Télécoms
La rumeur d’éventuelles discussions entre Bouygues et Orange relance l’idée d’une concentration dans le paysage des télécoms européens.

Lundi 7 novembre au soir, l'agence Bloomberg assurait qu'Orange avait entamé des discussions préliminaires à un rachat éventuel des activités télécoms et médias du groupe Bouygues, citant trois sources proches du dossier. Et la rumeur, une fois de plus, d’une concentration du paysage des télécoms français, un an après la tentative avortée d’acquisition de Bouygues Telecom par le groupe Altice.

Certes, Bouygues a réagi en précisant dans un communiqué sibyllin, le lendemain matin, n’avoir «aucun projet de sortie des secteurs des télécoms et de la télévision et réaffirme[r] son ancrage durable dans ces deux industries». Orange, quant à lui, disait à Stratégies ne pas souhaiter commenter «des rumeurs récurrentes», précisant être «l’acteur des télécoms qui a le moins de besoin de consolidation, étant très présent à l’international».

De fait, Bouygues Telecom semble être en position de faire cavalier seul. Il a développé son taux de couverture 4G, à 72%, relevait en fin de semaine dernière l’Arcep, le gendarme des télécoms, talonnant ainsi Orange, à 76%. Et «il s’est bien redressé, il continue d’accroître sa base d’abonnés fixe et mobile, et bénéficie d’un marché où Numericable-SFR perd beaucoup de clients», remarque Thomas Coudry, analyste financier en charge du secteur télécoms chez Bryan Garner. Avant de préciser: «Bouygues ne nie pas avoir des discussions avec Orange, il peut y avoir des réflexions en cours autour de partenariats, sans parler d’une cession pure et dure».

Telecom Italia, Verizon et Proximus parmi les prochaines cibles

Assurément, cela intervient dans un marché international où plusieurs consolidations sont en cours. Vivendi et Canal+ se disputent le capital de Telecom Italia. Un conseil d’administration déterminera, le 15 décembre, si quatre membres de Vivendi pourront siéger – ou non – au sein du board. Altice a acquis cette année le câblo-opérateur Suddenlink, puis Cablevision aux Etats-Unis, pour 17,7 milliards de dollars.

Maintenant, lui et d’autres «prédateurs», tels Orange et Deutsche Telekom, auraient des vues sur les opérateurs Verizon (Etats-Unis) pour ses activités du câble et de cuivre, KPN (Pays-Bas) et Proximus (Belgique), entre autres petits opérateurs nationaux plutôt fragiles. Au niveau européen, «Telefonica Deutsche Telekom, Vodafone, et Orange vont racheter de petits opérateurs du marché d’à côté», estime Stéphane Dubreuil, consultant indépendant. D’autant qu'Orange et Deustche Telekom «sont en train de dégager du cash suite à la revente de la coentreprise EE à British Telecom: Orange aura 5 milliards d’euros début 2016», poursuit-il. Et l'opérateur historique a abondamment fait savoir, par la presse économique, qu’il travaillait avec les banques BNP Paribas et Morgan Stanley en vue d’acquisitions.

«Sur le marché européen, il y a eu des consolidations au sein de plusieurs pays, avec des rapprochements entre acteurs du fixe et du mobile, pour mener une convergence entre fixe et mobile», ajoute Thomas Coudry. En clair, avoir les armes pour monter des offres quadruple play, qui sont déjà monnaie courante en France.

Surtout, les opérateurs souhaitent pouvoir constituer des champions européens pour contrer les Gafa, tels Google et Facebook, qui deviennent de nouveaux rivaux pour les «telcos»: certains lancent des offres mobiles ou d’accès internet, «ou deviennent OTT [mode de distribution de contenus à travers internet intermédiaire] pour se positionner entre l’opérateur et son client, et capter dans la chaîne de valeur. D’autant que les Gafa jouent avec des règles fiscales et concurrentielles différentes», remarque Thomas Coudry.

Les contenus, produits d'appel pour les opérateurs

Un autre enjeu pointe chez les opérateurs, derrière cette recherche de «convergence»: les contenus. Par ces acquisitions, des acteurs comme Comcast ou Altice recherchent non pas de la base client, mais du contenu premium. C’est bien pour cela qu’Altice a acquis les droits de la Premier League de foot fin novembre, damant le pion à Canal+. Une première.

«Le sport est un spectacle, il est devenu un contenu premium, un produit d’appel pour conquérir de nouveaux clients dans l’ultra haut débit et le mobile. Le contenu redevient le sujet à la fois pour la télévision et pour les opérateurs. Les “telcos” rentrent dedans parce qu’ils ont la capacité de distribuer ce contenu sur une base énorme», estime Stéphane Dubreuil. Après la guerre des prix, les opérateurs télécoms veulent maintenant se distinguer par une meilleure offre réseau (fibre ou 4G), ou contenus. Et espèrent ainsi augmenter de nouveau l’Arpu de leurs clients.

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