E-commerce
«De la fourche à la fourchette», aime à dire Louis Le Duff. Et maintenant à internet. Le géant français de la franchise (Brioche Dorée, Del Arte…) lance Gourming, «The first french food marketplace».

Du croissant au beurre au modèle Uber, pourrions-nous dire, afin de résumer le groupe Le Duff. Entre la première boulangerie Brioche Dorée, ouverte en 1976 à Brest par Louis Le Duff avec 1 500 euros en poche, et Gourming, sa plateforme B to B internationale permettant aux petits producteurs français de vendre aux restaurateurs et hôteliers dans 90 pays, on trouve un groupe à 2 milliards d’euros de recettes, et 1 million de personnes servies par jour.

Le Duff, c’est aussi les restaurants italiens Del Arte, les usines de pains et viennoiseries Bridor, les restaurants à la française Mimi’s Cafe aux États-Unis… Et d’autres marques conférant au groupe une croissance linéaire depuis plus de dix ans. Au cœur de cet empire: une logistique et une centrale d’achat bien huilées. Un point fort à partir duquel a été bâti Gourming, la première place de marché pour les professionnels de la restauration. Ou plutôt «The first french food marketplace», comme le veut la signature résolument internationale conçue par Jacques Delanoë, conseiller en communication indépendant, l'un des anciens piliers d’Euro RSCG. Sur Gourming, on trouve onze types de produits répartis dans trois grandes familles (frais, secs et surgelés). Que du made in France.

Cibler les TPE et PME 

L’idée aurait germé dans l’esprit de l’énergique patron breton. L’intéressé dément, attribuant tout à Anne-Laurence Velly, responsable du numérique et de l’innovation du groupe. Elle pilote Gourming en tandem avec Jean-François Audoin, directeur de la chaîne d’approvisionnement. «Tout est parti du constat que le tissu français des producteurs représentait 16 000 sociétés, dit-elle, dont 98% de TPE et PME qui exportent peu ou pas, faute de moyens humains et financiers, et aussi parce que l’export est complexe d’un point de vue logistique et réglementaire.»

Or l'e-commerce a le vent en poupe avec une croissance de 14,6% en 2016, selon la Fédération du secteur (Fevad). Le B to B, lui, pèse déjà 18% de cet ensemble et atteindrait 32% en 2020. Aux États-Unis, 50% des professionnels effectueront un achat sur deux en ligne en 2017, selon le cabinet Forester. Les feux semblent au vert pour Gourming. Sans compter que l’alimentaire B to B, avec seulement 2% des ventes à date, en a sous le pied. Pour Greg Zemor, PDG de Neteven –un outil de gestion de places de marché–, les choses changent: «Les marketplaces ont débuté avec l'électronique et la mode, mais elles s’étendent à tout le reste!»

Jouer la simplicité

Lancée en grande pompe le 18 janvier en présence du ministre de la Défense et, surtout, ancien président du conseil régional de Bretagne (de 2004 à 2012) Jean-Yves Le Drian, Gourming a reçu un «bon accueil» de la presse. Les RP sont un de ses axes de communication pour toucher les pros. Second vecteur de communication: les salons, comme celui des métiers de l'hôtellerie et de la restauration (Sirha) de Lyon. Ça, c’est pour attirer des producteurs français. Fin janvier, ils étaient 250 pour 5 000 produits référencés. L’objectif est de doubler ce chiffre, «afin d’être pertinent sur le marché», estime la responsable.

Pour toucher ses clients, restaurateurs et hôteliers, Gourming loue les services de Labelium. L’agence se charge de l’achat de mots-clés et de la création de contenus sponsorisés sur Linked In, où la plateforme française vise 1 million de prospects. L’enjeu est aussi celui de la crédibilité. Pour cela, Gourming soutient les petits producteurs avec cinq meilleurs ouvriers de France: Philippe Urraca, François Adamski, Jean-Luc Danjou, F  rédéric Lalos et Jean-Jacques Massé. Leur rôle est de mettre en avant une sélection de produits sur le site. Mais pour plaire aux pros –et Le Duff, expert de la franchise, en sait quelque chose–, l’autre clé est la «simplicité». «La restauration est difficile, avec beaucoup de turn-over, alors nous adoptons un marketing concret, qui parle de coût matière, de temps de dressage, etc.», souligne Anne-Laurence Velly.

Investir en marketing

Pour Antoine Mahy, directeur de l’agence de conseil en prospective Tilt Ideas, «les restaurateurs auront aussi besoin de storytelling, qu’ils pourront raconter à leurs clients finaux, car c’est bien d’avoir des produits de qualité, mais encore faut-il savoir dire qu’on a du super fromage, du super vin…».

Greg Zemor, lui, est confiant dans la capacité de Le Duff à s'imposer: «Face à Amazon et les autres, les marketplaces spécialisées tirent leur épingle du jeu.» Mais il conseille de rester vigilant, et «d’investir en marketing de façon ciblée» car surprise… Amazon se met au B to B, avec Amazon Business en Allemagne. Si le site ne touche qu'au bricolage et à la bureautique, il devrait se mettre à l’alimentaire, comme il l’a fait dans le B to C avec Amazon Fresh. À voir si l’américain proposera la même prise en charge que Gourming.

Moyennant 100 euros par produit et 25% de commission, le Français met les fiches produit en ligne, les traduit (via les petites mains de Text Master), les livre (STG, STEF, Dachser et Nagel) et gère le paiement et les clients (Webhelp, Mirakl et Expertime). En cela, Gourming s'inspire du modèle économique de la franchise, avec un fournisseur central et des revenus à tiroir. Mais attention, Antoine Mahy prévient, le service «devra être pérenne, afin de ne pas laisser sur le carreau des producteurs qui en deviendraient dépendants».

Chiffres clés

2 milliards d'euros. Chiffre d'affaires en 2016.

35 420. Nombre d'employés en 2016.

1 958. Nombre de restaurants et boulangeries en 2016.

4,4 millions d'euros. Dépenses médias en 2016 (Kantar Média), dont 96,5% en affichage.

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