Classement
Pourquoi certaines marques sont-elles plus influentes que d’autres ? Comment se traduit cette influence ? De quelle manière est-elle perçue ? En exclusivité pour Stratégies, Ipsos livre la troisième édition de son étude «Most Influential Brands » pour la France.

Le paysage commercial des Français compte près de 1,2 million de marques. Chaque année, 65 000 nouveaux dépôts sont enregistrés. Omniprésentes dans notre vie, les marques occupent jusqu’aux derniers recoins de notre horizon et se sont installées dans nos usages sans même que nous en ayons forcément conscience. Difficile pour elles d’émerger de cette surconcentration.

Pourtant, certaines marques se distinguent nettement des autres par leur capacité à créer davantage qu’une expérience isolée, à provoquer davantage qu’une réaction émotionnelle: elles ont changé et continuent de changer notre façon de voir, de comprendre et d’agir. Pour la troisième année, l’institut Ipsos, au travers de son étude «Most Influential Brands», dont Stratégies publie en exclusivité les résultats pour la France, s’intéresse à ces marques influentes et livre une photographie de la relation réelle, tangible, quotidienne, entre les Français et une centaine de labels globaux et nationaux.

Leadership écrasant de Google

La récurrence de l’étude permet d’asseoir un certain nombre de constats. A commencer par la relative stabilité dans le temps d’un même peloton de tête. Depuis trois ans, le Top 10 regroupe peu ou prou les mêmes marques, avec la même prépondérance d’acteurs du monde digital. Des marques jeunes, pour certaines nées il y a moins de vingt ans, mais qui, par leur capacité d’innovation et d’adaptation, ont réussi à préempter nos usages quotidiens.

Pas un des GAFA (Google, Apple, Facebook, Apple) ne manque à l’appel et cette troisième vague confirme le leadership écrasant de Google, qui continue de progresser et de creuser l’écart avec les autres, tous secteurs confondus. La marque de Mountain View est créditée d’un index d’influence de 443, ce qui signifie qu’elle est 4,43 fois plus influente que la moyenne de toutes les autres.

Elle se paie même le luxe d’arriver en tête de six des onze dimensions constitutives de l’influence (lire l’encadré méthodologie): «je suis personnellement attaché à cette marque», «elle est réellement importante dans le monde aujourd’hui», «elle a changé mon quotidien», «elle correspond à mon style de vie», «elle a rendu ma vie plus intéressante» et «elle m’a encouragé à faire des choix plus avisés».

Cet enrochement dans la vie des gens, les dirigeants de Google le revendiquent comme le résultat logique d’une stratégie permanente d’innovation. «Tout notre modèle managérial – petites équipes en mode projet, évaluation des managers par les collaborateurs, un cinquième du temps réservé aux projets personnels – a été conçu pour encourager la créativité. L’innovation est le moteur de notre offre», souligne Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, directrice de la communication de Google France.

Innovation «appliquée»

La capacité d’innovation est identifiée par Ipsos comme un levier majeur d’influence pour les marques. La présence des plus grandes marques du numérique en haut du classement n’est donc pas surprenante. Pour être influente, l’innovation doit être constante. Et c’est bien le propre des GAFA de lancer en permanence de nouveaux produits et services, d’intégrer des start-up elles-mêmes pionnières. Innover en flux tendu, mais aussi innover vite. Si la marque Facebook, qui gagne deux places pour occuper la 5e position, devance toutes les autres marques dans sa capacité à avoir «modifié la façon d’interagir avec les gens», elle le doit sans doute en partie à la rapidité avec laquelle elle a négocié le virage du mobile.  

«En 2012, alors que les tablettes et les smartphones se multipliaient, Mark Zuckerberg a décidé de réorienter toute la stratégie de Facebook vers le mobile, rappelle Michelle Gilbert, directrice de la communication de Facebook France. A partir de là, tous les développements technologiques ont été effectués en priorité sur le mobile et un coup d’accélérateur a été porté dans le développement d’applications indépendantes adaptées à chaque usage: Instagram pour l’image et les vidéos, Messenger pour la messagerie instantanée.»

L’innovation d’influence est une innovation «appliquée», qui ricoche jusque dans la vie pratique des consommateurs pour orienter leurs usages les plus quotidiens, parfois de la manière la plus transparente possible. «Qui sait, par exemple, que chaque année, nous procédons à huit cents modifications dans notre moteur de recherches?», remarque Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, de Google.

