Communication
La coopérative lance une nouvelle campagne avec TBWA Paris pour promouvoir les «valeurs sociétales ajoutées» de sa marque propre. Cela suffira-t-il à relancer l'enseigne?

On l’a vu enchaîner les plateaux télé et radio depuis la rentrée. Crise du porc, crise du lait, gaspillage alimentaire… Serge Papin, PDG de Système U, a été sur tous les fronts. Belle visibilité pour l'enseigne de distribution. Et ce n’est pas fini. Depuis le 8 septembre, la marque s’affiche à la télévision avec une campagne sur la transparence, réalisée par son agence TBWA Paris. Plus de 1 000 GRP par semaine pendant trois semaines, presse nationale et campagne digitale sont aussi au menu. Un gros investissement pour la marque, qui a dépensé 168 millions d’euros dans les médias en 2014 selon Kantar Worldpanel, ce qui en fait le 19annonceur français.

Cinquante films d'animation déjà disponibles

«C’est l’aboutissement d’un travail de dix ans, résume Serge Papin. Nous avons retravaillé le cahier des charges de notre marque propre sur 5 000 produits.» Soutien des filières agricoles françaises, partenariats avec des entreprises françaises, retrait des composants «polémiques» (huile de palme...) et meilleure gestion des ressources, la coopérative a tenté d’améliorer tous les composants de sa marque de distributeur (MDD). Vient maintenant le temps de le faire savoir, dans la lignée du «commerce qui profite à tous», la signature de marque. A ces quatre points, ces quatre «valeurs sociétales ajoutées», correspondront quatre pictogrammes apposés sur les packagings concernés. La marque a également enrichi son application mobile d’un scanner de code-barre. Chaque consommateur a ainsi accès à une animation présentant l'engagement correspondant au produit en question. A ce jour, cinquante films d'animation sont déjà disponibles. Le spot télé présente le concept à partir d’images de caméras cachées en magasin.

Campagne expérientielle

«C’est compliqué en termes de crédibilité, concède Guillaume Pannaud, président de TBWA Paris et TBWA France. L’enjeu et la véracité du propos sont fondamentaux, c’est pourquoi nous avons réalisé une campagne expérientielle. Nous ne sommes pas dans le discours publicitaire. On veut laisser parler la démarche d’elle-même, et se différencier par rapport au discours angélique actuel. La communication vise à rendre lisible tout le travail réalisé pour mettre en phase les produits et la plateforme de marque. Le produit U est le véhicule de la valeur ajoutée de l'enseigne», complète Guillaume Pannaud. Même si les films d’animation, récréatifs et plutôt drôles pour certains, rendent le concept moins sérieux. «Nous avons été volontairement ludiques. Le but n’est pas de dire aux gens de regarder mais de les inciter à vérifier», ajoute Guillaume Pannaud. Le consommateur pourra trouver d’autres informations nutritionnelles, et bientôt le prix.

Besoin d'un nouveau souffle

Jugée «un peu faible» par un expert de la distribution, cette campagne est «représentative de ce qu’il se passe sur ce secteur à l’heure actuelle». «J’ai du mal à croire que cela consolidera réellement la plateforme de marque», ajoute-t-il. Car comme d'autres, Système U a besoin d’un nouveau souffle. Après de bonnes années dans la foulée de la crise économique, la coopérative patine et stagne à 10,7% de part de marché, quand les autres indépendants Leclerc et le groupe Intermarché sont respectivement à 20% et 14,7% (Kantar Worldpanel). «Il y a des cycles dans toutes les entreprises, analyse Yves Marin, du cabinet de conseil Kurt Salmon. Après une bonne période pour tous les indépendants, logique en temps de crise car ils sont dans un modèle plus souple, ils s’essoufflent depuis plus d’un an.»

Partenariat avec Auchan

Une décélération qui s’est conclue pour Système U par un partenariat avec Auchan sur les achats, la logistique et bientôt des échanges d’enseignes, afin de constituer le numéro deux de la distribution française. A terme, sous réserve de la décision de l’autorité de la concurrence, les soixante-dix hypermarchés U passeront sous l’enseigne de la famille Mulliez, quand les 247 supermarchés Simply Market deviendront des Super U. Un échange qui, après l’insuccès d’Intermarché, marque l’échec de la rentabilité des hypermarchés chez les distributeurs indépendants, exception faite de Leclerc. Le partenariat avec la société nordiste pourrait aussi aller plus loin en termes de produits ou sur le digital (lire l'interview).

En mettant en avant sa marque propre, Système U est dans la continuité. Les MDD concentrent déjà 100% des investissements médias, hors radio. Logique: elles représentent 38% de la valeur et près de 50% des volumes, toutes catégories confondues. C'est une vraie différenciation pour l’enseigne. La plus proche serait Intermarché, mais qui a intégré la production et possède in fine plusieurs marques propres de noms différents. «Historiquement, la MDD était quelque chose de défensif pour préserver la marge, et l’on faisait du "me too" des marques nationales, raconte Serge Papin. Mais avec U, nous en avons fait une vraie marque, offensive.» A tel point qu’elle en devient plus chère que certaines marques nationales référentes! «C'est vrai, nous ne sommes pas la MDD la moins chère, mais la qualité de la marque U plaît à nos consommateurs», note Serge Papin.

C’est dans ce sens que le PDG militerait plus pour un comparateur de qualité, quand les comparateurs de prix ont fleuri chez les concurrents. «La recherche du prix à tout prix n’est plus à la mode», estime-t-il. Pour le PDG, la guerre des prix capitule et les consommateurs, partout en France, veulent consommer mieux. Et en misant sur la qualité de ses produits, il fait un pari qu'il espère payant. «Le raisonnement paraît contre-intuitif, explique Yves Marin, mais il est logique. En temps de crise, les MDD, pourtant moins chères, perdent des parts de marché. Lorsque le budget est serré, les consommateurs achètent moins de produits mais de meilleure qualité.» Ils prennent donc des marques nationales… ou des MDD qui leur plaisent. C’est ainsi que les marques propres perdent des parts de marché depuis 2008... sauf la marque U.

«Avec la fin de la guerre des prix prévue pour 2016, les MDD devraient repartir», analyse Yves Marin. La coopérative joue ici un coup en avance, en plaçant ses pions pour l’année prochaine. A condition que les prix suivent. «C’est une démarche assez maligne, estime le consultant de Kurt Salmon. Et plutôt habituelle de la part de l'enseigne. Déjà en 2007, lors de l’ouverture de la publicité pour la distribution à la télévision, Système U avait été le seul distributeur a diffuser un spot le jour même à minuit.» La campagne permet aussi à la marque de se renforcer sur le digital, point faible de la coopérative. Avec 8 millions de porteurs de cartes de fidélité, pour 1,5 million de clients par semaine, l’application de Système U n’a été téléchargée à ce jour que 150 000 fois, sans campagne ad hoc il est vrai.

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