Stratégie de marque
Le 5 octobre, BNP Paribas lance une nouvelle campagne internationale pour asseoir son image de «banque d’un monde qui change». Le point sur la stratégie de marque avec Bertrand Cizeau, directeur de la communication groupe.

Vous recevez Stratégies dans le concept-store de BNP Paribas, place de l'Opéra à Paris, un lieu design et à la pointe du digital. C'est cela l'avenir des agences bancaires ?

Bertrand Cizeau. Nous transformons ce qui était des points de vente en de véritables centres de relation client. Dans le concept-store de l’Opéra, ouvert en 2010, nous avons testé au fil des années de nouvelles façons de vivre la relation avec nos clients et que nous déclinons dans l’ensemble de nos agences: la première table tactile, la première « visio » entre un conseiller et un client... Aujourd’hui, nous avons décliné ce concept-store à Istanbul, Bruxelles et Rome. Et nous avons déployé des écrans digitaux dans plus de 2 000 agences.

 

Les agences bancaires ne risquent-elles pas de disparaître?

B.C. Il y aura toujours des agences, c’est leur fonction qui évolue. Toute la préparation, le «home banking» se fera en ligne et par la suite, le client se rendra en agence pour bâtir son projet, être accompagné par un conseiller. D’ailleurs, dans nos nouvelles agences, déployées depuis 2012, le conseiller est assis à côté du client, et non plus en face. C’est la même chose que pour acheter une voiture: le client veut toujours se déplacer pour vivre une expérience en concession. S’il y a une accélération du tout-agence vers plus de distance, le client sait que le conseiller existe toujours, c’est rassurant pour lui. En résumé, il s’agit plus d’adapter le réseau en permanence, d’inventer le «phygital», cette combinaison intelligente entre réseau physique et digital.

 

Comment cela s’articule-t-il avec la relation à distance?

B.C. Le conseiller reste toujours là, dans l’esprit des gens, tout comme la relation téléphonique. En parallèle, nous créons la banque digitale de demain, sans aller trop vite pour autant. Le digital élargit le champ des possibles. Notre service après-vente est ouvert sur Twitter et Facebook depuis 2010.

 

En parallèle, Hello Bank, votre banque mobile, monte en puissance.

B.C. Hello Bank, c’est notre «fintech», mais avec déjà plus de 1,5 million de clients en Europe ! C’est une offre mobile et «do it yourself». Via l’application mobile, vous avez la main sur la totalité des services. Nous avions démarré avec la volonté d’installer Hello Bank loin de BNP Paribas car l’offre n’est pas la même et les cibles sont différentes. Mais la limite de la banque digitale, c’est l’absence de réseau physique. Aujourd’hui, nous savons qu’il faut jouer la complémentarité entre les deux.

 

La banque peut-elle se lancer dans une véritable innovation de rupture ?

B.C. Nous devons avoir un coup d’avance, mais sans aller trop vite. Nous passons notre temps à proposer à nos clients des innovations, comme, depuis avril dernier, l’application «Mes comptes» sur l'Apple Watch. Même s’il n’y a que quelques utilisateurs aujourd’hui, l’enjeu principal est d’éveiller nos clients à l’innovation, de les guider. C'est cela, être vraiment «la banque d’un monde qui change». Comme lorsque nous avons lancé les premiers une application pour smartphone et Ipad, avec seulement quelques utilisateurs au départ. Aujourd’hui, qui n’utilise pas une application bancaire ? Par ailleurs, nous avons organisé un hackathon international avant l’été qui a rassemblé 300 start-up dans cinq villes, de San Francisco à Istanbul. Cela a donné lieu à une trentaine d’idées de start-up qui sont en incubation dans nos équipes. Et cela donnera d’autres innovations en relation client dès l’année prochaine.

 

De nombreux acteurs non bancaires se positionnent sur le créneau du «m-payment». Sont-ils des concurrents pour vous ?

B.C. Je ne pense pas que la vocation d’Apple ou Google soit d’exercer le métier de banquier. Mais nous avons intérêt à monter des partenariats avec les Gafa, ce qui nous permet d’élargir notre champ. Nous venons de signer un accord de partenariat mondial simultanément avec Facebook, Google, LinkedIn et Twitter. Avec Facebook, par exemple, cela va nous permettre de renforcer l’expertise du groupe dans le domaine du digital social et mobile… Nous avons, avec ces acteurs, à la fois une relation de partenaire et concurrent.

 

Vous avez récemment participé à une vente flash de produits bancaires (assurances, cartes bancaires…) sur le web. Est-ce un nouvel axe de conquête de clients ?

B.C. Nous serons de plus en plus dans une logique de conquête commerciale sur le digital. Les services bancaires en France sont de bonne qualité: aujourd’hui les gens sont dans leur banque et y restent. Avec la digitalisation, à terme, les clients auront la possibilité de changer davantage de banque, nous nous positionnons pour être en capacité de conquérir de nouveaux clients.

 

Comment avez-vous fait évoluer l’image de BNP Paribas ces dernières années ?

