Dossier Data
Stratégies dévoile en exclusivité les résultats de l’étude «DMP Europe 2016, Stratégies/Exchange Wire/Weborama» sur l’utilisation des data management platforms en Europe. Derrière les attentes, la réalité de l’utilisation: les DMP sont souvent sous-exploitées.

Il est temps d’ouvrir les yeux. Depuis deux ans que la fièvre dure, vient le moment d'établir un diagnostic. Emblème du big data, porte étendard d’une stratégie «data driven», symbole de l’arrivée du marketing technologique dans les entreprises, la data management platform (DMP) s’est imposée dans bon nombre de réunions projets, avec, dans ses valises, beaucoup d’espérances et pas mal d’argent investi. Simple effet de mode ou vrai plus pour l’entreprise? Quid de l’utilisation réelle de cet outil de gestion de données censé révolutionner le marketing? Quel ROI offre-t-il concrètement?

Exchange Wire, avec Weborama, l'un des leaders européens du secteur, a réalisé un sondage européen sur son utilisation effective. «Nous n’avions que des chiffres du monde anglo-saxon, note Mathieu Roche, directeur du développement international pour Weborama. Il nous semblait important d’avoir une vision européenne sur le sujet, pour savoir où nous situer ou s’il existait des divergences culturelles.» Au total, ce sont près de 360 agences, annonceurs, éditeurs, trading desks et ad-networks à travers l’Europe qui ont été interrogés.

Les résultats montrent que la tendance est encore balbutiante, et que la DMP n’est pas encore utilisée à sa juste valeur. Les experts commencent à mettre en garde des insatisfactions que cela pourrait générer. Car il ne faut pas s'emballer. Le marché en est à ses premiers pas. La définition même de la DMP fait encore débat... «C’est un outil de collecte de données d’utilisateurs, précise Mathieu Roche. Il réunit en un même point des datas provenant de différentes sources et les organise ensuite en différents sous-groupe homogènes, ce qui permet de les utiliser à des fins de ciblage pour le marketing ou les médias», explique le directeur. 

Comment expliquer l'essor de la DMP? 

Il suffit de regarder qui possède une DMP pour comprendre comment l’outil est entré dans le monde du marketing. Selon l’étude Exchange Wire, les plus forts taux d’équipement en DMP sont le fait des éditeurs médias (76% des interrogés en ont une), et des trading-desks (75%), ces plateformes automatisées d’achat d’espaces publicitaires sur internet. Les agences médias occupent la 3e place, avec un taux d’équipement de 69%. «Le datamarketing, et a fortiori la DMP, est arrivée en entreprise via le monde des médias et de l’achat publicitaire automatisée, le programmatique», commente Vincent Luciani, cofondateur de la société de conseil en datamarketing Artefact. «Culturellement, la DMP révèle un prisme publicitaire très fort», précise Mathieu Roche.

D’ailleurs, quand on regarde pour quelle activation la DMP est utilisée, c’est en majorité pour de l’achat de displays en programmatique (63%). Pourquoi le monde des médias s’y est mis si largement? Pour 64% des éditeurs, elle leur permet de monétiser leurs données. Et de regagner de la valeur sur le digital, indispensable en pleine crise de la presse.

Notons, en outre, qu’à 55%, la DMP a été mise en place pour réconcilier les profils d’utilisateurs sur différents canaux, c’est-à-dire reconnaître une personne, qu’elle soit sur un smartphone ou un ordinateur. La DMP est ainsi une conséquence directe de la consommation de médias sur mobile. 

Une utilisation encore partielle.

Mais ce prisme «médias» ou «achat publicitaire programmatique» réduit la portée de la DMP. En témoigne les sources de données auxquelles elle est reliée. A 87%, la DMP collecte celles issues de la navigation des internautes. Les données CRM (issues des programmes de relation client), pourtant les plus intéressantes car les plus fines, ne sont intégrées que dans 64% des cas. Quant à la navigation issue des applications mobiles, les données n’apparaissent qu’à 57% dans la DMP. Les datas externes, qu’elles viennent de médias partenaires («2nd party data») ou de prestataire extérieures («3rd party data»), ne sont implémentées que pour 54% et 56% des personnes interrogées. Les données issues des réseaux sociaux, elles, n’apparaissent que dans 43% des cas.

