INSTITUTIONNEL
La Commission européenne entame en février la dernière étape de sa campagne d'image menée dans six pays de l'Union. Une initiative destinée à prendre le contrepied de l'euroscepticisme ambiant. Une première pour l'institution. Alain Delcayre @adelcayre

«Bureaucratique». «Lointaine». «Impuissante»... Née d'une utopie pour devenir un projet collectif unique sur la planète, l'Union européenne est en panne, prêtant le flanc à des critiques récurrentes sur son efficacité, voire son utilité. Il faut remonter au printemps 2007 pour compter une majorité d'Européens ayant d'elle une image positive (lire l'encadré). Les dernières élections européennes, en mai 2014, marquées par une forte montée des partis eurosceptiques, ont souligné davantage encore cette fracture entre l'Union européenne et ses citoyens.

Il faut dire que l'institution n'a jamais brillé en matière de communication. A tel point que la campagne qu'elle mène depuis la fin de l'année dernière dans six pays membres, et dont l'ultime volet a été inauguré à Riga en Lettonie le 5 février dernier, est sa première véritable prise de parole institutionnelle depuis sa création en 1992 par le traité de Maastricht. Jusqu'ici la Communauté économique européenne puis l'Union européenne s'étaient contentées de mener des campagnes axées sur ses programmes (Politique agricole commune, Fonds social européen...) directement gérées par les directions concernées.

Budget centralisé

Avec «EU is working for you» («L'Union européenne travaille pour vous»), Bruxelles s'attelle enfin au problème. «Il s'agit de la première campagne impliquant plusieurs directions générales, avec une contribution budgétaire centralisée, et dont le but est de mieux faire connaître aux citoyens les politiques menées et leurs résultats, tout en accompagnant la nouvelle dynamique initiée autour des dix priorités de la Commission Juncker», déclare une responsable de la communication à Bruxelles. En effet, si 70 à 80% des Européens sont incapables de dire ce que l'Europe fait pour eux, près de 80% souhaitent mieux comprendre son action au quotidien (source: TNS-Sofres-Eurobaromètre 2013-2014).

L'agence Havas Paris, retenue en mai dernier suite à une mise en compétition des agences ayant depuis 2011 un contrat cadre avec la Commission (Havas Paris, JWT, Mostra et Media Consulta), a conçu une campagne articulée autour de six histoires d'Européens ayant bénéficié des contributions de l’UE, avec à la clé six films TV, six annonces presse, des bannières et l'animation des réseaux sociaux (budget: 13,45 millions d'euros).

Savant dosage

Chaque histoire met en scène un projet concret et local soutenu par l'Union dans un des six pays concernés par la campagne: les personnes âgées en Finlande, la sécurité sur internet en Allemagne, les emplois verts en Espagne, les incubateurs d’entreprises innovantes au Portugal, les réseaux de jeunes entrepreneurs en Pologne, les formations professionnelles via Erasmus+ en Lettonie. Le choix de ces six pays, sur les 28 que compte l'Union, résulte d'une part, d'un savant dosage entre pays du nord et du sud, pays historiques de l'UE et nouveaux membres et surtout d'autre part, d'une sélection des pays où la population ayant une image neutre de l'Union est la plus importante (41% en Allemagne, 46% en Espagne, 48% en Finlande et 51% en Lettonie).

«Afin d'appuyer notre propos, nous avons opté à la fois pour une approche basée sur la démonstration et la révélation, avec un contenu pédagogique basé sur de vraies histoires de bénéficiaires des programmes européens, et pour un traitement divertissant, sortant des codes institutionnels classiques avec une théâtralisation de la réalité recourant à la symbolique pour raconter la complexité de ces histoires», explique Fabrice Conrad, qui vient d'être promu directeur général d'Havas Paris.

Plateforme digitale

Au fur et à mesure du déploiement de la campagne depuis fin novembre, un événement presse de lancement, ouvert au public, était organisé dans la capitale de chaque pays visé assorti d'une performance artistique: généralement un street artist local produisant une œuvre sur le thème abordé par la publicité du pays en question. Enfin, dernier étage de la fusée, la mise en place d'une plateforme digitale «Working for you» qui présente 80 projets concrets de l’UE au travers de contenus visuels et vidéo (infographies, making-of, interviews, etc.).

Seul bémol à cette initiative louable, bien que tardive: il ne s'agit pour l'instant que d'une campagne pilote. «L'idée est de poursuivre cette démarche d'une façon ou d'une autre, mais rien n'est encore arrêté», commente-t-on à la Commission qui assure que 27 millions d'Européens ont déjà mémorisé la campagne, soit 15% de la cible visée et que 700 000 ont accédé à la plateforme dédiée. «A l'image de certains Etats et d'autres grandes institutions, l'Union européenne réalise qu'il faut valoriser sa marque», note Fabrice Conrad qui rappelle cependant qu'une telle démarche ne vaut que si «elle est systématisée et déployée dans tous les pays de façon récurrente».

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