Point de vente
L'enseigne d'épicerie fine Fauchon cultive son image de marque huppée, en revisitant sa boutique emblématique et en renforçant son implantation historique dans le quartier de la Madeleine.

À 130 ans, Fauchon voit toujours la vie en rose. L’épicerie fine est restée attachée, à travers les âges, à ce luxe français décomplexé. Pour affirmer son identité et donner le la à ses bientôt 100 points de vente, la maison a investi 6 millions d’euros pour revister son «flagship» de la Madeleine à Paris. Une architecture commerciale réalisée en interne et dont la décoration intérieure a été confiée à Bruno Leroy. Mission: clarifier une offre «complexe, fruit d’un mélange des genres», résume Jules Trecco, directeur marketing et digital.

Fauchon, c’est cinq univers: la pâtisserie, la cave, le thé, l’épicerie salée et la sucrée. La nouvelle enseigne les réunit, et les consacre à part égale, là où l’enseigne les divisait jusqu’alors en deux lieux. Dès l’entrée, un escalier roulant emmène d'office le client –par la main– au premier étage vers le salé et la cave. Le parcours se poursuit au rez-de-chaussée, avec thé, pâtisserie fine et épicerie sucrée. Au bout du chemin, le client trouve les packs cadeaux (75% des achats sont offerts) et la caisse. Les habitués souhaitant éviter ce petit circuit imposé pourront s'y soustraire via une porte «dérobée». Jean-Pierre Lefebvre, architecte de marque chez AKDV, estime pour sa part qu’un «parcours client imposé est pertinent tant qu’il propose des points d’intérêt forts qui attirent le regard». L'intention manifeste de Fauchon.

Face à la critique faite au retail du «manque d’expérience», l'enseigne mise sur les animations, «avec des toques en magasin» et quatre rendez-vous quotidiens. L’idée est de sortir les mets de leur emballage cadeau, les proposer à la dégustation et valoriser les chefs Fauchon (500 dans le monde, dont 60 en France). À l’instar de l’artisan-chocolatier Pascal Caffet, élu meilleur ouvrier de France. «Ce n’est pas juste du marketing, dit Jules Trecco. Un tel dispositif demande une réorganisation totale du lieu, car on ne déballe pas du saumon sur un coin de table…» La boutique dispose d'ailleurs de ses propres cuisines.

Bling-bling apaisé

«Ces enseignes qui ont une histoire forte se reposent souvent sur leur statut, or, cela ne suffit plus, le client s’intéresse à ce qu’il y a derrière», commente Jean-Pierre Lefebvre d’AKDV. Pour souligner son savoir-faire, Fauchon a donc aussi installé des écrans qui montrent les chefs à l’œuvre. Mais le spécialiste du design de luxe nuance l’intérêt de ces TV, «banales, à moins de rendre un service client». Et peut-être superflus à l'image d'un Fauchon ancienne mouture. «Nous avons écouté nos clients et apaisé les codes bling-bling et glossy établis en 2006, se défend Samy Vischel, directeur du développement, avec des couleurs plus chaudes et nobles, comme l’or, le cuir, le bois et du mat.»

Même mouvement en matière de communication. Pour la première fois, l’affiche annuelle de la marque arbore un homme, vêtu de noir, certes, entouré par deux femmes. En sus des traditionnelles lèvres roses pulpeuses en gros plan, un macaron rose. «Nous avons voulu représenter Auguste Fauchon [le fondateur] tel qu’il serait aujourd'hui, un dandy gourmand», affirme Jules Trecco. Tout a été conçu en interne, sous la houlette du directeur artistique maison Jean-Pierre Busson. L’effort de sobriété s’étend aussi au packaging (boîtes de thé, paquets cadeaux), qui adopte des semis noir et blanc. «Nous puisons notre inspiration chez les grandes marques de luxe comme Hermès et Vuitton, résume Samy Vischel, et pas forcément dans la gastronomie.»

En live sur Periscope

En matière de relation client, Fauchon a également revu sa copie. En offrant le wi-fi contre une adresse e-mail, l’enseigne s'est aperçue que sa troisième clientèle étrangère était brésilienne. La première est anglo-saxonne et la seconde sino-japonaise. De quoi nourrir l’offre et le développement en conséquence. Pour renouveler sa clientèle, la marque s’est attaquée aux réseaux sociaux, où elle engage 180 000 fans sur Facebook, 160 000 sur Instagram et a même fédéré 2 500 personnes à 1 heure du matin sur Periscope, autour d’un live montrant l’élaboration de la bûche de Noël. «Les gens veulent voir les coulisses», assure Jules Trecco. 

Pendant un an, l’enseigne a croisé ses données clients avec Venteprivée.com. Géolocalisés, les chalands passant devant Fauchon se faisaient inviter via un push. Une expérience qui «n’a pas eu les effets espérés», confie le responsable marketing, qui revient à une méthode «plus pragmatique»: le SMS. Une autre trouvaille de la marque pour dépoussiérer son image est la livraison en 24 heures à Paris via Amazon Prime Now. Pour attirer du monde dans sa nouvelle boutique, Fauchon mise aussi sur un peu de publicité, avec 110 écrans dans le métro, 230 emplacements «2x1» en couloir, et des «4x3» à Madeleine, Opéra et Concorde. Mais l’investissement média reste «parcimonieux» chez Fauchon: 10% du budget total de communication, stable sur un an.

En fait, le principal levier d’acquisition client reste son emplacement, place de la Madeleine, avec jusqu'à 3 000 transactions par jour depuis sa réouverture le 24 novembre, soit 10% de plus que l'an dernier sur la même période. Avec sa nouvelle boutique, Fauchon veut offrir une nouvelle dimension à son berceau historique. En 2018, l’enseigne aura ceinturé l’église de la Madeleine. En plus de la boutique au numéro 30, un hôtel cinq étoiles (à 20 millions d’euros) sera ouvert au numéro 11, ainsi qu’un nouveau concept de restauration rapide de luxe, au 26. L’adresse où tout a commencé, en 1886.

Chiffres clés

180 millions d’euros. Chiffre d’affaires en 2015 (dont 80% à l’international).

15%. Part des ventes en France faite en ligne.

60% des clients sont des femmes de 30 à 50 ans.

100 magasins d'ici à fin 2017.

15 points de ventes et corners en «travel retail».

10% Part du budget communication investi dans les médias, soit 345 000 euros (Kantar Media).

1 500 Nombre d'employés, dont 500 chefs.

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