«Ce chiffre est logique. Les réseaux sociaux ne fournissent que des données difficilement exploitables dans une DMP, car elles ne sont que globales et non personnalisées», assurent Vincent Luciani. Grossièrement, vous saurez combien de personnes de moins de 25 ans ont vu votre post Facebook, mais vous ne saurez pas qui. Ces connexions «partielles» aux données extérieures limitent l'impact de la DMP, dont l’avantage principal consiste justement à relier plusieurs sources. Idem pour l'activation. Après le programmatique (63%), les réseaux sociaux représente 55% des activations, l'e-mail 48% et le search 43%. Quand à la recommandation de produits ou le push mobile, ils ne sont qu'à 15%. Le manque d'activation marketing constitue d'ailleurs la première limite de l'outil DMP pour 37% des sondés. Une question de temps, sans doute. 

Qu’est-ce que ça rapporte? 

Si 90% des répondants se disent satisfaits ou très satisfaits de leur DMP, les chiffres sont plus mitigés en termes de retour sur investissement (ROI). Notons que 29% des répondants affirment «qu’il est trop tôt pour répondre» et que 13% «n’en savent rien». Ajoutons les 2% de ROI négatif, ce qui fait, au total, 44% de répondants pour qui l’intérêt d’une DMP n’est pas limpide. «Le problème vient du fait que l’on mesure un ROI direct», tempère Mathieu Roche. Donc issu des campagnes médias, pour l'essentiel, qui peut dépendre d’autres facteurs que la DMP (la création publicitaire, par exemple). «Or, la DMP a un impact bien plus large sur l’entreprise, ajoute-t-il. Il améliore le CRM, la perception de la relation client, l’expérience client au global, l’image de marque, etc. Il permet aussi de reprendre la main sur sa donnée, sans avoir à disposer sur son site des cookies de ses partenaires, mais en choisissant quelles données ils vont leur fournir.»

Mais avec 75% des répondants équipés depuis moins de deux ans, le retour sur expérience est limité. «Les bénéfices médias sont bien là à court terme, estime Armel Bursaux, directeur data & analytics EMEA de Starcom Mediavest Group. Mais, à plus long terme, ce sont des changements culturels, une meilleure intégration et des activités marketing mieux coordonnées et plus ciblées.»

Ainsi, les experts s’inquiètent et craignent une sous-évaluation des performances de l’outil du fait de cette implémentation incomplète. Des expériences malheureuses existent aussi, «souvent à cause de data de mauvaise qualité ou d’outils mal paramétrés», commente un expert du secteur. «Beaucoup d’entreprises pensent avoir mis en place une DMP, alors que cela nécessite d’aller beaucoup plus loin, estime Othmane Zrikem, consultant au sein du cabinet-conseil en analyse data Ekimetrics. Et encore, même les entreprises qui possèdent toute la structure et les compétences se trouvent confrontés à des questions auxquelles elles n’avaient jamais été exposées, où viennent se mêler le juridique, par exemple: “Ai-je le droit de stocker dans un même endroit telles et telles données?”».

Les solutions passent souvent par la concertation et l'échange. Mais mettre tout le monde autour de la table prend beaucoup de temps et d'énergie. «Il faut infuser une démarche scientifique de recherche et développement, qui n’est pas forcément dans la culture marketing ou financière», poursuit Othmane Zrikem. Avec la DMP, c’est bien une révolution culturelle qui est sous-jacente. Si elle est l’outil par lequel se diffuse le datamarketing en entreprise, elle n’est pas LE data marketing, qui, lui, se matérialise sous d’autres facettes. «La récupération d’insights créatifs, par exemple, à partir des datalakes (1)», explicite Vincent Luciani, d'Artefact. Mais c'est un début…

La DMP, aspirateur de données

Le terme est encore méconnu. Il rebute, interroge, relégué au vocable du technicien ou de l’ingénieur, culturellement éloigné du monde du marketing. Il va pourtant falloir s’y faire. La multiplication des canaux (magasins, ordinateurs, smartphones…) permet de cerner le comportement des consommateurs en mesurant leurs faits et gestes ou en analysant leur vocabulaire sur internet. Mais pour quoi faire? La data management platform (DMP) répond à cette question. Elle collecte et analyse des données, ensuite activées sous différentes formes, médias ou CRM. Son intérêt réside dans le fait qu'elle capte des datas de formes diverses. Qu'elles soient structurées dans un tableau (nom, âge…) ou non structurées (texte, parcours clients…), anonymes ou non. Grâce à des algorithmes, la DMP dresse des profils clients. Elle forme alors des groupes de profils, le plus pertinent possible, pour ensuite les cibler dans des campagnes CRM ou de publicité. L'avantage est qu'elle peut gérer en même temps plusieurs canaux et faire qu'un client qui a ouvert un email client ne soit pas touché à nouveau dans une campagne publicitaire mobile, par exemple. 

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