Restauration rapide
En s’installant sur les Champs-Élysées, l’américain Five Guys a érigé un temple du burger premium. A la mesure d'un véritable phénomène de consommation en France.

Un grand flagship débordant de clients sur le trottoir, telle est l'image que l'on retiendra de l'inauguration du nouveau restaurant de Five Guys, le 8 décembre 2016, sur les Champs-Élysées. Après celui de Bercy en août, c’est le deuxième que l’Américain ouvre en France. Installé sur cinq étages et 1 200 m², c’est aussi son plus gros point de vente dans le monde, alors que la marque compte tout de même 1 400 restaurants, principalement en Amérique du Nord.

Fondé il y a trente ans par cinq frères, Five Guys s’internationalise seulement depuis 2013. Après un essai à Londres, l’enseigne américaine a ouvert soixante fast-foods au Royaume-Uni, s’intéresse au Moyen-Orient, à l’Australie, au Japon… De huit pays aujourd’hui, elle en vise vingt-huit dans cinq ans. Et la France est un marché clé.

Maxime Lestringant, qui dirige les opérations de Five Guys dans le pays, en veut pour preuve les 1 000 à 2 000 clients venus le jour de l’ouverture. Ils paieront 15 euros en moyenne pour un burger fait devant leurs yeux, avec des produits frais et de la viande persillée, marque de fabrique de l'enseigne. « C’est le plus gros succès de notre histoire, et le plus gros chiffre d’affaires pour une journée d'ouverture, bien au-delà des États-Unis », assure le dirigeant. Or, Five Guys n’a même pas communiqué sur son arrivée, profitant juste du buzz sur internet. Mais rien n’était écrit d’avance. 

Folie burger

Une dizaine d’années plus tôt, Bernard Boutboul, spécialiste français du burger et directeur de Gira Conseil (auteur d’une étude sur le secteur en 2016) se rend aux États-Unis. Il y rencontre les patrons de Steak ’n Shake, Shake Shack et Five Guys, justement. Ces trois-là sont réputés pour faire les meilleurs burgers américains. Une question brûle les lèvres du consultant français : quand comptent-ils s’implanter dans l'Hexagone ? Leur réponse, lapidaire: « Jamais, car vous ne savez pas ce qu’est un burger. »

Depuis, du ketchup a coulé sous les ponts. Steak ’n Shake est aujourd’hui installé dans une dizaine de villes françaises, et Shake Shack, le plus attendu des trois, devrait suivre cette année… Pour cerner leur engouement, il faut comprendre que le volume de burgers consommés en France a été multiplié par quatorze en treize ans (contre trois pour le sandwich), avec 1,1 milliard d’unités avalées en 2015, d’après Gira Conseil.

On connaît McDonald’s (1 400 restaurants), Quick (380), mais il y a aussi et surtout les 116 000 restaurateurs (80% du marché) qui proposent au moins un burger sur leur carte. « Trois quarts d’entre eux disent que le burger est le premier plat consommé », ajoute Bernard Boutboul. Selon lui, ce sont eux qui ont relevé les exigences du consommateur, ouvrant la voie à quelques pure-players, tels Big Fernand et Le Camion qui fume, qui ont carrément misé dès 2011 sur une offre premium. 

Bouche à oreille

« Nous réunissons deux mondes », résume Christophe San Miguel, le fondateur de King Marcel en 2012, l’un des acteurs du segment. « Le fast avec un service instantané, et le food avec des produits de qualité ». Avec ses burgers Marcel Serdan ou Marcel Pagnol et sa cave à vins placée dès l’entrée, sans oublier les drapeaux tricolores, la marque joue la carte du made in France. Une tendance de fond selon ce diplômé en marketing. En cela, il répond bien aux « hamburgés » à la tomme de Savoie au lait cru de Big Fernand.

Pour attirer la clientèle, ces fast foods misent essentiellement sur la communication en ligne, et sur leurs points de vente. Chez King Marcel, tout le budget média passe dans le digital. « Les voies traditionnelles sont réservées au B to B pour les franchisés », indique le dirigeant. Côté Five Guys, cela va plus loin. « Notre budget marketing a toujours été de zéro, même aux États-Unis, car nous misons sur le bouche à oreille », explique Maxime Lestringant. « Les Américains sont forts pour créer le buzz sans passer par les voies classiques. Un bon exemple, quand Barack Obama a qualifié les burgers Five Guys de meilleurs du monde », rappelle Bernard Boutboul.

Certains n’hésitent pas à « construire des queues artificielles lors des ouvertures, qui seront relayées sur les réseaux sociaux ». « La nouvelle génération de fast food n’achète pas d’espaces publicitaires et ne fait que peu de relations presse, cependant, elle s’entoure d’agences qui savent faire du bruit sur internet ». Pour son arrivée en France, Five Guys a choisi Dupont Lewis. King Marcel, Monet + Associés.

Les réseaux sociaux, donc. Et le physique. L’emplacement est un élément clé pour Five Guys, qui cible les zones à forte affluence. Disney au premier trimestre 2017. L'Opéra et la gare du Nord suivront. Face à ce « géant » américain (1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires), les petits Français pourraient pâlir. Rien de tel, assure Christophe San Miguel. « Ce serait bête de ne pas craindre les Américains, mais la restauration rapide reste un business de proximité, où il faut être fort dans une zone de deux kilomètres. Les gens ne traversent pas Paris pour un fast food », estime-t-il.

Bernard Boutboul ajoute de surcroît que ce sont les Français qui sont à l'origine du premium ! Finalement, deux visions cohabitent. L’américaine repose sur l'authenticité et le plaisir associé au burger –« complètement assumé » par Five Guys, qui le souligne avec son logo rouge. La française, elle, mise sur l’usage de produits locaux de qualité. Les deux ont, en fait, un dénominateur commun : une bonne dose de marketing.

Chiffres clés

1,5 milliard de dollars. Chiffre d’affaires de Five Guys en 2015
1 400. Nombre de restaurants Five Guys dans le monde
40. Nombre de restaurants Five Guys prévus en France d’ici à fin 2019
1,1 milliard. Nombre de burgers consommés en France en 2015 (Gira Conseil)

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.