Tendances
Grâce aux communautés de consommateurs, les marques améliorent à moindre frais leur qualité de service avant et après-vente et récoltent des informations précieuses sur les attentes de leurs clients.

« Le coiffeur me conseille des couleurs cuivrées. J'ai vu certaines couleurs en magasin, lequel est le plus cuivré entre le 603 (caramel tendre) et le 634 (marron miel) ? ». Il a suffi que cette utilisatrice des colorations de L’Oréal poste cette question existentielle sur le site du leader mondial de la beauté pour recevoir directement cinq réponses dans sa boîte mail. Des réponses qui provenaient non des employés du centre de relation client, mais d’autres consommatrices. Autre secteur, même constat: « Le Galaxy Core Prime de Samsung peut-il se connecter à un MacBook Air, et si oui à l'aide de quel logiciel ? »  À cette interrogation on ne peut plus pointue, Darty.fr a fourni, dans la rubrique « Lire les conseils des utilisateurs » de son site, trois réponses émanant des membres de sa communauté.

De son côté, le pâtissier Michel et Augustin ne se contente pas de partager la saga de ses sablés sur Facebook, Twitter et Snapchat. Adepte du marketing participatif, il sollicite à chaque occasion l’avis de ses consommateurs. « Dès que nous avons un projet de recette, nous le partageons avec notre communauté, et dès les premiers essais en cuisine, nous sollicitons nos fans pour avoir leur avis sur la saveur, le packaging ou le nom qu’on pourrait lui donner. En aval, nous avons déjà revu la recette ou le packaging à la suite des remontées consommateurs » précise Margaux Dauce, brand content manager et responsable de la relation consommateurs. Ce faisant, Michel & Augustin fait coup double : elle répond mieux aux attentes de ses clients et renforce leur engagement vis-à-vis de la marque qui les écoute. Non seulement les marques dialoguent de plus en plus avec leurs consommateurs, mais mieux encore, elles les encouragent à échanger entre eux.

 

Les entreprises recourent à toutes sortes de pratiques pour y parvenir. Ainsi, afin de s’assurer que les questions les plus poussées génèrent rapidement le maximum de réponses, des mécanismes de syndication de communautés se mettent ainsi en place : la question posée sur un site d’e-commerce peut alors être transmise aux acheteurs du même produit qui en fréquentent un autre. Des enseignes proposent désormais à chaque acheteur, en magasin ou en ligne, de recevoir par courriel les questions d’autres consommateurs ou acheteurs potentiels sur le produit qu’ils acquièrent. Darty a pu ainsi bâtir en quelques années l’une des communautés les plus actives du marché (1,6 million de membres et plus de 25 000 messages par mois sur son site). Le site Questions.sncf.com, qui rassemble plus de 80 000 membres, a conçu quant à lui un système de certification : quand une réponse fournie par un client est jugée bonne, l’entreprise ferroviaire la certifie pour la remonter en tête du fil de discussion.

 

Nées au début des années 2000 avec la création de forums indépendants par des fans de marques high tech comme Free, les communautés en ligne de consommateurs ont franchi une nouvelle étape, avec l’émergence de prestataires spécialisés dans la conception et la gestion de plates-formes. Wibilong, Dimelo, Diabolocom, Lithium ou  How Tank ont alors permis aux entreprises d'intégrer ces communautés à leurs sites de marque  et de mieux maîtriser leur e-réputation. Toutes les parties y trouvent leur intérêt, à commencer par les consommateurs. D’abord, certains se méfient du discours sur les produits tenus par les vendeurs et conseillers clientèle, jugé par définition peu objectif. À l’inverse, l’avis en ligne d’un pair sera jugé plus crédible et désintéressé.  « Les informations délivrées par les marques sont souvent perçues comme trop formatées » constatent Sébastien Foret et Emeric Teil, fondateurs de la plateforme communautaire How Tank. Une tendance confirmée par l’étude réalisée par l’institut Kantar TNS pour Cetelem : 63% des Européens jugent plus importants les notes et avis laissés par les consommateurs sur Internet que les conseils des vendeurs en magasin (52%).

