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À une époque où l’infidélité se banalise, les marques doivent surenchérir pour conserver les clients à haute contribution. D’où la montée en puissance des programmes VIP.

Connaissez-vous la loi de Vilfredo Pareto ? Dérivée des travaux de l’économiste italien sur les inégalités de revenus, elle implique que 20% des clients réalisent 80% du chiffre d’affaires. Prise au 1% près, cette loi est loin d’être universelle. Mais sa philosophie générale qui implique une concentration d’une part importante du chiffre d’affaires sur un noyau réduit d’acheteurs se vérifie dans tous les secteurs. Et plus ce groupe est réduit et l’effet de levier sur les ventes important, plus les marques  sont tentées de chouchouter ces clients à haute contribution. Ainsi au Club Med, les clients Platinum, le statut le plus élitiste du voyagiste, ne représentent que 0,2% des clients. « Mais ils pèsent  2% de notre chiffre d’affaires. Ce sont aussi nos meilleurs ambassadeurs : sur l’ancien programme de fidélité qui comportait déjà un volet parrainage, les Gold, le statut le plus élevé, nous recommandaient trois fois plus que les autres statuts » pointe Caroline Launois-Beaurain, en charge du pôle CRM et acquisition au Club Med, qui a refondu son programme (cf. encadré).

Si le luxe et le transport aérien ont joué un rôle pionnier, cette démarche s’étend aujourd’hui à la téléphonie (Orange), au tourisme (Club Med) à la distribution spécialisée (FNAC) et aux services financiers (Visa). Cet engouement des marques pour les programmes dédiés aux clients VIP se trouve renforcé par deux tendances. D’une part, les programmes standards de fidélisation se banalisent, plus de 80% des grandes marques en proposant selon une étude du cabinet en stratégie Vertone. Cela oblige à accentuer la différence de traitement avec les acheteurs moins importants. D’autre part, la concurrence facilitée par internet rend vulnérables les marques les mieux établies, qui doivent surenchérir pour conserver leurs clients à haute contribution.

 

Accès VIP



Leur utilité n’est plus à démontrer : « les clubs VIP sont créateurs de valeur ajoutée pour la marque. Ils permettent de renforcer la connaissance des meilleurs clients, de les fidéliser et de  générer de l’engagement en les valorisant et en leur donnant une expérience mémorable » détaille Laurent Olagnon, cofondateur de Leoo, spécialiste de la conception et de la gestion de programmes de fidélisation.

Les clubs VIP ajoutent souvent un étage aux programmes de fidélisation existants, qui touchent la grande masse des acheteurs.  L’avantage de ce système progressif ? Il incite les clients intermédiaires à dépenser toujours plus pour accéder au palier supérieur. Ainsi, le programme de fidélité de Sephora comporte 3 niveaux de statut (White, Black, Gold). Seuls les clients les plus assidus accèdent au statut Gold, qui donne droit à de nombreux avantages : 30 euros en bons d'achat pour l'anniversaire du client, - 10% de réduction dès quatre passages en caisse, invitations à des soirées dédiées, appel gratuit au service clients. De son côté, Visa a créé, avec la Platinum, une troisième carte ultra-élitiste qui a conquis 70 000 clients quand l’Infinite en compte 200 000 et la Premier 6,2 millions.  En réglant leurs achats avec la Platinum, les acheteurs bénéficient d’une meilleure couverture assurantielle et d’une conciergerie privée. Largement inspirée de l’univers des palaces dont elle a repris tous les codes de savoir-faire et de savoir-être, la conciergerie privée est devenue un ingrédient essentiel des programmes VIP.

 

Fidélité et quantité



Pragmatiques, les marques qui s’engagent dans cette démarche élitiste tiennent à la fois compte de la  fréquence, du montant des achats et de l’ancienneté des clients. Un consommateur qui revient très souvent en boutique peut mériter ce traitement d’exception quand bien même il ne procède qu’à de petits  achats car il peut être un excellent ambassadeur. Mais quels que soient les critères de sélection, la réussite de ces programmes repose  sur des invariants. « Le club doit proposer des offres partenaires exclusives, miser sur l’événementiel et donner une grande visibilité à ces avantages. Il est également  recommandé de recourir à un outil de campagne capable de travailler le profilage en temps réel, de récompenser l’ancienneté et de ne pas favoriser uniquement les nouveaux venus. Et pour que ce succès s’inscrive dans la durée, le programme VIP doit s’améliorer en continu en suivant des indicateurs clés de performance » énumère Laurent Olagnon, cofondateur de Leoo.  

