Dossier Picture marketing
«Une image vaut mieux que mille mots» Les marques ont parfaitement intégré cet adage que l’on attribue à Confucius. Et réinventent chaque jour le marketing par l’image en quête du meilleur impact.

Explorer tous les angles d’une chocolaterie en 3D grâce au 360 degrés, désormais proposé par You Tube, c’est la nouvelle idée de la marque de biscuits Oreo. Les réseaux sociaux imaginent régulièrement de nouvelles fonctionnalités pour améliorer l’expérience visuelle: Twitter autorise à présent les GIF animés en autoplay (lecture automatique) dans les timelines, et Facebook, avec Canvas lancé fin février, offre un format natif de publicité amélioré pour mobile. Dernière née, l'appli Chooz permet aux mobinautes d'interagir avec leur communauté via des «battles» photographiques.

C’est en effet à partir des mobiles que transitent la majorité des images. Plusieurs études montrent que les posts qui s’appuient sur des photos génèrent davantage d’interactions. En témoignent les 400 millions d’utilisateurs d'Instagram ou le même nombre de photos partagées chaque jour sur Snapchat. Dans une logique de marketing viral, les internautes sont des prescripteurs. «Ils savent que c'est de la publicité, mais partagent s’ils aiment. D’où l’importance d'avoir un bon storytelling. Des contenus visuels sont conçus spécifiquement pour le web, alors que c’était le parent pauvre, observe Lucas Mongiello, directeur de création d'Havas Paris. Le picture marketing permet de capter l’attention et de créer un univers visuel pertinent autour de produits et de valeurs.» Le GIF animé et le cinématographe sont les grandes tendances du moment.

Investir différents réseaux

Même les infographies n’échappent pas à cette vague d’animation. «On les met en mouvement dans une vidéo, souvent avec une voix off pour les commenter. La photo visualisation, qui consiste à mettre de l’information textuelle en surimpression sur une photo, émerge aussi», observe Benoît Degiovani, fondateur et CEO de l'agence digitale Parteja. Une technique utile pour les sujets complexes. «Nous avons scénarisé tous les articles de notre site grâce à de la datavisualisation», explique Céline Soubranne, secrétaire générale d'AXA Prévention. Les internautes passent plus de temps sur le site.» Une démarche qui a permis une forte progression du nombre de pages vues en un an: de 2,7 millions à 4,5 millions. «Pour éviter le côté donneur de leçons, nous utilisons beaucoup l’humour et l’affectif. Chaque lundi, sur notre fil Twitter, nous avons une citation associée à une image ainsi que des conseils de prévention avec des GIF animés. Nous autorisons notre agence à créer au-delà de notre brief. La seule limite: servir le message de prévention et ne pas sombrer dans une LOL attitude gratuite.»

Le recours aux mèmes, à savoir la réplique d'une image célèbre dont le message est détourné, séduit également. «S’ils apprécient l’humour, les internautes souhaitent aussi tirer des bénéfices des images diffusées», tempère Olivier Vigneaux, directeur général de BETC Digital. Le fameux «what’s in it for me ?» («Qu'est-ce que cela me rapporte?») impose aux marques de ne plus seulement parler d'elles, mais de parler aux gens. «Il faut donc réfléchir aux contenus les plus adaptés sur tel ou tel réseau et avoir l'intelligence du contexte pour ne pas tapisser avec le même papier peint l'ensemble des points de contact», poursuit-il. D'où l'intérêt de ne pas investir uniquement Facebook et Twitter.

Andréa Colaianni, directeur social media chez Ogilvy France, estime que c’est Snapchat qui, actuellement, révolutionne le plus la façon de consommer les contenus, lesquels doivent être pensés exclusivement pour cette plateforme. Edouard de Pouzilhac, président-fondateur de l'agence 5ème gauche et de l’AACC Interactive, croit, lui, en l’efficacité d’Instagram, «le plus mature des réseaux sociaux d’images, dont l’engagement moyen est quinze fois supérieur à Facebook».

Les codes du digital

L’engagement, tel est le Graal. D’où l’initiative du site Mes chaussettes rouges, qui rend hommage aux photos Instagram créées par ses clients en les intégrant aux pages «produits» de son site e-commerce. Le stade ultime, c’est la cocréation. «Pendant le World Environnement Day,  pour le compte de notre client IBM, nous avons demandé aux internautes de partager sur Twitter leurs idées pour rendre les villes plus intelligentes. Nous avons illustré les plus pertinentes et les avons reproduites en format outdoor», indique Andréa Colaianni, d'Ogilvy France. Le petit plus: le recours à des stars du web, tels Julien Douvier, Juliette Poney, Charlotte Lovely, Lucas Levitan ou encore Zach King. Ce dernier, grande vedette de Vine, réputé pour ses talents créatifs, a par exemple signé une campagne pour Lacoste (BETC Digital).

Pour Edouard de Pouzilhac, cette nouvelle façon de produire des contenus a un impact sur le fonctionnement des agences: «On ne peut plus penser une marque sans avoir une ligne éditoriale sur les réseaux sociaux. Il faut réfléchir à une écriture audiovisuelle. Les départements du planning stratégique et de la création ne font plus qu'un. Les silos ne sont plus envisageables.» Plus frappant encore, le digital imprime à son tour ses codes au print et à l’événementiel. «Nous avons repris le système des filtres propres à Instagram pour notre vidéo Renault Alpine», confesse Lucas Mongiello, d'Havas Paris. Pour Olivier Vigneaux, de BETC Digital, ce sont surtout les pictogrammes qui ont le vent en poupe: «Les marques recherchent des symboles très iconiques, un même langage qui puisse exister sur toutes les surfaces. Il s'agit de créer une empreinte grâce à des signes identitaires adaptés à toutes les plateformes.» Et de citer le fameux Caddie du site J’adopte un mec, un remarquable exemple à ses yeux de simplification visuelle en mode «call to action».

De nouvelles batailles juridiques

«Toute utilisation de l’image d’une personne doit faire l’objet d’une autorisation spéciale: durée, nombre d’utilisations, support... Tout ce qui dépasse cette autorisation est réprimandable, d’autant que les juges ont tendance à favoriser la protection de la personne physique», résume Céline Thirapounnho, avocate chez Hoyng Rock Monegier. Le contentieux du droit à l’image est plutôt fourni. En 2010, la chaîne de distribution de vêtements Zara avait été interpellée pour l’utilisation de la photo d’une blogueuse mode, sans son consentement. «La plupart du temps, les plaignants parviennent à obtenir le retrait de la photo ou de la vidéo objet du litige», observe Céline Thirapounnho. Et ce, même quand ils ont signé un acte d’autorisation de diffusion de l’image sans aucune limitation de durée et de restriction de territoire. Si le droit à l'image relève du droit civil, le droit d'auteur relève du Code de la propriété intellectuelle. La justice leur donnant souvent raison, nombreux sont les artistes qui passent à l’offensive. 

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