Napoléons 2015
Jeudi 14 janvier, Les Napoléons, festival de l'innovation et de la communication, ont élu Personnalité masculine innovante de l'année le directeur de la danse à l'Opéra de Paris Benjamin Millepied. Portrait.

Faire le pas de côté. Ce pas qui s'éloigne un temps de la ligne droite pour ensuite y revenir enrichi d'une expérience nouvelle. C'est certainement ce pas-là que Benjamin Millepied souhaite faire faire à l'Opéra national de Paris. C'est certainement ce pas-là, différent des pas habituels des canons de l'Opéra, qui a permis à Benjamin Millepied d'être élu personnalité innovante de l'année aux côtés de Céline Lazorthes lors des Napoléons. Ce pas de côté, c'est aussi certainement ce qui a conduit le directeur de la danse de l'Opéra de Paris à ne pas se présenter à la remise de prix à Val-d'Isère, ni même à répondre à Stratégies pour cause de vacances à Cuba. N'être jamais là où on l'attend, c'est semble-t-il ce qui caractérise l'artiste. «Benjamin sait prendre les contre-pieds, faire bouger les lignes et indiquer des horizons nouveaux», note Thierry Demaizière, journaliste et réalisateur, auteur du documentaire La relève consacré à Benjamin Millepied et diffusé sur Canal+ en décembre 2015. Dans ce doc, ce qui apparaît clairement, c'est la façon dont le nouveau directeur de la danse a décidé de casser les codes et de mettre les pieds dans le plat des habitudes confinées de l'institution.

Il déclare notamment: «Les danseurs ont tellement été habitués à danser en ligne, à se faire engueuler, que ça devient du papier peint, il n’y a plus aucun plaisir. Un corps de ballet, s’il ne prend aucun plaisir, ça n’a aucune vie. Il faut changer ça. Tu ne peux pas danser sans prendre de plaisir. C’est ennuyeux à mourir à regarder, ce n’est pas de la danse. C’est quoi l’excellence de l’opéra exactement? Je ne suis pas encore satisfait de la façon dont ça danse en scène. L’excellence, j’attends de la voir pour de vrai. Ils sont tellement dans une bulle, tout le monde leur a dit qu’ils étaient la meilleure compagnie du monde. Mais il faut qu’ils aillent voir comment ça se passe à l’extérieur. Mon but, c’est vraiment de les rendre excellents pour de vrai.» Voilà qui a le mérite d'être clair.

Franc-parler

Tout comme est limpide aussi, la façon qu'a Millepied de remettre en question les hiérarchies traditionnelles de l'Opéra. «C’est dommage qu’il y ait toute cette hiérarchie parce qu’elle n’a pas lieu d’être. Qu’est-ce que ça fait tous ces concours, cette hiérarchie? Ça crée de la peur. Quand je suis arrivé et que j’ai fait les premiers rendez-vous avec les danseurs, j’avais des danseurs qui tremblaient en me parlant, qui arrivaient à peine à me parler; moi, je ne me sentais pas spécialement impressionnant ou terrorisant mais il y avait une énorme peur de la hiérarchie. Quand une maîtresse de ballet dit à une danseuse “je vais te casser”, pour moi, c’est impossible de savoir qu’une telle chose se passe dans les studios.» Propos rafraîchissants. Mais quid des résultats? Dans les couloirs de l'Opéra, certains expliquent que Millepied est «avant tout un metteur en scène hors pair de sa propre personne» et qu'il fait surtout «beaucoup de communication glamour». Des reproches qui montrent que, décidemment, les habitudes ont la vie dure. 

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