Objets connectés
2016, l’an I de la réalité virtuelle? Les casques de réalité virtuelle, commercialisés cette année, seront capables de nous transporter dans une multitude de mondes depuis notre salon. De quoi révolutionner l’entertainment, du jeu vidéo à la fiction.

Des lignes de code défilent sous nos yeux en sens inverse, comme si nous étions de l’autre côté de l’écran. Puis l’écran se brouille, deux hommes installés dans un bureau nous observent avec intensité. Lorsqu’on tourne la tête, on parcourt du regard toute la pièce. Puis un étrange dialogue s’engage. «Bonjour, comment t’appelles-tu? Philip. Qui es-tu? Je suis un androïde. Qui t’a conçu? Vous.» Les deux hommes se regardent avec un grand sourire. On est littéralement dans la peau d’un robot. Arte s’apprête à sortir, ce début d’année, avec Okio Studio, Philip and I, une ambitieuse fiction immersive à gros budget (400 000 euros pour 15 minutes), dans le cadre d’un cycle en hommage au romancier Philip K. Dick, l'un des maîtres de la science-fiction. Particularité: cette fiction est conçue pour être visionnée dans un casque de réalité virtuelle (VR).

Le casque de réalité virtuelle, c’est peut-être l'une des innovations majeures attendues pour 2016 dans l’entertainment. L'objet: une sorte d'épaisses lunettes de ski naties de deux lentilles et d’un écran qui, grâce à ses capteurs, son accéléromètre et son gyroscope, permet de se déplacer dans un monde virtuel en marchant. Une fois l'objet positionné et accompagné d'un casque audio, il suffit de le brancher sur une box de jeux vidéo ou un ordinateur. Des pointeurs, comme des manettes de jeux vidéo, permettent d’avoir des mains virtuelles.

Plusieurs casques vont être commercialisés, peut-être dès ce 1er trimestre 2016, avec dans le viseur les fêtes de fin d’année. L’Oculus Rift de la start-up Oculus VR (rachetée début 2014 par Facebook), le Playstation VR de Sony, le Viver de HTC associé à Valve… Samsung a ouvert la voie en 2015 avec son Gear VR, qui utilise le smartphone Galaxy. Dans une autre catégorie, Microsoft promet avec Hololens un casque de réalité augmentée.

Le spectateur choisit son point de vue

Ces joujoux high-tech promettent de nouvelles formes de narration, en version hyper-immersive. Des nouveaux contenus, d’une quinzaine de minutes, aussi bien dans l’univers des jeux vidéo que des fictions et documentaires.

Des caméras nouvelle génération, adaptées pour tourner des reportages en réalité virtuelle, sont disponibles, telles la Go Pro Odyssey, assemblage d’une dizaine de caméras Go Pro Hero 4 en cercle, ou la Nokia Ozo, une caméra de forme sphérique.

«Dans Philip and I, vous êtes dans la tête du robot. On s’intéresse à l’univers des androïdes de Philip K. Dick et à la réalité virtuelle. Celle-ci permet d’innover dans la narration, en se mettant à la place du spectateur, avec un point de vue subjectif sur la fiction», explique Gilles Freissinier, directeur du développement numérique chez Arte France. «Cette technologie trompe votre cerveau et votre conscience en vous téléportant quelque part. C’est très spectaculaire. Ce n’est pas un effet de mode, comme cela a pu l’être pour la 3D. Un vrai média nouveau est en train d’arriver, qui donnera naissance à une nouvelle écriture. […] Nous n’en sommes qu’au tout début de l’histoire de ce média. Nous sommes au niveau du téléphone à clapet et personne n’a encore trouvé l’Iphone de la réalité virtuelle», renchérit Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions. 

La nouveauté, c’est donc que le spectateur choisit lui-même son point de vue. Débats déontologiques à venir: «Sur l’information et le documentaire, cette technologie élimine le rôle de médiateur que joue, par exemple, un journaliste reporter d'images, puisque c’est désormais le spectateur qui choisit lui-même ses angles de vue», poursuit Eric Scherer. Plusieurs «expériences» et documentaires en VR sont même en lice au prestigieux Festival du cinéma indépendant de Sundance, qui se tient du 21 au 31 janvier 2016 aux Etats-Unis. Ce dernier propose une section entière consacrée à ce nouveau support, où 30 «expériences» en VR y seront présentées.

«100 Humans», conçu par la start-up 8I (dans laquelle ont investi, entre autres, la star Ashton Kutcher et le fabricant Samsung), présentera ainsi pour la première fois des captures vidéo réalistes en 3D de personnes. Dans le seul projet français, «Viens!», de Michel Reilhac, quatre femmes et trois hommes, entièrement nus, apparaissent de nulle part dans un espace blanc. Ils se touchent, partagent leur énergie et sont transformés spirituellement… «Il sera possible aux participants d’expérimenter la VR dans vingt salles de réalité virtuelle», précisent les organisateurs dans un communiqué. Dans vingt ans, peut-être sera-t-il aussi courant d’aller dans des «salles» de réalité virtuelle que d’aller au cinéma.

L'industrie des jeux vidéo est prête

Sans surprise, l’industrie du jeu vidéo a déjà une longueur d’avance. Logique: ces modes d’interaction propres à la réalité virtuelle, où l’utilisateur interagit avec son environnement, sont déjà inhérents à son univers. Sony a dévoilé, lors de Paris Games Week en octobre 2015, une dizaine de jeux vidéo pour Playstation VR disponibles courant 2016. Des jeux VR susceptibles de séduire bien au-delà des «gamers». Avec, par exemple, Robinson-The Journey, qui plonge le joueur dans un monde préhistorique, The Walk, où l’on doit marcher suspendu à un fil entre deux gratte-ciel, ou encore le très prometteur Detroit-Become Human, l’histoire d’une androïde qui cherche à devenir libre… L’éditeur Ubisoft n'est pas en reste et a annoncé pour 2016 son premier vrai jeu en VR, Eagle Flight. Il propose aux joueurs de survoler Paris dans la peau d’un aigle «50 ans après la disparition de ses habitants. La nature et la vie sauvage ont repris leurs droits, […] offrant des sensations incroyables de vol libre», précise l’éditeur. Autre première, Eagle Flight permettra de jouer en mode multijoueur.

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