Événementiel
La Nuit de la déprime attire beaucoup de public et ... de marques. Pourquoi osent-elles s'acoquiner avec un spectacle en apparence si sombre?

Depuis trois ans, c’est «la» soirée de l’année pour ceux qui aiment pleurer. La Nuit de la déprime, créée par l'humoriste Raphaël Mezrahi (20h40 Productions et Troyes dans l’Aube Prod), rassemble près de 2 000 personnes autour de chanteurs qui viennent interpréter des chansons tristes. Pour la grande plus joie des sponsors: Kleenex, Nutella et même la SNCF, qui cette année offrait, contre présentation d’ordonnance d’antidépresseurs… un aller simple pour Lourdes! «Tout le monde joue le jeu, même les partenaires», avouait, en février dernier, Raphaël Mezrahi sur le plateau d’Élise Lucet (France 2).

Faire de Nutella un ami de désespoir, de Kleenex un compagnon de chagrin, en voilà des manières de marketing! «Pour beaucoup de personnes, la Nuit de la déprime est du second degré, concède Fabien Le Roux, planneur chez BETC. Mais ce ne serait pas délirant d’y aller au premier degré, ajoute-t-il. On peut aussi aimer ces émotions négatives!» Raphaël Mezrahi ajoute«On écoute des chansons tristes pour aller mieux». Comme en témoigne également La Fête triste, collectif qui organise des soirées musicales électroniques, et qui reste une fête avant tout.

Radicalisation des émotions

La vie n’est pas que joie, l’être humain non plus. Rire de sa propre image de dépressif, voilà la raison du succès de l'événement de Raphaël Mezrahi. «La radicalisation des émotions, entre autres des plus négatives, est en vogue. Notamment dans le discours des marques depuis quelques années», explique Emma Fric, directrice Recherche et Prospective chez Peclers. C'est le sadvertising, avec lequel les marques dépassent le simple rire ou le bonheur à l’état pur. «Comme Dove dans ses campagnes», continue la spécialiste. La Nuit de la déprime entre aussi dans ce registre.

  Faux semblant

«Les annonceurs jouent, estime Fabien Le Roux. Ils font semblant pour fabriquer des émotions positives», au bout du compte, ce n’est qu’un artifice. «C’est la dictature de la béatitude, continue-t-il. En témoigne le refus de la négation dans un slogan. C’est dommage, cette réticence à jouer sur d’autres registres!» Avec l’arrivée du digital, et du dialogue avec les consommateurs, les marques doivent se faire plus humaines. «Elles sont amenées à créer une connexion émotionnelle différente avec le public», continue le planneur. «C’est vrai que les émotions noires ont avant tout une visée positive pour les marques, avoue Emma Fric. Mais quand l’émotion est trop négative, elle est rejetée.» Y aller donc, mais en douceurLa Nuit de la déprime en est l’exemple, avec ce je-ne-sais-quoi d’autodérision. À tel point que la quatrième édition est à l'étude…

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