Emlyn Korengold, président de TBWA Corporate : « Aujourd’hui, les consommateurs abordent les produits sous l’angle des valeurs, c’est une lame de fond. Pour y répondre, nous avons notamment renforcé notre expertise lifestyle. Le “what I stand for” [ce que je représente] est la base de ce qui va créer la préférence pour telle ou telle entreprise. Et c’est le “vision statement” [vision d'entreprise] qui fera la différence auprès des millennials. » Philippe Pailliart se félicite pour sa part du « grand retour » du corporate et pointe la recrudescence de grandes campagnes comme celles de Total, de Sanofi ou encore de Danone, dont le « One Planet, One Health » lui semble emblématique tant « il rend indissociables alimentation, environnement et société ».

Impliquée dans un nombre croissant de problématiques et pesant toujours plus dans les décisions, la communication corporate a fait évoluer son offre. Tous les acteurs ne proposent pas pour autant les mêmes solutions. « Certains estiment qu’il faut mettre tous les métiers sous le même toit, note Clément Léonarduzzi. Nous estimons, pour notre part, que l’influence et la réputation sont au cœur de la communication corporate. Mais il y a mille manières de faire ce métier ! Pour moi, il est essentiel d’être entouré d’une équipe riche de profils et d’expériences diverses, dont le point commun majeur est d’être fort sur la stratégie. »

Cette importance conduit-elle pour autant à une « premiumisation » de l'offre ? Cette perspective laisse Elisabeth Coutureau pensive. « Beaucoup d’entreprises ont tout compris aux enjeux d’une communication réussie et ont désormais intégré la direction de la communication dans leur comex, mais ce n’est pas encore le cas partout. Pour d’autres, elle reste un outil », observe la co-présidente de Clai.

 

De nouveaux profils

Même avec des offres différentes, la plupart des acteurs misent sur de nouveaux profils pour valoriser leur contribution auprès des entreprises. Pascale Azria, présidente du Syntec conseil en relations publics, note un intérêt grandissant des agences pour le planning stratégique et les sciences humaines. « Nous allons désormais chercher l’expertise de sociologues ou de spécialistes du comportement et de data analysts pour bien comprendre les paramètres qui déclenchent le changement de comportement, voire la décision d’achat », avance-t-elle.

De son côté, TBWA Corporate mise sur des profils experts dans le lifestyle, le social media et la data, mais, précise Anne-Cécile Thomann, directrice générale, il faut « des gens qui soient ouverts et curieux car nos expertises doivent s’imbriquer. Ces talents doivent être en mesure de travailler avec des équipes spécialisées dans d’autres domaines et avec des créatifs ». Chez Babel, le recrutement s’est élargi à des profils seniors, « pour mieux accompagner les dirigeants », et des spécialistes de la data. « Globalement, il y a un élargissement des sujets et des cibles, c’est le moteur de l’élargissement des profils », résume Juliette Mutel, directrice générale adjointe de Babel.

Selon leur situation, la demande de leurs clients et leur positionnement, les agences peuvent procéder à des recrutements très divers. Burson-Marsteller se donne un double objectif : mieux comprendre les parties prenantes qui peuvent avoir un impact sur les entreprises et mieux orienter la création de contenus. L'agence a ainsi recruté des membres d’ONG, de think tanks et même d’anciens hommes ou femmes politiques pour remplir le premier objectif, et des data analysts et des spécialistes de l’activation digitale pour le second. Publicis Consultants se distingue par une plus grande diversité encore. « Nous recrutons des personnes qui ont une expérience de l’aventure entrepreneuriale, mais aussi des avocats pour gérer les problématiques réglementaires, ou des spécialistes de cyber-sécurité pour gérer les problématiques de données personnelles mais aussi de protection du savoir-faire des entreprises », assure Clément Léonarduzzi.

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