Humanitaire
Depuis trente-cinq ans, Handicap International attaque les sources de la mutilation liée aux conflits armés à travers des campagnes fortes, mais positives.

Chaque année, des pyramides de chaussures sortent de terre en France. L’opération événementielle, lancée par Handicap International en 1995, est devenue une icône dans le milieu associatif. Elle connaît un tel succès qu’il est même devenu difficile de gérer l’afflux de souliers, qui atteignent les 50 tonnes par an. Une fois ceux-ci récoltés, ils sont donnés à des victimes ou recyclés. Plus qu’une récolte, il s’agit d’une opération de communication visant à impliquer le public. Et ce n’est que l’un des avatars des actions d'Handicap International qui, depuis 1982, œuvre pour les personnes handicapées, victimes de mines, armes à sous-munitions et bombardements de civils. Dès sa première prise de parole, l’année de sa création, l’association affichait la couleur, en présentant des victimes amputées, mais appareillées, et souriantes, ou en activité. Ce ton ne quittera jamais l’association, qui refuse tout misérabilisme.

Des campagnes puissantes

En 1988, la communication d'Handicap International fait un bond avec l’agence Jump. Sa première affiche: une prothèse dans une boîte de chaussure. Et ce slogan très fort: «Là-bas, pour le prix d’une chaussure, on peut faire marcher deux enfants.» La campagne est épaulée par des parrainages qui donnent plus de résonance aux récoltes de fonds. En 1989, Handicap International mène un appel d’offres. C’est cette année-là qu’elle choisit son grand combat: la lutte contre les mines antipersonnel. MGA devient alors l’agence de l’association et lui fournit sa première signature: «Vivre debout.» Le directeur de la création, tout juste arrivé à Lyon – le siège d’Handicap International – en 1991, est un certain Xavier du Crest de Villeneuve. Celui-là même qui deviendra, en 2017, le directeur de l’association en Frnce. «Partout dans le monde, Handicap International réapprend aux enfants à marcher», souligne l’une des premières affiches, en 1992, alors que deux mains complètent les mots «vivre debout» par des bâtons illustrant l’appareillage. Deux ans plus tard, c’est le plaidoyer qui est mis en avant, avec une affiche contre les mines. Puis, en 1995, un jeu de mot fort: «Là-bas, ce sont encore les mines fabriquées dans nos pays qui marchent le mieux», le tout accompagné d'une photo d’un enfant amputé. Des films sont aussi produits dans la foulée pour la télévision. «L’été, les grilles étaient vides, alors, nous obtenions des espaces gratuits de la part des chaînes de télévision et de la presse», se souvient Xavier du Crest de Villeneuve. En 1996, la campagne de «l’ourson mutilé» («Mines. Arrêtons de jouer avec la vie des enfants») sera l’une des plus puissantes en termes d’images, aux yeux du directeur de l'association. Un acte fort avant le point d’orgue, en 1997: le traité d’Ottawa, ratifié par 162 pays, qui interdit l'acquisition, la production, le stockage et l'utilisation de mines antipersonnel. Première grande victoire pour Handicap International, qui lui vaudra même le prix Nobel de la paix la même année.

Repartir au combat

La cause de l’association bénéficie alors d’un retentissement international sans précédent. En 2000, MGA décide de populariser un peu plus le message en employant le personnage de Titeuf du dessinateur Zep dans ses affiches («20 ans qu’on le dit: faut pô laisser faire!»). Cette campagne continue d’ancrer le ton dans une certain positivisme. «Et puis arrivent les bombes à sous-munitions, se souvient Xavier du Crest de Villeneuve. Un autre combat. Mais comment expliquer cela au grand-public? Ce qu’il y a de terrible c’est qu’ils ont inventé des bombes qui n’explosent pas toutes. Des parties s’accrochent dans les arbres, et des enfants finissent par se retrouver victimes de leur curiosité, avec des bras arrachés, des visages défigurés…» En 2004, MGA a l’idée d’un film dans lequel on voit une bombe s’ouvrir, laissant apparaître une grande quantité de petits engins. Alors que certaines disparaissent (explosent), celles qui restent finissent par dessiner une tête de mort. «On s’est dit: on a réussi à faire interdire les mines, on repart au combat, même si tout le monde nous prenait pour des fous», se remémore le futur directeur de l’association. Des efforts qui ne seront pas vains puisqu’en 2008, la convention sur les armes à sous-munitions est ratifiée à Oslo.

Peu de moyens, mais beaucoup de soutien

Cette même année, MGA commence à porter la voix d’Handicap International sur Facebook. Un nouvel outil, certes, mais pas plus de moyens. «Nous avons toujours eu un budget frugal», souligne Xavier du Crest de Villeneuve. Heureusement pour l’association, elle a toujours pu compter sur le soutien de médias et d’agences. «Au total, nous bénéficions gratuitement de l’équivalent d’au moins 5 million d’euros d’espace publicitaire chaque année. Pour 100 euros investis, nous en obtenons 1 000», précise-t-il. Le Sac à Sapin et le Kit Plio, conçus intégralement en interne par trois personnes, rapportent eux aussi bien plus (en image) qu’ils ne coûtent. Côté agences, Havas Paris aidera l’association à concevoir des affiches pour ses trente ans, en 2012. L’une d’elles montre les ruines d'une ville où une prothèse cale deux murs menaçant de s’effondrer. Publicis a également été du voyage. Mais aussi de plus petits acteurs, comme Les Prod, présent depuis le début pour la partie sonore. Ou plus récemment H5, qui se charge du plaidoyer. Ainsi qu'Acti, qui s’occupe de la stratégie sur les réseaux sociaux de façon gracieuse. Avec un publicitaire à la tête d’Handicap International, les choses bougent. L’une des actions au programme cette année est une course de 10 km, dont la première édition a eu lieu le 14 mai, à Paris. La prochaine se déroulera à Lyon en juillet. Un millier de coureurs, valides ou non, avanceront ensemble.

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