Souvent décrié, l’e-mail est en passe de redevenir, sous l’influence des datas, un média stratégique pour les annonceurs.

Avec un taux de clic moyen qui est passé de 5,2% en 2012 à 3,1% en 2015, selon une étude IBM Email marketing metrics benchmark studies 2012 à 2015, l’e-mail est régulièrement perçu comme un outil marketing has been, dépassé par le succcès des réseaux sociaux qui le renvoient à ses défauts (rébarbatif, trop technique, créativement limité) et condamné par son aspect intrusif dû au spamming. Pourtant, en observant le comportement des internautes et en sondant les marketeurs, un constat s’impose: l’e-mail marketing connaît un retour en grâce inattendu sous le double effet du big data et du programmatique.
«Outre le spamming, ce qui plombe l’e-mail aujourd’hui, c’est qu’il est mal traité», juge Frédéric Goubet, cofondateur avec Eric Azara de l’agence Jack Russell. Une création qui remonte au printemps dernier, avec la ferme intention de replacer l’e-mail au coeur de la stratégie de communication des annonceurs, en insistant sur sa dimension créative. «La plupart oublient que c’est un média à part entière, dont les performances méritent un peu plus de considération, au lieu d’être systématiquement relégué en bout de chaîne», insiste-t-il. Difficile de lui donner tort, alors que pas moins de 215 millions d’e-mails commerciaux sont adressés chaque minute dans le monde, très loin devant les 3,3 millions de posts sur Facebook, les 3,1 millions de requêtes Google et les 420 000 tweets enregistrés dans le même laps de temps.

L'e-mail, un média incontournable

Pour étudier les habitudes de consultation et les attentes du grand public, Jack Russell a créé avec Médiamétrie un baromètre dont les premiers résultats tordent le coup aux préjugés et rejoignent ceux de l'étude «E-mail marketing attitude B to C» du Syndicat national de la communication directe (SNCD). 54% des sondés affirment ouvrir au moins la moitié des e-mails qu’ils reçoivent, et seuls 18% déclarent ne pas apprécier les e-mails commerciaux. Plus intéressant encore, 97% des internautes interrogés réceptionnent des e-mails non sollicités et 30% d’entre eux les ouvrent, malgré tout, s’ils apprécient la marque.
Pour peu que les annonceurs cessent de privilégier le volume à la qualité et proposent un contenu adapté au profil du destinataire, l’e-mail renforcerait rapidement sa position de média incontournable dans la stratégie d’acquisition et/ou de fidélisation. «Grâce au travail effectué sur les bases de données de nos clients, on se dirige de plus en plus vers une approche CRM de l’e-mailing et non plus généraliste», affirme Déborah Martin, directrice du pôle performance d'Iprospect (groupe Dentsu Aegis Network).
En somme, une logique de sur-mesure que plusieurs éditeurs ou annonceurs ont d’ores et déjà intégrée. Depuis trois ans, CCM Benchmark-Groupe Figaro développe par exemple une technologie baptisée «R-Target» ayant pour but de faire le lien entre la data navigationnelle et la data CRM, afin d'envoyer un message personnalisé en temps réel via un e-mail ou une newsletter. «Depuis sa mise en place, nous enregistrons des performances assez exceptionnelles, rapporte Pierre Coquard, directeur associé du pôle data & marketing. Si bien que l’e-mailing est la seule de nos business units qui enregistre une progression à trois chiffres.» Depuis six mois, CCM Benchmark a même passé la vitesse supérieure, en développant une nouvelle offre d’e-mail programmatique, encore en phase de test. «Il s’agit de proposer à des annonceurs, via leur DSP, d’acheter en temps réel et quel que soit le support, des emplacements de publicité native directement dans nos newsletters, qui disposent de 20 millions d’abonnés, explique Pierre Coquard. Pour cela, un identifiant unique crypté et lié à l’adresse e-mail du destinataire est envoyé à un SSP qui traduit celui-ci en cookie unique reconnu par des trading desk, des technologies de retargeting ou plus largement des DSP.»
Dernièrement, c’est 3W Régie qui a annoncé la mise en place d’une offre d’e-mail targeting en partenariat avec Cloud Media, pour cibler les visiteurs du site Cdiscount en interrogeant une base de 35 millions d’opt-in. La finalité? Leur envoyer un e-mail personnalisé, en temps réel, avec une offre publicitaire en affinité avec l'un des onze univers consultés (électroménager, cuisine, maison, jardin, bricolage, etc.).