Numéro trois des marques les plus influentes, Samsung a disséminé un bataillon de deux mille designers partout dans le monde pour prendre le pouls des attentes et des usages. Microsoft, en deuxième position, a choisi d’associer les utilisateurs à la conception finalisée du futur Windows 10. Ce que David Dufour, en charge du marketing et de la communication grand public de la marque en France, qualifie d’«OS collaboratif»: «Avant d’être lancé dans sa version commerciale, le système d’exploitation a été rendu disponible en version bêta. Trois millions de personnes dans le monde l’ont déjà téléchargé.»

Taux de pénétration records

La présence des marques dans notre quotidien ne peut donc plus se réduire à une présence de posture, de représentation ou de projection. «Une marque ne se résume plus à sa couleur, ni à la forme de son logo, ni à ce qu’elle dit d’elle-même dans ses campagnes promotionnelles. Elle se construit dans l’expérience, dans la somme des petites interactions quotidiennes, réelles ou virtuelles, qu’elle a avec ses clients», affirme Béatrice Mandine, directrice exécutive communication et marque d'Orange (la marque est 13e cette année, gagnant cinq places).

Quand cette présence «expérientielle» se double d’une forte part de marché, l’influence devient écrasante. Le Top 10 de l’étude d’Ipsos concentre à cet égard des taux de pénétration records. En France, la part de marché de Google dépasse 95% et Facebook est utilisé par 19 millions d’internautes. Un euro sur quatre dépensés en France l’est au moyen de la carte Visa, huitième marque la plus influente. «Avec 43,5 millions de cartes émises, la marque est quasiment présente dans la poche de chaque Français en âge d’avoir une carte de paiement, pour une fréquence d’utilisation moyenne d’un jour sur deux», précise Charlotte Desbons, directrice marketing et communication de Visa Europe en France.

Chez Samsung, on parle d’un «effet parc». «Un foyer français sur trois dispose d’un téléviseur et quatre sur dix d’un smartphone de la marque», note Michel Montrosset, directeur du planning stratégique de Samsung France. Et que dire d’EDF… S’il est une marque présente dans la vie de tous les Français, c’est bien elle. L’entreprise française rejoint les géants mondiaux du numérique dans le Top 10, passant cette année de la 11e à la 9e place. «Lorsqu’on regarde les autres déclinaisons locales de l’étude d’Ipsos, cette présence d’un acteur national de l’énergie au milieu des GAFA est une singularité», se félicite Catherine Lescure, directrice marque et image d’EDF.

L’énergéticien, qui supplante toutes les autres marques sur l’item «cette marque est essentielle dans ma vie», se démarque également pour les dimensions sociale et environnementale. «Les Français ont finalement une perception assez juste d’EDF: une entreprise de service public, qui produit de l’électricité de manière efficace, fiable et responsable. Et qui, avec six mille embauches par an depuis 2010, figure parmi les principaux recruteurs en France», poursuit Catherine Lescure.

Prééminence

Innovation, responsabilité, présence… L’influence des marques ne tient donc pas tant à leur capacité d’entrer dans notre environnement qu’à leur faculté à l’occuper de manière massive et multidimensionnelle. Et même de manière presque exclusive. C’est un autre enseignement de cette étude: les marques ne sont pas influentes «à moitié». L’influence caractérise une réelle prééminence sur chaque segment d’offre. C’est pourquoi, exception faite du binôme Samsung-Apple, il n’y a pas d’interférences concurrentielles dans le Top 10: chaque marque représente de manière exclusive les différents territoires d’usage.

Dès lors, pour les marques déjà les plus influentes, la marge de progression doit se chercher dans l’extension de ces territoires et donc dans l’annexion de nouveaux usages. Le cas de Samsung illustre cette symétrie entre extension de l’offre et ascendance de la marque. Dans le Top 10 d’Ipsos, la marque d’origine coréenne est celle qui dessine la plus forte progression, grimpant en un an de la 9e à la 3e place et creusant nettement l’écart avec la moyenne, avec un index d’influence de 266, contre 200 en 2014. Effet d’exclusivité oblige, à la poussée spectaculaire de Samsung répond la nette reculade d’Apple, qui passe du 2e au 6e rang, avec un index d’influence en chute de 302 à 234.

Il faut dire qu’en l’espace de dix ans, la marque Samsung s’est métamorphosée, se déployant avec succès sur plusieurs segments: électroménager, smartphone, télévision… «Samsung est devenue une marque d’électronique globale, peut-être la seule, explique Michel Montrosset, directeur du planning stratégique en France. L’influence, c’est la capacité à offrir de nouveaux produits et susciter de nouveaux usages pour prendre place et s’installer dans le quotidien des gens. Nous sommes présents dans les salons, les cuisines, le RER, les magasins, les classes d’école, les hôpitaux… Bref, sur l’ensemble du parcours de vie du consommateur. Il y a peu d’exemples de marques qui se sont développées avec une telle amplitude sur des marchés aussi nombreux.»

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