Luxe
Selon un ouvrage paru dans les pays anglo-saxons, les riches Chinois se détourneraient de la marque Louis Vuitton, devenue trop commune dans l'Empire du Milieu. Delphine Le Goff avec Alain Delcayre @DelphineLeGoff1@adelcayre

Louis Vuitton, une marque de secrétaires en Chine? Provocatrice, la formule est l’une des conclusions de «The Bling Dynasty: why the reign of chinese luxury shoppers has only begun» [La Dynastie Bling: pourquoi le règne du luxe chinois ne fait que commencer], ouvrage sorti fin 2014 chez Wiley Finance, et écrit par Erwan Rambourg, directeur opérationnel de HSBC, qui a interrogé –entre autres– maints milliardaires de l’empire du Milieu. Cruel constat. «Louis Vuitton est devenu trop ordinaire, explique une femme milliardaire, citée anonymement dans un article du China Market Research Group. On voit du Vuitton dans tous les restaurants de Pékin. Je préfère Chanel ou Bottega Veneta, moins accessibles.»

La psyché chinoise est ainsi faite qu’elle recherche avant tout la distinction, explique Erwan Rambourg: «Les Japonais ne semblent pas affectés que Vuitton touche une cible plus mainstream, mais les Chinois n’ont pas du tout la même attitude vis-à-vis du luxe: les achats haut de gamme permettent aux Japonais de se fondre dans un groupe, tandis que pour les Chinois, ils permettent de se singulariser.»

Avoir de la classe 

La contrefaçon, grande reproductrice de monogrammes LV, n’est sans doute pas pour rien dans ce désamour. La middle-class chinoise reste prête à s’endetter pour exhiber un signe extérieur de richesse comme le Speedy de Vuitton. Ce qui n’est pas totalement une catastrophe, la classe moyenne chinoise offrant des perspectives de croissance exponentielles. Mais comment conserver cette clientèle sans s'aliéner les hyper-riches?

 

Reco n°1 : Revenir aux fondamentaux

Vincent Bastien, professeur à HEC en stratégie du luxe, ex-directeur général de Louis Vuitton

«Je reviens de Pékin où j’ai donné des cours à des hommes d’affaires chinois. Lorsqu’on les interroge sur les produits Vuitton, ils répondent qu’ils n’en achètent pas. Puis on se rend compte qu’ils possèdent tous du Vuitton… Cela me rappelle la situation de LV en Europe dans les années 1980: les clients voulaient toujours acheter des sacs ou bagages Vuitton, mais plus des sacs Monogram. D’où le lancement des lignes Epi et Taïga, beaucoup plus chères que le Monogram, qui ont rencontré un immense succès... Le problème, c'est que depuis cette époque, il n'y a plus eu de nouvelle offre suffisamment créative en maroquinerie, territoire légitime de Vuitton. Hermès, Bottega Veneta et d'autres ont pris cette place délaissée par Louis Vuitton. Il s’agit plus d’un problème de faiblesse de l'offre de sacs non monogrammés que d'une désaffection pour la marque. Mais il faut maintenant faire vite en Chine, avant que LV ne soit une marque désertée par les élites. Ce qui ne constitue pas du tout un “grand écart marketing”. Juste un retour aux fondamentaux de la marque.»

 

Reco n°2 : Se repositionner sur la culture

Michel Campan, président de Same Same but different (chargé de la médiatisation de Louis Vuitton Séries 2 en Chine)

«Louis Vuitton a été parmi les premières marques de luxe à s’implanter en Chine en y ouvrant de nombreuses boutiques. Avec comme rançon du succès, la banalisation. Hermès, qui a connu le même phénomène il y a quinze ans avec son sac Herbag, a eu le courage d’en arrêter la commercialisation. Plus récemment, Gucci a opté pour une politique anti-logo mais avec des résultats désastreux en termes de ventes. La clientèle chinoise est attachée à un produit reconnaissable. Louis Vuitton, qui n’est pas une marque de niche et tient à répondre à l’attente de sa clientèle locale, a adopté une tout autre approche. Depuis l’arrivée de Nicolas Ghesquière [directeur artistique de la marque depuis novembre 2013], un repositionnement fort a été engagé autour de la culture et de l’art avec les expositions Séries déclinées en communication et dont l’édition n°2 va être présentée à partir du 26 mars au flagship de Louis Vuitton à Pékin. L’idée est de se différencier d’une stratégie trop mass-market en nourrissant la marque et en lui redonnant de l’attention.»

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