Ensuite, les commerciaux - aussi compétents soient-ils - peuvent difficilement connaître aussi bien qu’un utilisateur l’ensemble des fonctionnalités et caractéristiques d’un produit en rayon. C’est particulièrement vrai dans l’électronique grand public, où la complexité technique le dispute au renouvellement constant des gammes. Le succès des communautés tient aussi à leur réactivité. Non seulement les consommateurs répondent bénévolement à leurs pairs parce que cela valorise leur expertise, mais encore ils le font à une vitesse étonnante. Et les contributeurs répondent 24H sur 24H, week-ends compris, une réactivité que très peu de services d’assistance commerciale sont capables d’assurer. « Le service clients était très souvent sollicité pour des demandes liées aux dernières tendances style, conseils mode et avis sur nos articles. Permettre à nos clients d'avoir accès directement à ces conversations via le chat faisait donc sens », explique Alice Walker, directrice service clients de Videdressing, un site de vente de prêt-à-porter entre particuliers.

 

Les entreprises trouvent aussi leur compte à jouer la transparence : grâce à ces communautés, elles bénéficient de remontées d’informations précieuses sur les produits qu’elles vendent et sur les attentes des consommateurs, les insuffisances dans les notices d’utilisation, les fonctionnalités ou l’ergonomie. Industriels et distributeurs améliorent leur qualité de service et la satisfaction de leurs clients à moindre frais. Le prestataire Wibilong a même constaté que la mise en place d’une communauté améliorait de 30% le taux de conversion, les réponses et avis d’autres consommateurs levant les freins à l’achat en ligne. « Le consommateur d'aujourd’hui ne se trouve plus seul : il achète non seulement un produit mais également toute l’expérience d’utilisation de ce produit » résume Marion Nougier, Head of Customer Success chez Wibilong.

 

Outre une baisse des coûts de la relation client et des ventes accrues, ces communautés améliorent la visibilité des marques sur internet. Si un acheteur potentiel pose, en ligne, une question sur un produit précis, et que le moteur de recherche l’oriente vers la communauté de consommateurs intégrée au site officiel de la marque ou de son distributeur, il sera bien plus facile de lui vendre le produit concerné. Les marques se projettent désormais dans l’avenir où des bots de plus en plus sophistiqués répondront aux  questions des utilisateurs. Mais la qualité des échanges risque d’en pâtir. Comment les robots pourront-ils préserver la dimension humaine et sociale de ces échanges entre consommateurs, qui ne se réduisent pas seulement à des informations techniques ? Telle est la question.

Interview

Les helpers, auxiliaires du service clients

 

Sur ses  40 millions de membres répartis dans 22 pays, BlablaCar a attribué à 500 utilisateurs très assidus le titre de Helpers, pour répondre aux questions de leurs pairs. Explications de Cédric Favero, responsable des relations membres de la communauté de BlablaCar.

 

Quelle est la motivation de ces Helpers ? 

Ils tirent une grande satisfaction de pouvoir guider de nouveaux utilisateurs en partageant leur expérience, et d’être considérés au sein de la communauté BlaBlaCar. Ce sont, en général, des fans du service qui apprécient d’être informés en avance des nouveautés à venir, consultés sur les évolutions du produit et d’entretenir un lien privilégié avec les équipes internes.



Quels sont les délais de réponse moyens ?

Les Helpers viennent sur la plateforme quand ils le désirent, mais sont disponibles presque à toute heure. Le temps moyen pour une réponse est alors de 10 secondes, mais c’est aussi une disponibilité extrême, car une discussion dure en moyenne 6 minutes.

 

Comment s'assurer de la qualité des réponses et faire la chasse aux trolls ?

Même si on se doit d’accepter une certaine liberté d’expression, les Helpers ne sont pas laissés seuls et sont aidés par des personnes de l’équipe. La communauté a tendance à s’auto-modérer assez naturellement. Celui qui n’a pas la bonne approche risque simplement de ne pas trouver sa place et n’aura pas de motivation pour revenir.



Quelle place peuvent trouver les bots dans les communautés de consommateurs ?

L’intelligence artificielle permet aujourd’hui de proposer un premier niveau de service automatisé et rapide et nous ne sommes encore qu’au début. Nous travaillons actuellement sur cette technologie pour innover et améliorer l’expérience de covoiturage et faciliter la rencontre entre passagers et conducteurs. Néanmoins, nous sommes persuadés que l’humain restera dans les années à venir au centre de la relation. Car on ne connaît pas encore de robots qui savent manifester de  l’empathie, de la chaleur humaine, de la créativité, voire de l’humour.

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