Transports
Bras de fer avec le gouvernement, «uberisation de l’économie», stratégie marketing, agences partenaires… Thibaud Simphal, directeur général d’Uber, explique sa feuille de route pour la France.

Que représente le marché français pour Uber?

Thibaud Simphal. La France est pour nous le 2e marché au monde, après les Etats-Unis. En 2014, le volume d’affaires d’Uber France a été multiplié par dix. Aujourd’hui nous sommes présents dans six villes françaises: Paris, Lyon, Nice (Côte d'Azur), Lille, Bordeaux, Toulouse. La France est un pays d’innovation pour les transports: invention des taxis, des Velib (JC Decaux), des Autolib (Bolloré)… Aujourd’hui, Uber compte 46 salariés en France (répartis entre le marketing et les opérations), auxquels il faut ajouter une quinzaine de personnes pour le siège Europe de l’Ouest, également basé à Paris. Nous allons recruter entre 50 et 100 personnes d’ici à la fin 2015. L’idée même d’Uber a été inventée à Paris, mais développée à San Francisco.

 

Il y a eu une perquisition lundi 16 mars dans vos bureaux parisiens, pourquoi un tel bras de fer entre Uber et les pouvoirs publics?

T.S. Oui une vingtaine de policiers ont passé la journée dans nos bureaux, et saisi plusieurs centaines de téléphones qui sont des kits de connexion, destinés à nos conducteurs. Nous attendons un jugement de la cour d’appel concernant Uber Pop (transport entre particuliers) pour le 31 mars [la cour d'appel a reporté sa décision à fin septembre]. Il y a une dizaine de procédures différentes à notre encontre (des taxis en particulier).

Nous ne cherchons pas cette confrontation: avant de nous implanter ou de lancer un service, nous commençons toujours par envoyer un courrier aux services compétents (mairies, ministères…) pour les prévenir. Nous voulons obtenir un cadre réglementaire proportionné qui permette l’innovation mais en étant équilibré avec nos concurrents. En général, il y a une fin de non-recevoir à notre missive. Nous sommes toujours prêts à participer à des commissions gouvernementales, des groupes de travail à l’assemblée…

 

Votre service Uber Pop, de transport entre particuliers, s’attire les foudres et vient d’être interdit en Allemagne par la Cour régionale de Francfort…

T.S. Nous l’avons lancé en février 2014, à Paris, première ville d’Europe, l'idée est de repenser le transport entre particuliers et de faire bouger les lignes. Pour nous, cela s’inscrit dans une logique de moins de possession de véhicules individuels et davantage de partages. Et puis c’est beaucoup moins cher: 40% de moins qu’un Uber X. Nous sommes certains que les idées que l’on défend, finiront par l’emporter, dans un an, cinq ou dix ans. Concernant Uber Pop, en attendant la décision de la cour d’appel, nous en avons modifié les conditions d'exercice: nos partenaires doivent créer une structure professionnelle assurée en responsabilité juridique professionnelle, obtenir une attestation d'aptitude physique et passer un test de 90 questions portant avant tout sur la sécurité.

 

Les VTC (voitures de transport avec chauffeur) vont-ils tuer les taxis?

T.S. Si les entreprises innovantes devaient attendre de l’Etat qu’il fasse évoluer un secteur, elles devraient patienter des siècles. Or le transport léger de personnes est un des secteurs qui a connu le moins d’innovations majeures ces soixante dernières années. L’innovation fait exploser le système établi et crée de la croissance. Il s’est passé la même chose dans la musique, la vidéo ces dix dernières années… Concernant les taxis, dans certaines villes comme Chicago, New York, Genève ou Londres, il y a une cohabitation: les taxis sont sur la plateforme Uber. Nous avions offert cette possibilité en France en 2013, mais cela a été arrêté car les taxis qui s’inscrivaient recevaient des menaces. Par ailleurs, depuis trois ans et demi les VTC se développent en France et il n’y a pas de preuve que le chiffre d’affaires des taxis a baissé. 

 

Quand le nom de son entreprise devient un verbe à la mode «se faire Uberiser», c’est mieux qu’une campagne de publicité?

T.S. Oui c’est plutôt positif d’avoir sa marque qui devient un verbe, surtout dans la bouche de Maurice Levy. En plus je trouve cela positif d’être associé à la notion de transformation. Mais l’expression est valable pour tout le monde: même Uber peut se faire «uberiser». Demain, un géant asiatique ou africain, qui investirait des millions d’euros dans une technologie encore plus innovante que la nôtre, pourrait le faire.  De même que Google qui investit dans la voiture automatique, pourrait être notre concurrent  demain. Il y a cinq ans, Uber c’était une équipe de trois personnes à San Francisco. Cette croissance est tellement rapide que la grande entreprise ne voit bien souvent, même pas le petit concurrent arriver.

 

Uber travaille-t-il avec des agences en France?

T.S. Nous réfléchissons actuellement, à nous faire accompagner par un cabinet de lobbying. Aujourd’hui nous nous  appuyons sur une équipe «lobbying» d’une vingtaine de personnes, installées à Amsterdam. Nous travaillons déjà avec une agence-conseil en relations presse, DGM Conseil. En revanche Uber n’a jamais fait de publicité, nous nous appuyons sur la viralité.  

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