B.C. En 2013, quand j’ai succédé à Antoine Sire, qui est le grand architecte de la marque BNP Paribas, le secteur sortait de la crise financière. Mais le groupe était en capacité d’accélérer son développement, notamment grâce à une image de marque solide. Pour accompagner le plan stratégique de Jean-Laurent Bonnafé [administrateur directeur général de BNP Paribas], il nous fallait capitaliser sur cet acquis et nous doter d’une vision de marque mondiale encore plus puissante et plus attractive. Mon travail a consisté à renforcer la personnalité, l’identité de la marque. J’ai décidé de partir de la signature «La banque d’un monde qui change», qui était à l’époque une belle endormie. Nous avons basé toute la communication autour de cette vision: bâtir un récit, une histoire, apporter des preuves que les clients puissent s’approprier, puis les faire vivre sur les réseaux sociaux. Il faut savoir créer du désir quand on est une marque bancaire aujourd’hui.

 

Vous lancez votre nouvelle campagne le 5 octobre. Quelles en sont les idées fortes ?

B.C. C'est une campagne mondiale, déclinée dans trente pays où nous sommes présents, et durant deux mois. Nous partons du changement qui touche nos clients. Nous leur apportons des preuves que BNP Paribas les accompagne dans ce virage. Nous avons choisi des visuels très simples, «impactants». Cette communication est homogène pour toutes nos cibles : corporate, entreprise, particuliers… C'est une campagne très digitale, puisque cela représente 20 à 25% de part de voix et 30% des dépenses. Pour cette action, j’ai demandé au groupe Publicis d’organiser un véritable «pitch» en interne, mettant en compétition des agences du monde entier. Sept d’entre elles ont participé et la campagne est le fruit des idées de ces différentes agences. Je voudrais aussi saluer l’engagement des équipes de communication de BNP Paribas.

 

La production de contenu est un axe stratégique aujourd'hui. Comment l'intégrez-vous ?

B.C. Nous sommes devenus une « social content factory » : la mission est de fabriquer des contenus enthousiasmants. Il y a dans mon équipe une direction de la rédaction composée d’une trentaine de personnes qui produit le contenu corporate au plan international, interne et externe. Nous disposons aussi d’une équipe de brand content qui produit des contenus spécifiques comme « On révise avec Roland Garros », « We Love Cinema »… La question à se poser ici pour que cela fonctionne est «Comment être intéressant avant d’être intéressé?». Et puis il y a une équipe de social média qui distribue sur les réseaux du monde entier, le contenu en dehors de nos propres plateformes. Globalement, il y a un rééquilibrage: beaucoup d’investissements dans la production de contenus et la conversation, moins en achats médias.

 

Cela fait quarante-deux ans que BNP Paribas sponsorise Roland-Garros. Ne finit-on pas par être prisonnier d’un tel partenariat ?

B.C. Nous sommes la marque qui a le meilleur score d’attribution à un sport dans le monde. C’est un appui fantastique en matière de notoriété. Et puis il y a la magie de la bâche : la caméra balaye le court de gauche à droite. Cela dépasse largement Roland-Garros puisque nous soutenons aussi le tennis dans le monde entier à travers la Coupe Davis, la Fed Cup. Et puis nous continuons d’innover: lors du dernier Roland-Garros, nous avons créé la « We Are Tennis Fan Academy », une opération en ligne, avec John McEnroe comme coach. Le retentissement a dépassé nos espérances: 3 millions de vues, 1 million de fans.

 

De quelle manière avez-vous géré l’épisode de l’amende record (9 milliards de dollars) infligée par les autorités américaines en mai 2014 ?

B.C. Il existait un risque de perte de confiance, de désaffection des clients. Dans des situations d’ampleur similaire, de grandes entreprises ont subi des hémorragies de clients et un affaissement de leur réputation. Cela n’a pas été notre cas. Nous n’avons pas perdu de clients. Nous avons choisi, et notre directeur général en tête, de prendre nos responsabilités, d’écrire à tous nos clients et collaborateurs en expliquant que cela n’aurait pas dû arriver, qu’il y avait eu des dysfonctionnements. Et en exprimant nos regrets et en annonçant que nous allions mettre en place ce qu’il fallait pour que cela ne se reproduise plus. Et nous avons fait ce que nous avons dit. En septembre 2014, nous avons lancé une étude d’opinion mondiale: 75% des répondants ont affirmé avoir une image positive de BNP Paribas. Un score sensiblement identique à celui du début 2014, confirmant la préservation de notre réputation. Peut-être avons-nous adopté la bonne attitude, usé du bon ton.

 

Fin avril, le chanteur Michel Polnareff a déposé plainte contre Cetelem à cause de sa publicité avec le bonhomme vert. Qu’en pense l’ancien directeur de la communication de Cetelem que vous êtes ?

B.C. Je ne commenterai pas l’affaire, mais je trouve intéressant d’observer les conversations générées par le débat entre un artiste et une marque sur les réseaux sociaux. Ce coup-ci, les internautes ont affiché davantage d’empathie pour la marque.

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