Grand Prix Stratégies du marketing client
La société de gestion des aéroports franciliens a mis en place, épaulée par l'agence W, une opération digitale pour favoriser le shopping à Roissy. Le but: garder contact avec les touristes chinois durant tout leur voyage.

C’est un enjeu de l’année. Depuis cinq ans, Paris Aéroport tente de faire du Nouvel An chinois un événement. «C’est une période de fête et de retrouvailles en famille, où beaucoup en profite pour voyager et s’offrir des cadeaux», détaille Olivier Battut, chef de pôle communication commerciale de la société de gestion des aéroports franciliens. Avec une forte affluence chinoise en France dans la période (200 000 personnes). Globalement, les Chinois sont la première cible française en matière de tourisme, loin devant les Russes, les Japonais et les Coréens. Avec un rapport de presque un à dix entre les premiers et les autres pour les dépenses sur le territoire. «On compte en moyenne 1 500 euros de dépenses en shopping par touriste chinois en France durant un voyage», précise Olivier Battut.

Car ce qu’ils aiment, c’est le luxe, surtout acheté dans l’Hexagone où la contrefaçon est moins présente. De surcroît, «ils font preuve d’une forte “élasticité” à la promotion», ajoute le chef de pôle. Détaxe oblige, si Paris reste la capitale des produits de luxe, un rabais, quel qu’il soit, reste pour les Chinois une opportunité attirante. Le duty free a donc tout pour plaire à cette cible: des boutiques de luxe regroupées dans un même site, des prix plus bas ainsi que des exclusivités, comme la boutique Chanel Mode. Un privilège que le touriste chinois adore. S’il attache tant d’intérêt au luxe, c’est pour mieux se différencier une fois rentré au pays, donc ne pas avoir ce que tout le monde peut avoir.

S’affranchir de la position en bout de course

Seul hic de l’aéroport: le touriste n’y reste pas longtemps. À l’arrivée à Roissy-Charles de Gaulle, ses priorités ne vont pas au shopping, il s’empresse plutôt d’aller à Paris pour visiter. Et ne revient à l’aéroport que pour son retour. «En termes de parcours client dans un voyage, nous arrivons en bout de course», constate Olivier Battut. La pire des positions commerciales, avec le risque de voir déambuler dans ses allés des clients déjà chargés de sacs et n’ayant plus un sou à dépenser. Comment se battre, alors, pour développer le commerce de l’aéroport et rivaliser avec les boutiques emblématiques de la capitale française ? C’est ici que l’agence W entre en jeu.«Le but était de garder contact avec la cible tout au long de son voyage», indique Grégoire Weil, directeur général adjoint de l’agence. Lui remémorer l’existence de l’aéroport et, surtout, qu’il pourra y trouver des boutiques, promotions et exclusivités sur toutes les marques qui sont une des raisons principales de son voyage. Pour cela, l’agence du groupe Havas s’est appuyée sur sa filiale implantée en Chine, afin de bien comprendre comment fonctionnait la cible. «Le planning stratégique installé en Chine a été très important pour nous, et l’est toujours pour Paris Aéroport», souligne Gabriel Lippis, directeur de la création digital de l’agence. Car si le touriste chinois aime toujours autant venir en France, s’il est bien connu qu’il est accro au digital, il a cependant bien évolué. La classe montante chinoise ne vient plus forcément en France pour le voyage d’une vie. C’est parfois son deuxième, voire troisième passage sur le sol français. Et même, lorsque c’est le premier, «elle prend plus d’indépendance», assure Olivier Battut. Les tour-opérateurs ne sont pas boudés - d’autres touristes les privilégient - mais de plus en plus de Chinois viennent désormais de façon autonome, sans guide ni encadrement. Ils se retrouvent donc livrés à eux-même dans un pays à la langue exigeante et aux transports… capricieux. C’est ainsi que Paris Aéroport s’est mis à niveau, proposant des signalétiques en chinois et des guides et plans parisiens traduits. Bref, ce dont un touriste a besoin pour son voyage. Mais comment le rappeler au bon souvenir des boutiques de duty free? C’est là que l’agence W a fait preuve d’une ingéniosité récompensée par le jury du Grand Prix Stratégies du marketing client.

