Dossier Relation client
Sur les réseaux sociaux, les clients attendent plus de réactivité et de transparence de la part des marques. Cette nouvelle relation offre des opportunités de vente et de communication.

C’était en 2013, autant dire la haute antiquité, compte tenu de la vitesse à laquelle évolue internet. L’acheteuse d’un ordinateur à la Fnac qu’elle découvre abîmé au déballage peine à en obtenir l’échange auprès d’un vendeur qui la reçoit fraîchement. Mécontente, elle publie sur la page Facebook du distributeur son histoire, qui récolte quelque 12 000 «likes» en un temps record. Embarrassé par l’ampleur que prend l’incident, l'«agitateur culturel» lui adresse un message d’excuse et lui fait livrer un nouvel ordinateur, assorti d’un chèque-cadeau. Morale de l’histoire? «Sur les médias sociaux, une mauvaise expérience peut vite se transformer en mauvais buzz pour la marque. Le client est devenu plus exigeant parce que les médias sociaux lui donnent les moyens de le devenir», résume Laure Frémicourt, directrice du planning stratégique de l'agence digitale Disko.

De fait, l’influence et l’audience des médias sociaux ne cessent de croître, comme l’atteste un sondage réalisé en 2016 par l’institut Harris Interactive: 71% des internautes de 15 ans et plus y sont actifs, et ils ne se limitent pas à Facebook. Snapchat, qui permet le partage éphémère de photos cartonne sur la cible jeune; Pinterest, pour les recettes et tutoriels, attire un public féminin. La prolifération des plateformes oblige déjà les marques à faire des choix. Mieux vaut bétonner sa présence sur un réseau social qui colle à sa cible que de se disperser. «Une marque de mode trouvera intérêt à aller sur Snapchat, pas forcément un constructeur automobile, dont les clients ont plus de 50 ans», pointe Jérémie Mani, président de l’agence Netino, spécialisée dans la relation client digitale.

Attirance réciproque

Quelles que soient leurs caractéristiques, les médias sociaux offrent déjà de belles opportunités pour mieux gérer la relation client: 53% des sondés déclarent suivre les marques via ces plateformes, les bons plans et l’actualité constituant les principales attentes (49% et 43% de souhaits), 62% les utilisent pour se renseigner en amont, 49% pour réaliser un achat et 42% pour contacter le service client.

Certes, le téléphone et l'e-mail devancent encore les médias sociaux dans les usages, mais ces chiffres sont suffisamment élevés pour que les entreprises investissent massivement dans le social CRM, qui permet aux consommateurs d’échanger entre eux et avec la marque. Ainsi, Air France a investi treize plateformes, certaines mondiales (Facebook, Twitter, Instagram…) et d’autres locales (Sina Weibo en Chine, Kakao Talk en Corée du Sud…). La compagnie mobilise pour ce faire une «équipe de 60 personnes répartie dans cinq centres de contacts dans le monde, qui dialoguent en neuf langues 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7», précise-t-on au service presse d'Air France. Et même avec une présence plus modeste, les médias sociaux se révèlent utiles «pour écouter les clients, se nourrir des conversations, améliorer et enrichir l’offre de services», explique Thomas Valeau, directeur de la relation client chez JC Decaux pour l’activité vélo en libre-service, qui s’affiche sur Twitter et Facebook.

Résolus à monétiser leur audience, les médias sociaux ne ménagent pas non plus leurs efforts pour attirer les entreprises. Dès 2015, Instagram a lancé Self-Serve une plateforme d’édition publicitaire qui permet aux particuliers de contacter directement l'entreprise grâce à un bouton donnant accès à son numéro d'appel, courrier électronique et site web. De son côté, Twitter a inauguré un bouton d’envoi de message privé que les entreprises peuvent intégrer à leur site pour dialoguer plus facilement avec leurs clients.

