Distribution
À contre courant de la consommation, les outlets, où l'on trouve des produits de grandes marques à bas prix, ont un succès fou et affichent des résultats records.

Ils sont souvent déconsidérés ou pris un peu de haut. Pourtant, en matière de chiffres d'affaires, ils affichent des résultats à faire pâlir d’envie un directeur financier. Les outlets ou centres de marques sortent du bois. Leur principe ? Vendre à -30%, douze mois sur douze, des produits de grandes marques. Mais la loi impose que ce soit des collections de l’année précédente. Or, dans le textile, depuis quelques saisons, et face à la soif de renouveau des consommateurs, le rythme des collections se resserre. «On trouve désormais en mai dans les outlets des produits qui figuraient dans les enseignes en février, et bien moins chers!», décrit Vincent Moreau, directeur marketing d’Advantail, un gestionnaire de six centres de marques en France, le deuxième du marché.

Sur ce secteur, figure en première place Concept & distribution, qui détient notamment les centres Marques Avenue et Quai des marques. Le troisième acteur du marché est McArthurGlen, qui détient deux centres en France (Roubaix et Troyes). Suivent plusieurs indépendants comme La Vallée Village. À noter que la Compagnie de Phalsbourg, gestionnaire de plusieurs centres commerciaux, prévoit d’en ouvrir un gigantesque près de Lyon, en 2017. Baptisé «The Village», il regroupera, sur 25 000 m², 120 magasins dédiés aux marques de luxe ou haut de gamme. Avec, à chaque fois, des prix réduits, davantage encore tirés vers le bas lors des soldes… Un succès qui s'accompagne d'une montée en puissance côté publicitaire.

Héritiers des magasins d'usine

«Dans un contexte où les consommateurs recherchent de plus en plus de bonnes affaires, les outlets réalisent une progression phénoménale», argue Philippe de Taffin, directeur associé de l’agence Matador, qui a réalisé la récente campagne de communication des centres d’Advantail. Quand le trafic a grimpé de 0,7% dans les centres commerciaux depuis le 1er janvier 2016 (selon CNCC/Quantaflow), il a augmenté de 11,4% dans les centres de marques Advantail. Une tendance qui n’est pas près de s’arrêter! 

Les outlets dérivent des magasins d’usines. Une tradition vieille comme la machine à tisser. «Le but était d’écouler les premiers essais des machines, qui nécessitaient des réglages au cordeau!», explique Philippe de Taffin. Les stocks un peu moins bien taillés ou d’une couleur un peu différente que les pièces définitives étaient bradés. Mais aujourd’hui, la donne a changé. «Les marques y vendent des pièces d’une même qualité que celles qu’on trouve en magasin habituel», précise-t-il. Mais moins chères. Pour certaines, ce circuit de distribution est devenu vitale. En France, pour des marques comme Prada ou Gucci, les centres de marques représentent entre 25% et 33% de leur chiffre d’affaires total. Pour une marque comme Ralph Lauren, au niveau européen ce n’est pas moins de 50% du chiffre d’affaires qui se fait dans ces centres.

Marketing statégique

L'explication se trouve évidemment dans le volume des ventes. Le produit est moins cher, mais le client achète plus. Et bien souvent, la cible est familiale. Quand le panier moyen d’un centre commercial est d’une cinquantaine d’euros, ceux des centres de marques avoisinent les cent euros. Plus de volume, donc, et pour un coût moindre pour la marque. Les piles de pantalons sont plus hautes, les penderies plus remplies, pour un même espace commercial, cela fait plus de produits à vendre. Avec une ambiance moins sophistiquée, un CRM minimaliste et une communication réduite au minimum… Tous les coûts sont réduits. «Mais les marques assument complètement», note Vincent Moreau. Et en termes de marge, elles s’y retrouvent très largement.

Et le client aussi qui sait ce qu’il vient y trouver : des prix bas. Un décorum trop soigné serait incohérent. Pour les marques, c’est devenu un moyen d’être davantage présentes sur le marché. «D’un phénomène tactique au départ, c’est devenu stratégique», assure le directeur marketing d'Advantail. Quelle meilleure commercialisation des produits pour une marque de textile que d’être porté par le plus grand nombre? Car les centres de marques attirent beaucoup du monde. Quand la zone de chalandise d’un centre commercial est d’environ vingt minutes, celle d’un centre de marques peut aller jusqu’à une heure et demie. «Les personnes y viennent pour trouver des fondamentaux : jeans, habits de tous les jours pour la famille ou vêtements de sports», précise Philippe de Taffin.

Destination touristique

On y retrouve ainsi des marques comme Nike, Lafuma, O’Neill. Mais aussi des marques plus premium comme Zadig & Voltaire, ou encore carrément de luxe comme Prada et Gucci. Et de plus en plus de grandes enseignes accourent aux portes, comme Les Galeries Lafayette qui y proposent depuis plusieurs semaines leur marque propre, comme en Normandie, au Honfleur Normandy Outlet. «Cela nécessite une certaine adaptation, un certain rodage. Lors de l’ouverture, les stocks partent souvent très vite!», raconte Vincent Moreau. Ce succès attire également d’autres secteurs. Les cosmétiques comme les produits de la division grand public de L’Oréal (toutes les marques que l’on trouve en GMS), ou même l’alimentaire avec Lindt, y trouvent désormais leur place.

Le boom des outlets se traduit également par un marketing plus offensif de la part des centres eux-mêmes, avec des campagnes de publicité plus visibles que par le passé (voir encadré). «Nous cherchons aussi à développer des partenariats avec les voyagistes », annonce Vincent Moreau. Souvent situé près des bretelles d'autoroute pour faciliter les accès, les centres de marques pourraient faire partie des circuits touristiques, au même titre que les grands magasins. 

«The Village» regroupera sur 25.000 m², 120 magasins dédiés aux marques de luxe et haut de gamme

Des campagnes «pédagogiques»

Pour mieux se faire connaître, les centres de marques sont de plus en plus nombreux à lancer de grandes campagnes de publicité. «Il faut être très pédagogique, conseille Philippe de Tassin, directeur associé de Matador, qui a réalisé les campagnes d’Advantail. Expliquer que ce sont des réductions sur des produits de grandes marques, toute l’année.» L’agence a ainsi opté pour un traité illustratif, sans grande photo de mode. Mettre en valeur la qualité, sans que celle-ci ne devienne exclusive dans le message. 

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