Marketing sportif
La communication des marques durant l'événement sportif est très encadrée. De volumineux contrats détaillent les droits des sponsors. L’objectif est d’offrir à chacun un territoire d’expression unique et des contenus différenciants. A l’organisation de veiller à ce que d’autres marques n’en profitent pas… sans payer.

Promotions en magasin, publicités à la télévision, concours sur internet, etc., l’Euro 2016 a déjà débuté pour les sponsors. La compétition de football ne débute que le 10 juin, mais pour les marques partenaires de l’événement, ce ne sera que l’aboutissement d’un très long travail… cadré par l’UEFA (l’Union européenne de football). En marketing, la glorieuse incertitude du sport n’a pas sa place. Les contrats de plusieurs dizaines de pages, rédigés en anglais, consignent tout au millimètre et à la seconde. C’est le prix à payer pour des accords qui alignent les millions d'euros, entre 4 et 6 pour les sponsors nationaux ou de l’équipe de France, jusqu’à 40 pour les plus importants sponsors de l’événement.

«Les négociations prennent souvent beaucoup de temps, confirme Guy-Laurent Epstein, directeur marketing et médias de l’UEFA. Les discussions portent sur les détails, mais l’objectif est d’éviter les déceptions.» Entre l’accord de principe et sa signature définitive, les mois s’écoulent, pendant que les responsables marketing et les juristes s'activent. «C’est très important, car nous souhaitons avoir un contrat le plus précis possible afin de ne jamais être dans le flou, affirme Nicole Derrien, directrice communication clientèle et sponsoring du Crédit agricole. Ce travail en amont facilite ensuite celui du quotidien lors de la mise en place des opérations.» Trois mois ont ainsi été nécessaires pour la rédaction de l’accord entre l’établissement bancaire et l’Euro.

Ce «pinaillage» est d’autant plus inévitable que l’Euro compte seize marques partenaires. Celles-ci doivent aussi composer avec les sponsors officiels des 24 équipes qualifiées pour la compétition. Ainsi, les Bleus en ont douze. CAA Eleven, l’agence marketing de l’UEFA, a délégué un contact par sponsor. «La charte de travail a été gérée par le siège, à Séoul, indique Vincent Bernard, directeur marketing et communication de Hyundai France. Chaque visuel et action doivent être validés, et ce document nous permet d’anticiper les choses, et d’accélérer le processus.»

Ce cadre permet aux marques de bénéficier de territoires d’expression exclusifs: les petits escorteurs des joueurs pour McDonald’s, les ramasseurs de ballons pour Adidas ou l’élection du supporteur du match pour Orange. «Ce type de droits exclusifs était une demande, et nous écoutons beaucoup les marques, confie Guy-Laurent Epstein, de l’UEFA. Nous avons la chance d’avoir une compétition régulière, la Ligue des champions, qui nous permet de faire évoluer régulièrement les offres.»

De la place pour tout le monde…

Les sponsors doivent aussi jongler entre les contrats. Le Crédit agricole et Coca-Cola sont liés à l’Euro et à la Fédération française de football (FFF), avec des niveaux différents. Partenaire majeur de l’équipe de France, le Crédit agricole a accès aux Bleus, un privilège dont ne bénéficie pas Coca-Cola, simple «fournisseur». La banque en a profité pour tourner une websérie avec les joueurs. De son côté, le PMU, également partenaire des Bleus, a organisé une séance de dédicaces à l’hippodrome de Vincennes. Même si, dans ce cadre, l’utilisation des images des joueurs doit être collective, il s’agit d’un avantage que ne peuvent avoir les sponsors de l’Euro.

«Nous faisons attention à ce que les partenaires de l’Euro n’utilisent pas les images de notre équipe, confie François Vasseur, directeur marketing de la FFF. Par ailleurs, nos partenaires n’ont pas tous les mêmes droits en visibilité et en niveau d’exploitation dans les médias.» En revanche, Coca-Cola, top sponsor de l’Euro, peut utiliser les images de la compétition ou recruter les porteurs de drapeaux lors des matchs. Le Crédit agricole se contentera, notamment, d’une opération avec la mascotte Super Victor.

Le cadre est strict et contrôlé, mais il y a de place pour tout le monde. Partenaire national de l’Euro, le site de locations de vacances Abritel, par exemple, se démarque avec son concours: une soirée passée à regarder un match, et la nuit suivante, installé dans une chambre… au premier étage de la tour Eiffel. «Abritel peut profiter de certains droits, mais il faut aussi être créatif, explique Hervé Bodinier, directeur général de Sponsorship 360. Cette opération, acceptée par l’Euro, “appartient” à Abritel.»

… même pour les petits malins

Il reste, enfin, les petits malins, ceux qui passeront au travers des mailles du filet. Ces marques ne paient pas de droits, mais comptent bien profiter de l’événement. Vico s’est ainsi autoproclamé «Partenaire des supporters à domicile». Le tout est emballé grâce à un accord avec l’ancien footballeur champion du monde Christophe Dugarry et un peu de bleu-blanc-rouge sur les paquets. Rien qui ne sorte des clous. Si Vico avait utilisé le terme Euro, c'était le carton rouge. L’«ambush marketing» (le marketing d’embuscade) n’est jamais très loin.

«Ajouter un ballon, tout simplement, peut faire croire que l’on est partenaire de l’événement», reprend Hervé Bodinier. «On peut communiquer sur l’air du temps avec un dispositif un peu décalé, mais ce ne sera que de la promotion très ponctuelle, ajoute Gilles Portelle, directeur général d’Havas Sports & Entertainment. Une marque ne construit pas une image avec ça.» Dans ce match, ce sont les services juridiques de l’UEFA et du comité d’organisation de l’Euro qui seront chargés de jouer les arbitres. Le carton rouge, synonyme d’exclusion, risque d’être souvent utilisé.

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Les partenaires de l'Euro

Euro 2016. Partenaires et droits «uniques et exclusifs». Adidas: ramasseurs de balles - Tourtel Twist (Carlsberg): le joueur du match - Coca-Cola: porteurs de drapeaux - Continental: application fans guide - Hisense: vidéo dans les fans zones - Mc Donald’s: escorteurs de joueurs - Huyndai: concours de pronostics - Kia: ballon du match - Orange: supporteur du match - Socar: statistiques - Turkish Airlines: hôtesses entrée des joueurs et application officielle. Partenaires nationaux: Crédit agricole, FDJ, Abritel, La Poste, Proman et SNCF.

Equipe de France. Partenaires majeurs: Crédit agricole, EDF, Nike, PMU et Volkswagen. Officiels: Accor Hôtels, Carrefour et KFC. Fournisseurs: Archos, Belin, Coca-Cola et Brioches Pasquier.

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