Partage de photos pour gagner des promos dans les boutiques

S’appuyant sur le caractère passionné des Chinois pour le digital, et leur tendance au partage de leur vie sur les réseaux sociaux, W a conçu une application leur recommandant des endroits culturels à visiter. Elle offrait également des conseils et un bot informatif. «L’appli était géolocalisé et intégrait We Chat. Elle leur permettait de partager des photos d’eux sur le réseau social en utilisant l’appareil photo du smartphone», détaille Gabriel Lippis. Mais le but restait tout de même, pour Paris Aéroport, de valoriser les commerces duty free. «Plus les touristes chinois partageaient de photos, plus ils pouvaient débloquer des promotions ou exclusivités valables dans les boutiques lors de leur passage pour leur retour», ajoute Grégoire Weill. Une visite d’un musée? Un sac Vuitton en promo! De quoi mettre en avant à la fois la culture parisienne et valoriser ses boutiques. Et, de surcroît, garder contact avec la cible chinoise durant l’intégralité de son séjour. «Sans 3G ni 4G, l’appli gardait en mémoire les photos et permettait de partager plus tard, à leur prochain contact avec une borne wifi», précise Gabriel Lippis.Paris Aéroport s’est ainsi intégré dans la poche des touristes chinois durant leur voyage parisien et à les rappeler au bon souvenir des boutiques duty free, d’une manière assez naturelle au final. L’appli a atteint quelque 85 000 téléchargements, pour 500 000 connexions, et un total de bons ou cadeaux débloqués de 350 000. Un succès qui, par ailleurs, s’autoalimente.

L’appli fabrique son rayonnement

Car côté médias, il est très difficile pour un aéroport d’acheter un espace publicitaire dans un autre aéroport. Impossible, donc, de communiquer au départ de l’avionen Chine, tout doit se faire à l’arrivée des touristes sur le sol français. Mais le digital est sans frontières. Et l’appli en elle-même fabrique son propre rayonnement via la fonction partage. «Elle se fait connaître des Chinois en Chine, qui prévoient peut-être un voyage prochain. Plus il y a de partage, plus on touche de personne là-bas», note Grégoire Weil. Autour de l’événement, l’agence W a conçu toute une charte graphique propre au Nouvel An chinois, qui fêtait en 2016 l’année du singe. Bien compliqué de donner un ton de luxe avec un hominidé! En 2017, les équipes devront plancher sur le coq de feu… Si le challenge digital est en passe d’être brillamment réussi, le défi graphique, lui, doit se réinventer chaque année.

« Notre programme de fidélité permet de récolter des données»

Olivier Battut, chef de pôle communication commerciale pour Paris Aéroport

 

Pourquoi les aéroports se concentrent-ils sur le shopping?

O.B. Paris Aéroport gère de vraies villes: quelque 85 000 personnes travaillent à Roissy et 28 000 à Orly. Une partie de notre activité consiste à gérer des flux, et de plus en plus, le shopping devient un domaine important. Notamment avec des touristes internationaux, tels les Chinois et les Russes. Selon une estimation, chaque minute, les Chinois dépensent au total 16 000 euros en shopping sur le territoire français. C'est notre capacité à être perçus comme un hub mondial qui rentre en compte pour attirer les compagnies aériennes et les passagers.

 

Où en êtes-vous côté data?

O.B. Nous avançons petit à petit. Un aéroport est une zone ultra-sécurisée, où vous avez votre carte d’identité sur vous tout le temps, mais nous ne capturons pas naturellement de la data. En revanche, les compagnies aériennes en collectent en très grande quantité sur leurs clients. Pour en savoir plus et répondre aux attentes de nos clients, nous avons développé notre programme de fidélité My Paris Aéroport. Ici, l’univers in-app nous permet de récolter des données, que nous n'allons pas tarder à exploiter... 

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