Grand Prix Stratégies de la production publicitaire
Pour sa première édition, le Grand Prix Stratégies de la production publicitaire est revenu à «La Campagne écoresponsable» de Biocoop. Une manière d’inciter les marques comme les sociétés de production à prendre un virage écologique.

Récompensé l'an dernier au Grand Prix Stratégies de la publicité avec sa campagne pour Assassin’s Creed Unity (Sid Lee Paris), Ubisoft a bien failli doubler la mise en remportant le Grand Prix Stratégies de la production publicitaire, pour le spot «The Charge» de son jeu Far Cry Primal cette fois (BETC). Le match a été serré, mais c'est finalement «La Campagne écoresponsable» du réseau de magasins Biocoop, présentée en catégorie Cross Media, qui a été primée.

«De manière générale, le niveau des campagnes présentées était bon. Mais ces deux campagnes étaient excellentes au niveau de la production. Il y a avait d’un côté l’exubérance et l’incroyable travail en post-production d’Ubisoft, et de l’autre la perfection et la simplicité de Biocoop», résume François Melon, membre du jury, par ailleurs président de la commission Productions publicitaires de l’Union des annonceurs (UDA) et responsable des productions publicitaires chez Procter & Gamble.

Logistique et techniques respectant l'environnement

C'est donc une campagne écoresponsable qui a été distinguée, n'ayant émis que 5,9 tonnes de CO2, contre 15 tonnes habituellement, selon le calculateur Carbon Clap d’Eco Prod, un collectif lancé en 2009 en France pour une meilleure prise en compte de l'environnement dans les productions audiovisuelles. «Les producteurs ont respecté les valeurs de Biocoop, lors de la fabrication de ce spot, en produisant un film “bio”», glisse Julien Pasquier, membre du jury, producteur chez Standard et président de l’Association des producteurs de films publicitaires (APFP), qui compare cette campagne à «une ode à la production».

Produite en février 2015 et sortie en avril de la même année, «La Campagne écoresponsable» de Biocoop, déclinée en film, affichage et sur le site web, a été réalisée par Fred & Farid et produite par Continental Productions. «Nous avons dû mettre en place une logistique photo et film avec des moyens techniques respectant totalement l’environnement et la charte Eco Prod. Heureusement, nous avons shooté en Bretagne, où la logique bio est un peu plus intégrée aux mentalités qu’ailleurs, ce qui nous a permis de trouver des fournisseurs écologiquement certifiés», souligne Nicolas Billon, producteur chez Continental. A la demande de Fred & Farid, la maison de production a aussi dû trouver «des solutions de prises de vues hors numériques», poursuit-il. Les photographies ont donc été prises avec un sténopé, à savoir un appareil photo artisanal réalisé à partir d’une boîte noire percée d’un trou, dans laquelle est disposée une feuille de papier photographique. Chaque prise n’a été faite qu’une fois, sans retouche numérique. Quant au texte et au logo de la marque qui apparaissent sur les affiches, ils ont été travaillés par un typographiste au pinceau.

Le film du making of, sorte de «case study» diffusé au cinéma et sur internet, a été tourné avec deux caméras Bolex des années 1950 et 1970 qui fonctionnent sans batterie, mais avec un ressort. Et le montage a été réalisé sur un ordinateur fait main, dans un cageot composé de pièces de récupération.

Pour réduire les déplacements sur le tournage, qui se tenait en Bretagne donc, les équipes travaillaient à effectif minimal. Les déplacements pour s’y rendre depuis Paris se faisaient en train ou en voiture hybride. Au final, la production de cette campagne (hors honoraires, droits photographe et réalisateur) a coûté 125 000 euros. «Nous avons choisi d’accompagner Fred & Farid malgré un budget très restreint, car le sujet est vraiment d’actualité et nous a enfin permis de produire en mode écologique», précise Nicolas Billon.

Une première en France

C’est ce qui a également séduit le jury. Pour la première fois en France, la production d’une campagne s’inscrit dans une tendance sociétale actuelle: l'écoresponsabilité. «Il est nécessaire que les sociétés de production s’insèrent dans ce mouvement écologique. D’ailleurs, certaines productions internationales commencent à compenser leurs dépenses en carbone en plantant des arbres en Amérique du Sud», assure François Melon, de P&G et de l'UDA. Ce que confirment plusieurs producteurs français: «Nous sommes bien sûr tous concernés, mais la production de films publicitaires rencontre beaucoup de paramètres, tels que la météo, les décors et évidement le coût de production, qui nous oblige parfois à voyager et donc augmenter l'impact carbone. Nous aimerions plus sensibiliser les annonceurs à la possibilité de tourner en France dans la mesure du possible», selon Julien Pasquier, de Standard et de l'APFP. «Les sociétés de production françaises sont très en retard sur cette question écologique, notamment parce que les clients, les agences, les budgets, les habitudes des équipes et les timings ne nous permettent pas de mettre en place des productions écoresponsables. Travailler en mode écologique coûte environ 30% plus cher», précise Nicolas Billon, de Continental Productions.

Pour inciter les sociétés de production françaises à s’investir dans les questions écologiques, l’AACC (Association des agences-conseils en communication) a mis en place dès 2008 une charte, notamment pour la production des affiches et autres visuels. «Quand nous sommes responsables et décisionnaires des achats d’impression, nous garantissons qu’au moins 80% du tonnage papier de ces productions passent par des imprimeurs écoresponsables et sont imprimées sur des supports écoresponsables», explique Rémy Carteret, directeur de la production print chez Ray Paris (Y&R) et membre de la délégation Production de l’AACC.

Au-delà de cette autorégulation concernant le print, «nous sommes, pour certains, engagés à travers d’autres aspects du sujet: politique d’entreprise et engagements, sensibilisations et formations internes et clients, gestion des achats responsables – provenances, impacts, certifications, RH, traçabilité, tris, etc.», conclut Rémy Carteret.

Récompenser la chaîne de fabrication d'une campagne

 

Organisé avec les délégations Production de l’AACC (Association des agences-conseils en communication) et de l’UDA (Union des annonceurs), le premier Grand Prix Stratégies de la production publicitaire veut mettre en avant «la valeur ajoutée des métiers de la production au service de l’efficacité publicitaire». «Le but est de récompenser la production d’une campagne sans juger l’idée créative. Il faut donc se concentrer sur la chaîne de fabrication de la campagne, c’est-à-dire la façon dont les acteurs sont dirigés, la caméra portée, les décors montés et les effets spéciaux utilisés», précise Frédéric Trésal-Mauroz, membre du jury, vice-président de Prodigious France et président de la délégation Production de l’AACC.

Outil stratégique

Vitrine du métier de producteur, ce prix était attendu par la profession. «C’est la première fois qu’un prix en France récompense le travail des producteurs. Même dans les catégories Craft des grands festivals, les producteurs et les sociétés de production ne sont pas forcément nommés ou mis en avant», indique le producteur Julien Pasquier.

Applaudie par la profession, cette initiative semble également satisfaire les annonceurs puisque «la qualité d’une production publicitaire a un impact sur l’image de la marque. Les annonceurs doivent comprendre que la production est un outil stratégique qui va leur permettre d’augmenter leur désirabilité», reconnait François Melon, membre du jury.

Pour cette première édition, 80 campagnes ont été inscrites par 22 participants dans neuf catégories: films de publicité, vidéos content, radio, mobile, site web, campagnes digitales, presse et affichage, édition et enfin cross-media).

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