Marketing
Où sont les consommateurs chinois ? Sur mobile assurément. Publicité conversationnelle, paiement mobile, communication sur applications… Pour accéder à ce marché en plein développement, il s’agit de bien connaître son écosystème si particulier.

La Chine compte... 620 millions de mobinautes(1)! Un chiffre impressionnant. «La qualité des infrastructures, notamment du réseau 3G et 4G ont été favorables au déploiement des très grands téléphones (phablettes)», explique Thierry Guiot, directeur de la région Europe du Sud d’App Annie, société spécialisée dans l’analyse data des applications. «Dans un territoire aussi étendu, le premier contact entre un consommateur et une marque se fait bien souvent sur mobile. De même que l’acte d’achat final», observe Laure de Carayon, fondatrice et organisatrice de l’événement China Connect (voir encadré). En décembre 2015, 416 millions de Chinois ont payé en ligne, 36,8% de plus que l’année dernière. Parmi eux, 358 millions l’ont fait depuis un mobile (+64,5%). 

«Une autre particularité du marché est que les utilisateurs sont très ouverts et demandeurs en termes de publicité sur mobile. Là où en Occident les consommateurs sont encore méfiants», allègue Christophe Collet, cofondateur et PDG de S4M, plateforme française de publicité mobile. Près des deux tiers (62%) des consommateurs chinois manifestent de fortes attentes en termes d'interactivité avec les marques via leur smartphone... loin devant les Américains (39%) (2).

Selon App Annie, en 2015, 41 milliards de dollars ont été générés sur les boutiques d’applications en Chine (micro-paiement). En 2016, ce chiffre pourrait atteindre 51 milliards et 101 milliards en 2020. En termes de téléchargements, la Chine est passée devant les États-Unis au premier trimestre 2016. «Les applications dévorent le web. Le temps passé et l’engagement qu'elles génèrent est supérieur au web mobile. Il faut absolument privilégier la communication sur application pour se faire connaître», recommande Thierry Guiot. Par ailleurs, si partout dans le monde subsiste la dichotomie entre IOS et Google Play, en Chine, Apple est omniprésent. Accéder aux applications Android nécessite de passer par des boutiques tierces. 

Les BATX, Gafa chinois

«La Chine possède un écosystème digital quasi exclusivement endogène. En cela, c'est un marché unique. Il est primordial de bien l’étudier avant de se lancer», recommande Guilhem Fouetillou, cofondateur de l’agence d’écoute du web social Linkfluence. Les Gafa chinois repondent au nom de BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Baidu, l’équivalent de Google, fait office de moteur de recherche mais propose aussi tout une gamme de services digitaux. Alibaba, à la manière d’Amazon, préempte le secteur du e-commerce. Xiaomi, numéro un chinois des fabricants de smartphones, est l'Apple local. Enfin, Tencent, le Facebook chinois, est le roi du social média avec ses centaines de filiales mobiles dont le mastodonte We Chat. «Cette plateforme globale est ultra-dominante dans l’univers mobile: système de messagerie, médias, e-commerce… tout se fait via cette application, même l’achat de canettes dans les distributeurs!», souligne Sandrine Plasseraud, directrice générale de l'agence We Are Social.

Le nombre d’utilisateurs de We Chat ne cesse d’augmenter. L’application comptait fin mars 762 millions d'usagers mensuels actifs, soit une progression de presque 40% sur un an. Depuis janvier 2015, l’application est ouverte à la publicité, via un format natif qui s’insère au sein des «Moments» (équivalent du «newsfeed» de Facebook). «Notre plateforme publicitaire est accessible aux marques occidentales qui désirent atteindre les consommateurs chinois», précise Alex Mecl, conseiller stratégique international de We Chat (lire son interview complète ici).

Mais sur We Chat, un annonceur peut vite être noyé au milieu des plus de 10 millions de comptes de marques existants… «Une bonne stratégie m-commerce passe par le choix de bons influenceurs, les key opinion leaders», préconise Alex Mecl.

La campagne «Fakation», pensée par Fred & Farid Shanghai pour l’enseigne de prêt-à-porter Etam, est un bon exemple. «Nous avons repéré une jeune femme, star du réseau social Weibo [équivalent de Twitter], qui se faisait photographier sur des faux sites français en Chine: fausse tour Eiffel, fausse Pyramide du Louvre... À l’été 2015, nous l’avons emmenée à Paris et lancé le hashtag: #nomorefakation. Un contrepied aux marques qui se proclament françaises alors qu’elles ne le sont pas! Cela nous permettait de réaffirmer la vraie identité française d’Etam», raconte Jacques Roizen, PDG d’Etam en Chine.

One-to-one

Enfin, si le canal des messageries instantanées tarde à être exploité par les marques en Occident, en Chine la relation «one-to-one» avec les consommateurs s’est totalement démocratisée. «La France est en retard, affirme Li Liu Lacampagne, fondatrice de l’application Ai Shopping (lire page 24). En matière d’e-commerce, la mise en place de vendeur virtuel (chatbot) pour répondre à toutes les questions des clients en ligne est courante.» Toutefois, les marques occidentales commencent à s'emparer de cet espace en Chine. À l’instar de Nike qui a imaginé une forme de publicité innovante: via la messagerie We Chat, les fans étaient invités à partager une photographie dans laquelle Nike intégrait ensuite une paire de baskets customisée, totalement assortie et achetable en quelques clics.

«Le web chinois est un bouillonnement créatif. Il ne faut pas hésiter à casser les codes de sa marque, à jouer et faire participer les internautes, recommande Laure de Carayon. Ils sont friands de détournement, d’autodérision et adorent se mettre en scène... On observe en Chine une réelle gamification de la publicité.»

 

Pour en savoir plus, lire aussi «Trois questions à Alex Mecl, conseiller stratégique international de We Chat»

China Connect, unique en Europe

China Connect est la seule conférence européenne sur le marketing digital et mobile chinois. Elle réunit, depuis 2011, une fois par an et pendant 48 heures à Paris, les pure players ainsi que les experts des médias, de la communication et des nouvelles technologies chinois. L’occasion de faire venir en France des leaders tels que Baidu, Tencent, Alibaba, mais également des acteurs montants comme Shangpin, Ehang ou Le Eco. Le thème de la sixième édition en avril dernier, «Get Mobile», a rassemblé plus de 450 participants originaires de 20 pays. 

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