Dossier Télécoms
Les autorités mexicaines et Carlos Slim, la 6e fortune mondiale, ne sont plus amis. Depuis 2014, le gouvernement veut réduire sa position ultra-dominante dans le marché de la téléphonie, notamment mobile.

Le règne de Carlos Slim touche-t-il à sa fin? Le milliardaire mexicain a bâti un empire dans une kyrielle de secteurs: banque, télécoms, construction, grande distribution, médias…, et est même devenu un actionnaire du New York Times. Pendant longtemps, il a bénéficié du soutien des plus hautes autorités politiques locales, de tout bord. C’est ainsi qu’América Movil, son opérateur de téléphonie mobile et de télévision par abonnement, a pu se hisser à la première place en Amérique latine. Au Mexique, sa part de marché est devenue écrasante, culminant à 70%. C'est à partir d'une filiale de ce groupe, Publicidad y Contenido editorial, que Carlos Slim a annoncé en janvier son intention de lancer une chaîne à destination des 55 millions de personnes d'origine hispanique aux Etats-Unis, rivalisant avec les chaînes installées Telemundo et Univision.

Un pacte inédit pour le pays

C'est qu'au Mexique, l'homme, l'un des plus riches de la planète (6e place en 2017, selon le magazine Forbes), voit son hégémonie contestée. L’OCDE, gardienne des règles du libre-échange et de la concurrence, estime qu'entre 2005 et 2009, sa domination a entraîné un surcoût annuel pour le consommateur de 13 milliards de dollars (1). Les trois principaux partis politiques mexicains ont donc conclu un pacte inédit. En juillet 2014, ils ont voté une loi destinée à libéraliser le marché des télécoms. Le président mexicain, Peña Nieto, déclare alors qu’il s’agit «de promouvoir plus de concurrence, d’améliorer la couverture du territoire et de réduire les prix».(2) América Movil s’est vu contraint de laisser les autres opérateurs accéder à son réseau sans surcoût. Une situation que Carlos Slim a dénoncé, estimant qu’elle revenait à «subventionner des géants comme AT&T». Sitôt la loi votée, le géant américain a en effet mis fin à un partenariat de deux décennies avec América Movil pour racheter deux opérateurs locaux. Sa part de marché atteint maintenant 13%. En 2015, les profits de l'entreprise de télécoms de Carlos Slim ont chuté de 24%, tendance qui s’est accentuée l’année suivante. La capitalisation boursière a elle aussi souffert, l’action perdant jusqu’à 39%. (3)

Nouvelle bataille

Malgré ces revers successifs, América Movil tient toujours le haut du pavé, bien que sa part de marché ait reculé de 70% à 60%. Début mars 2017, l’Ifetel (Instituto Federal de Telecomunicaciones), le régulateur, à posé un ultimatum au milliardaire. Celui-ci a 65 jours pour séparer América Movil de Telmex, qui gère le réseau de téléphonie fixe dans le pays. But de l’opération: mieux contrôler la régularité des transactions en forçant América Movil à confier à une entité séparée la gestion de l’accès des autres opérateurs à ses infrastructures. Le 14 avril, le groupe a annoncé qu’il se plierait à l’injonction de l’Ifetel. Une nouvelle bataille est donc engagée. Signe-t-elle la fin de la position dominante d'América Movil? Plus sûrement un nouveau redéploiement de l’empire de Carlos Slim.

 

(1) https://www.oecd.org/sti/broadband/50550219.pdf
(2) http://www.reuters.com/article/us-mexico-reforms-idUSKBN0FJ2DU20140714
(3) https://www.nytimes.com/2016/08/10/world/americas/mexicos-carlos-slim-helu.html?ref=world&_r=1

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