Mais c’est sans conteste Mark Zuckenberg qui mène la danse dans ce domaine avec Facebook (1,7 milliard d’utilisateurs actifs par mois) et la messagerie instantanée Messenger (700 millions d’utilisateurs actifs mensuels), tous deux solidement implantés sur mobile (près de 90% des utilisateurs sont des mobinautes). Jouant la synergie, Facebook propose aux commerçants d’intégrer gratuitement un plug-in Messenger à leur page Facebook et à leur site pour nouer plus facilement le dialogue. Tout récemment, le réseau social a annoncé qu’il allait permettre le paiement direct sur l'application Messenger via les chatbots, réduisant encore le nombre de clics menant à l’achat.

Des communautés d'entraide aux allures d'experts

Pour l’agence digitale The Social Client, qui a publié un livre blanc sur la relation client avec Messenger, cette nouvelle fonctionnalité constitue une révolution, car les marques présentes sur Facebook peuvent désormais répondre directement au client par message privé. «Outre le gain de temps, cette nouveauté permet de montrer leur réactivité et d’engager un échange beaucoup plus efficace», pointe Vanessa Boudin-Lestienne, cofondatrice et directrice générale adjointe de The Social Client. Messenger va ainsi générer des échanges qui enrichiront les bases de données client des entreprises utilisatrices et amélioreront d’autant la pertinence des futures actions marketing.

Les entreprises peuvent aussi créer leur propre média social, qui prend alors la forme d’une communauté d’entraide entre consommateurs, à l’instar de L’Oréal, Darty, Kiabi ou Amazon, permettant à leurs clients de poser des questions en ligne sur l'usage et les caractéristiques de chaque produit, avant la vente comme après. Sur le site de vente en ligne de L’Oréal, par exemple, la présentation détaillée de chaque produit s’accompagne d’une fenêtre baptisée «entraide visiteur», où l’on peut solliciter les autres internautes et/ou l’équipe L’Oréal Paris.

Sachant que les vendeurs ne peuvent connaître parfaitement toutes les références et que les utilisateurs au quotidien d’un modèle particulier de machine à laver ou de rouge à lèvres sont les mieux placés pour en parler, ces communautés d’entraide se révèlent précieuses pour bonifier la relation client. Répondant gratuitement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aux questions posées, certains consommateurs se positionnent alors comme des experts. Ce faisant, non seulement ils allègent les coûts de commercialisation ou de service après-vente, mais ils contribuent à doper les ventes. «Darty, qui a mené sur son site un test avec ou sans bouton d’accès à sa communauté, a constaté que ces conversations généraient jusqu'à 30% de ventes supplémentaires», affirme Marion Nougier, directrice marketing du prestataire Wibilong, qui gère quarante-cinq communautés de marques, des milliers de communautés produits, le tout rassemblant plus de dix millions de consommateurs.

Parcours sans coutures

Ces communautés d’entraide présentent enfin l’avantage de mesurer leur retour sur investissement puisque les fonctions sociales et achat sont imbriquées. C’est aussi le cas de We Chat en Chine: cette application de communication tout-en-un (SMS, MMS, messagerie instantanée, appels vocaux et vidéo, partage de moments, photos, jeux…) qui revendique 600 millions d’utilisateurs incorpore une fonction achat et paiement en ligne. D’autres devraient suivre, estime Davy Tessier, fondateur et CEO de l'agence digitale Disko, qui s’attend à ce que les médias sociaux «intègrent davantage de fonctionnalités achat pour simplifier et fluidifier le parcours des utilisateurs». Ainsi irait-on vers le «parcours sans coutures» de l’internaute guidé vers l’acte d’achat en un minimum de clics et d’efforts. Mais de là à ce que Facebook devienne un concurrent direct d’Amazon, il y a un pas que Davy Tessier se refuse de franchir. «L’ADN de Facebook, c’est l’interaction entre les gens, pas la transaction. A trop verser dans le mercantilisme, le réseau perdrait sa capacité de rétention d’une audience de 1,7 milliard d’utilisateurs.»

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