Marketing
Depuis plusieurs mois, les budgets en programmatique sont en forte hausse. Culture, technologie et brand safety en sont à l'origine. In fine, cela rabat aussi les cartes du marché.

C’était un des sujets phares dans les allées de Dmexco 2019. Bizarre… La hausse du programmatique n’est pas nouvelle. Depuis 2016, le marché européen de la publicité numérique est en majorité automatisé. Mais 2018 a été une année charnière. L’écart s’intensifie : 16,7 milliards d’euros investis en programmatique, contre 6,4 milliards en traditionnel. Presque le triple ! En Europe, il progresse de 33% par rapport à 2017 selon l’IAB. Et en France, « il se passe quelque chose », murmure-t-on un peu partout. En 2018, la part du programmatique sur le display a atteint 1,3 milliard d’euros, en hausse de 46% selon le SRI. Qu’est ce qui a changé ? « En 2019, la plupart des annonceurs sont en train de commuer leur budget digital en 100% programmatique », estime Charles Gros, cofondateur de Tradelab, l’un des principaux acheteurs en programmatique en France. « Et si ce n’est pas du 100%, ils ont doublé, triplé, leurs investissements », estime Vincent Pelillo, président Europe de Captify, une société d’analyse de données sémantiques de recherche et d’activation de campagnes qui permet de mieux cibler les internautes. Face à la hausse des derniers mois, la société a dû investir pour se mettre à la page et développer de nouveaux outils automatisés pour permettre aux agences de mieux gérer les segments d’audience ou aux éditeurs d’obtenir le meilleur prix de leurs inventaires.

Pour certains annonceurs, les budgets atteignent les 10 millions d’euros, et les appels d’offres de gestion médias 100% programmatique se sont multipliés en 2018, et encore en 2019. « Avant, les appels d’offres étaient silotés entre le display, la vidéo ou le social, mais désormais, on doit répondre à une gestion unifiée, tout en achats automatisés. Ce qui permet de mieux travailler les budgets », détaille Charles Gros. Et si les agences médias géraient le branding, rassemblant de facto budget TV et budget vidéo digitale, la scission a eu lieu. « On récupère désormais les budgets vidéo digitale dans les appels d’offres », se félicite le patron de Tradelab. Et la concurrence s’intensifiera à mesure que la télévision passera en automatique…

Les annonceurs reprennent le contrôle

Ce changement de fond est la conséquence de plusieurs facteurs. « Les annonceurs ont le désir de reprendre le contrôle de leurs coûts et des données », explique Charles Gros. Ils se sont donc dotés des outils adéquats. « Ils ont aussi repris le contrôle de la technologie. Parfois, ils signent en direct avec un éditeur de solution “full stack”, qui permet de gérer toute la chaîne », explique Vincent Pelillo.Mais les services marketing ne sont pas prêts pour autant à l’opérer directement. Plutôt qu’internaliser, on arrive donc à un système hybride, où l’annonceur choisit la techno, mais demande à un prestataire externe – son agence média, par exemple – de l’opérer pour lui. C’est un moyen de mieux contrôler ou de réduire la fameuse « tech taxe », cet argent brumeusement dissipé dans l’écosystème, entre l’annonceur et le média, sans trop savoir à qui… Les annonceurs sont aussi plus exigeants. « On ne s‘arrête pas à la lecture de bilan de campagne. On regarde le temps passé sur le site, l’impact sur les ventes. On travaille sur une logique business », détaille Laurence Milhau, directrice générale de GroupM Digital. 

Mais ce n’est pas tout. Les inventaires, côtés éditeurs, se sont aussi beaucoup développés et structurés. « Le mouvement s’est accéléré en aval de la chaîne, et l’offre est là », assure Vincent Pelillo. Si le programmatique est né sur les « invendus » des éditeurs, souvent de mauvaise qualité, un gros travail a été fait pour requalifier l’offre depuis un an. « Nous avons mis en place de nombreux accords avec les éditeurs premium, par exemple avec une offre labellisée Digital Ad Trust – Trusted [place], pour WPP – et travaillé en priorité avec des partenaires labellisés », raconte Laurence Milhau. L’amélioration de la brand safety et de la visibilité des pubs par la mesure rassure les annonceurs et favorise le programmatique. Mais attention : le dernier observatoire d’Integral Ad Science sur la visibilité de la pub digitale anticipe la résurrection d’anciens fantômes.

Plus de volume, moins de contrôle ?

« La forte progression de la visibilité s'accompagne d'un plus grand risque de brand safety pour les annonceurs en France, quel que soit le format et l'environnement. En web mobile, deux fois plus de publicités vidéo ont été diffusées dans un contexte risqué pour l'image de la marque », indique la société. Une trop forte progression redéséquilibrerait-elle l’écosystème ? Plus de volume, moins de contrôle… Prudence ! Cependant, difficile de tempérer les ardeurs des annonceurs. « Le fond de ce changement idéologique, c’est l’avènement du marketing personnalisé à grande échelle, explique Laurence Milhau. Fini le sacro-saint audience planning. « On ne fait plus de ciblage socio-démo, ce que l’on faisait avant en programmatique, ajoute Vincent Pelillo, on cible des groupes précis, caractérisés par une donnée autre que l’âge et le CSP. » « On définit des tribus avec l’annonceur. Ce ciblage est bien plus profitable. En PGC, les campagnes ont augmenté les ventes de 17% vs un groupe test, et en beauté, les ventes ont crû de 7% ... » Une différence d’approche qui, factuellement, sied bien aux annonceurs…

Chiffres clés

1,3 milliard d’euros. Marché du programmatique en display en France en 2018.

46% Hausse par rapport à 2017.

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