Nicolas Hulot vient d'être nommé ministre de la Transition Écologique et Solidaire. Celui qui a renoncé à l’élection présidentielle malgré sa popularité et l’insistance de ses sympathisants, n’a certainement pas renoncé à peser dans les débats. Il compte rassembler ce qu’il appelle la société solidaire et demande à chacun de dire «Présent!».

Vous lancez aujourd’hui une campagne d’un nouveau genre mobilisant un grand nombre d’associations. C’est votre manière à vous de changer la politique?

Nicolas Hulot. On peut faire de la politique de différentes manières. Les citoyens qui agissent sont très nombreux dans notre pays. Ils forment une dynamique qui n’est pas animée par la soif de reconnaissance et qui est rarement dans la lumière. Ils forment une majorité silencieuse que je rencontre et qui m’empêche de désespérer de l’humanité. Le temps est venu de leur donner plus d'influence sur le pouvoir politique.

Quel est le sens de ce mot d’ordre «Présent!»?

N.H. Le sens de notre «Présent!», c’est de pouvoir se compter. La société solidaire est faite de petits îlots qui peuvent sembler dispersés. Nous voulons montrer que c'est un archipel puissant. Les politiques devraient s’inspirer de la créativité, de l’aspiration et de l’exigence de ces expériences qui fonctionnent parfois à des échelles trop réduites. Tant qu’ils ne seront pas connectés, nous irons de déconvenue en déconvenue. Si nous construisons une passerelle entre eux, nous pouvons changer le visage de la politique et, surtout, le mettre en cohérence avec le monde d'aujourd'hui.

Mais n'y a-t-il pas deux France irréconciliables entre celle qui se replie et celle que vous rencontrez sur le terrain?

N.H. Si c’est le cas, à nous d'essayer de les rapprocher. Dans un monde qui a tendance à douter, le moment est venu de montrer que l’individualisme, le communautarisme et l'égoïsme ne sont pas la norme. C’est peut-être la partie la plus émergée parce qu'elle est la plus inquiétante. Mais c’est encore l’exception dans notre pays.

Vous dîtes «nous», «osons», vous parlez «collectif». N’est-ce pas plus difficile d’avancer à plusieurs?

N.H. La gravité de la situation nous impose de nous relier. Nous ne pouvons plus nous permettre d'entretenir un certain nombre de divisions ​réelles ou factices comme si nous avions l'éternité devant nous. C'est vrai à l'échelle d'un pays comme à l'échelle internationale. Vous allez dire que cela procède d’une certaine utopie, mais il faut aller chercher chez l'autre ce qu'il a de meilleur. Je ne demande pas aux gens de s'uniformiser – il y a des clivages utiles au débat – mais d'avoir une unité sur ce que j’appelle des biens communs.

Vos propositions, relayées sur le site Appel-des-solidarités.fr, parlent de paix, de solidarité et vont bien au​-​delà​​​​ des questions environnementales. Le lien entre ces sujets est-il évident pour l’opinion?

N.H. Probablement avons-nous été victimes de l'enferm​ement ​d​an​s lequel les mots nous mettaient. Environnement est un mot ambigu, il d​o​nne le sentiment que les préoccupations sont à l'extérieur. L'écologie, au sens où je l'entends, est une forme de radicalité en humanité. Le sens de l'engagement écologique, c’est la solidarité dans ​​des dimensions​ supérieures. C'est la solidarité dans l'espace, puis​que ceux qui sont affectés par la crise écologique sont les plus vulnérables. C'est un enjeu ​de solidarité​ dans le temps pour ne pas sacrifier l'aven​i​r au présent​. Et c’est une nouvelle dimension de solidarité, que nous avons eu tendance à renier, avec l'ensemble du vivant. ​La solidarité est une valeur cardinale de l'écologie.

Comment mobiliser au-delà des échéances du moment?

N.H. D'abord, tout va dépendre du succès​​ de l'opération. Il nous faut réussir à dégager de l'espace ​​dans une campagne très ​​formatée où les observateurs nous ramènent sur des thématiques convenues et trop hexagonales. S​i le nombre est là, nous serons redevables vis-à-vis de cette communauté d'un suivi sur les préconisations, les prescriptions, les aspirations que nous aurons fai​t​ valoir. Nous exigerons alors des responsables politiques une évaluation permanente de leur politique sur les thèmes de notre campagne. Nous engageons une démarche au long cours, même si nous saisissons cette respiration démocratique pour mobiliser.

Comment jugez-vous la montée des «fake news» qui touche notamment les sujets écologiques?

N.H. Dans mon film Le Syndrome du Titanic, j’expliquais déjà la difficulté de hiérarchiser l'essentiel du superflu, et les choses ne font que s’accélérer. On pensait notamment la question du climato-scepticisme une bonne fois pour toute réglée. Or, par l'utilisation du numérique, on sème à nouveau le doute. C’est aussi la difficulté de notre campagne: exister dans cette saturation d’informations. Comment faire émerger l'essentiel? Comment se fait-il qu’on accorde autant de temps aux conditions d’existence de l’humanité qu’aux affres d’une star de télé-réalité? ​​L’exercice est délicat, il y a parfois des côtés désespérants.

Vous avez dit un jour: «Si c'est facile, il y a pas de saveur.»  Vous n’êtes donc pas prêt d’arrêter?

N.H. J'aurais préféré que mon engagement soit plus facile. Le combat que nous menons n’est pas celui d’une catégorie contre une autre, c’est celui de la famille humaine, et c’est lassant de dépenser de l’énergie pour convaincre de cela. Mais vous ne pouvez pas céder à la tentation du renoncement​ quand, sur votre chemin, vous croisez tous les jours des hommes et des femmes exceptionnels. Qu'on le veuille ou non,​ cette cause ​nous suivra jusqu'à la fin de nos jours. ​   

#OnEstPrésent, l’appel historique de 50 associations françaises

Répondrez-vous «Présent!» à l’appel des plus grandes associations, fondations et ONG françaises, qui veulent mettre les solidarités au cœur du débat politique? La campagne événementielle et virale lancée avec l'aide d'Havas Paris invite tout le monde à répondre Présent sur le site Appel-des-solidarités.fr. «Cette campagne de mobilisation citoyenne puise sa force et son originalité de la société civile. Avec zéro investissement médias, sa diffusion s’appuiera sur le relais des associations, universités et la puissance virale des réseaux sociaux», explique Charlotte Dollot, partner chez Havas Paris.

 

A propos d'Agathe Bousquet

Issue du monde associatif (Solidarité sida), Agathe Bousquet a rejoint le groupe Havas en 2001 comme consultante chez Euro RSCG C&O. Directrice associée, partner puis directrice générale adjointe, elle prend la tête de l'agence, rebaptisée Havas Paris, en novembre 2012 suite au départ de Laurent Habib. A 43 ans, Agathe Bousquet gère une agence historiquement très corporate, désormais généraliste, qui emploie 550 personnes et pèse quelque 80 millions d'euros de marge brute.  



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