Start-up

Le héraut de l’économie collaborative encourt de lourdes sanctions... Le parquet a requis vendredi 300 000 euros d'amende contre Heetch et une interdiction de diriger toute entreprise pendant deux ans contre les deux fondateurs de l'application de transports entre particuliers destinée aux jeunes noctambules.

Le jugement sera rendu le 2 mars 2017 à 13h30. «L'économie du partage a de beaux jours devant elles, ce genre de dirigeants ne doivent pas la porter», a affirmé la magistrate à l'adresse de Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, contre qui elle a aussi requis 10 000 euros d'amende chacun.

Mathieu Jacob a assuré à la barre qu'il avait toujours été «convaincu de la légalité» des activités de sa société, et expliqué qu'il n'avait jamais voulu «dénigrer les taxis», dont près de 1 500 se sont portés partie civile. Mais pour la procureure, la «start-up créatrice de mobilité nocturne» et ses dirigeants sont coupables de complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, de pratique commerciale trompeuse et d'organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non-professionnels.

 

«Ne pas tuer la liberté d'entreprendre»

 

La procureure, qui dans son réquisitoire a lourdement insisté sur l'intense campagne de communication déployée par Heetch avant son procès, réclame aussi la publication d'extraits du jugement dans la presse. Pendant les deux jours d'audience, Teddy Pellerin a tenté de démontrer la bonne foi de la société, qui agit «en plein tâtonnement» en matière de législation sur l'économie collaborative.

«Le fait qu'une législation vous déplaise ne constitue pas un vide juridique», a répondu la magistrate. Pour elle, Heetch n'entre pas dans la définition légale du covoiturage, et ne peut se dispenser des contraintes réglementaires sur le transport rémunéré de particuliers. La défense a pour sa part plaidé la relaxe, demandant au tribunal de ne pas «tuer la liberté d'entreprendre»

La procureure a reproché aux deux jeunes dirigeants, tout juste trentenaires, leur «décontraction» face par exemple aux nombreuses garde à vue subies par des chauffeurs de Heetch, ou par rapport aux amendes payées par certains d'entre eux. Elle a aussi estimé que Teddy Pellerin, pour plaider sa cause, avait surtout «apporté des éléments de langage» déjà répété «dix fois» aux médias.

Les deux fondateurs ont tenté de corriger l'impression à la fin de l'audience. «Nous n'avons jamais pris à la légère les décisions de justice», a déclaré Mathieu Jacob, disant sa conviction de contribuer à la «mixité sociale» parce que Heetch organise beaucoup de transports entre la banlieue et le centre de Paris.

 

Ne pas faire un «copié-collé» du procès Uber Pop

 

Heetch, application nocturne tournant de 20h à 6h du matin, souligne que les revenus de ses conducteurs sont plafonnés à 6 000 euros par an, somme permettant seulement le «partage des frais» du véhicule.

Uber Pop, adossé au géant international des VTC Uber, a été lourdement condamné l'été dernier pour des chefs de prévention identiques. Un avocat de Heetch a demandé au tribunal de ne pas faire un «copié-collé» de cette décision.

Les avocats des taxis, VTC et organisations professionnelles parties civiles ont eux étrillé Heetch, une «machine à fric» soutenue par de puissants investisseurs et déployant une «communication cynique». «Il ne faut pas que ce qui vous est présenté comme l'économie du partage devienne l'économie du pillage ou du ravage», a dit l'un d'eux.

Fondée en 2013, Heetch annonce 30 000 conducteurs occasionnels. La société est passée de 8 à 51 emplois depuis sa création. Elle a réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de quelque 2 millions d'euros mais reste légèrement déficitaire.

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