Augmenter le taux d'ouverture

Côté annonceur, une marque comme la Fnac a elle aussi entamé sa mue. Depuis l'an dernier, elle a adopté une nouvelle solution algorithmique de ciblage prédictif, développée par la société Tinyclues. Une solution qui lui a permis d’enregistrer une hausse de 30% de son chiffre d’affaires. Mais pour un groupe qui adresse plus d’un milliard d’e-mails par an (un client Fnac reçoit en moyenne quatre messages par semaine, pour un taux d’ouverture de 17%), le défi reste de développer le contenu qui lui assurera un taux de transformation optimal.
Sur ce point, le baromètre Jack Russell-Médiamétrie est formel: pour déclencher son ouverture, l’e-mail doit contenir avant tout des promotions, de la nouveauté (ne pas répéter la même offre) et de l’innovation (des produits nouveaux). À ce titre, les deux partenaires ont développé un modèle prédictif, fondé sur un algorithme d’optimisation de la forme et du contenu des e-mails, pour des problématiques de lancement de produit, de promotions et de newsletter informative.
«En matière de création, nous utilisons systématiquement des A/B tests pour résoudre les questions liées aux formats des e-mails, à l’organisation de l’information, et à la nature des sujets qui y sont abordés», précise Ghadi Hobeika, directeur marketing digital & client de la Fnac. L’enseigne utilise notamment la solution Dartagnan, développée par la société Bmobile, qui permet aux annonceurs de générer un e-mail et ses contenus associés en format responsive. La tendance est, depuis cette année, au mix entre contenu informatif et offre produit, notamment sur les nouvelles catégories que sont maison-électroménager et bricolage-jardinage. «Nous avons ainsi constaté un bien meilleur engagement de la part de nos clients, se félicite Ghadi Hobeika. Avec une campagne ayant un taux d’ouverture moyen de 20% et de réactivité de 15%, nous gagnons cinq points à chaque fois.»


Sous papier
 
L’email, premier support publicitaire drive to web
 
Selon le rapport Email Marketing Attitude BtoC 2016 (EMA) publié par le Syndicat National de la communication direct (SNCD) qui étudie l’attitude des internautes en France, l’e-mail est le premier support publicitaire online et offline confondus incitant les internautes à visiter un site web ou à se rendre en magasin (cf. ci-contre). On observe par ailleurs une tendance générale de diminution du nombre d’e-mails reçus sur la boîte des répondants, 42% d’entre-eux estimant recevoir moins de 10 emails par jour, contre 23% en 2015.
L’ordinateur demeure le support préféré des internautes pour les lire l (48%) ,devant le smartphone (27%) et la tablette (22%). La pression commerciale idéale tous types de messages confondus est d’un email par semaine (29%) suivie de près par une fréquence de 1 à 2 emails par mois (24%). À noter que 26% des internautes sont prêts à recevoir des newsletters d’information tous les jours.
La confiance en la marque est l’élément le plus décisif à l’ouverture d’un email (82% des répondants). Suivent les offres spéciales (62%) et promotions (58%). La pertinence de l’offre proposée reste le facteur le plus déterminant au clic dans un email (82%). Enfin 60% des possesseurs de smartphone se déclarent attentifs à l’email (+19 points vs 2015).
 
TL

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