Certains clubs VIP émergent au point de devenir des marques à part entière. C’est le cas du Club Parnasse, créé en 2007 pour satisfaire les exigences des clients à haute contribution d’Orange, qui y adhèrent par invitation, cooptation ou sélection. Moyennant un droit d’entrée à vie de 1500 euros, une cotisation de 250 euros mensuels et d’un forfait mobile qui peut grimper avec internet jusqu’à 2000 euros par mois, ses 3000 membres bénéficient d’un service non-stop qui leur garantit une totale sérénité numérique. Outre des forfaits illimités à l’international, les membres disposent d’un coach qui les assiste pour la téléphonie, l’informatique et la domotique, l’accès à des événements dans le domaine de l’art de vivre et de la culture et en option d’un service de conciergerie. « Dans le cadre du plan stratégique Orange 2020, nous devons offrir une expérience incomparable à nos clients. Parnasse en est en quelque sorte la tête chercheuse pour tout ce qui concerne la monétisation de services à forte valeur ajoutée » précise Séverine Legrix de la Salle, directrice de Parnasse, qui a réalisé en 2016 un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros. Reste qu’Orange a dû attendre dix ans avant que Parnasse ne devienne rentable. Mais la satisfaction des VIP n’a pas de prix…  

PLATINUM : LE CLUB MED CHOUCHOUTE LES 0,2% DE SES MEILLEURS CLIENTS

En novembre dernier, le Club Med a fait évoluer son programme de fidélité « Great Members » lancé en 2009. L’accès aux avantages se fonde désormais sur un système de points prenant en compte le montant des séjours, mais aussi leur fréquence, les dépenses réalisées en village ou encore le nombre de parrainages auprès de leurs proches. Surtout, le Club crée un nouveau statut baptisé « Platinum » qui coiffe  les statuts existants – Turquoise, Silver et Gold. « Il s’agit de mieux récompenser  la crème de la crème de nos clients, à savoir ceux  qui effectuent au moins trois séjours par an pour des montants élevés » précise Caroline Launois-Beaurain en charge du pôle CRM et acquisition au Club Med. Outre des transferts privés, les membres « Platinum » se voient offrir des services exclusifs (ligne de réservation dédiée, possibilité de choisir leur chambre, dîner privé dans des lieux d’exception, check-out tardif...). Le statut est on ne peut plus élitiste puisque les Platinum représentent 0,2% des clients au niveau mondial, soit entre 1000 et 2000 foyers.

En créant un statut qui permet de faire vivre aux Platinum une expérience unique, le voyagiste ne vise pas tant à augmenter une fréquence de venue déjà soutenue au Club qu’à renforcer encore le lien avec la marque et à donner envie aux Gold qui sont juste en-dessous de franchir la marche. S’il est encore trop tôt pour mesurer toutes les retombées de ce nouveau programme, Caroline Launois-Beaurain estime déjà encourageant le fait que le taux de satisfaction ait augmenté de 4 points depuis sa mise en place.

 

CLUB ONE : POUR LES HAPPY FEW DE LA FNAC

En France, la Fnac compte plus de 5 millions d’adhérents qui pèsent 63% de son CA en 2016 et sur lesquels l’enseigne a bâti un programme de fidélisation de plus en plus sophistiqué. Ainsi en 2009, un second étage est ajouté au programme de base, en l’occurrence la carte Club One qui permet de cibler les meilleurs adhérents : ceux qui, au cours des 12 derniers mois, ont effectué au moins 4 achats pour un montant cumulé de 2000 euros ou au moins 18 achats lors des 12 derniers mois. Moyennant ces conditions et une cotisation de 30 euros, les détenteurs de la Carte One ont accès à toutes sortes de privilèges : caisses prioritaires, livraison gratuite à domicile dès 15 euros d’achat, service client téléphonique et mail dédié, invitation à des ventes privées... « le meilleur de la Fnac pour nos meilleurs clients » résume Simon Ilardi, directeur fidélisation et animation client de l’enseigne.

 

Les 210 000 possesseurs n’ont beau représenter que moins de 5% du total des adhérents, leur contribution au chiffre d’affaires - une donnée confidentielle - est de toute évidence bien supérieure, compte tenu des conditions d’accès. À noter qu’avec ces nouvelles règles portées à la connaissance de tous, la Fnac a étendu l’éligibilité du programme Club One en valorisant autant la fréquence des achats (la fidélité) que leur montant. Ce faisant, « la carte One prend mieux en compte notre double positionnement axé sur les biens d’équipement technique et les produits culturels en récompensant nos meilleurs clients qui soit réalisent ponctuellement un gros achat  pour équiper leur foyer, soit viennent régulièrement pour acheter des livres, CD ou DVD » explique Simon Ilardi, directeur fidélisation et animation client à la FNAC.

 

 

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