internet
Internet est-il devenu le support publicitaire de prédilection pour l'humour au détriment des autres médias ?

« Salut bande de bâtards ! », lancent aux internautes les deux acteurs du Kaïra Shopping, Abdelkrim et Moustene. Diffusé sur le site de Canal +, le programme court est devenu un buzz sur la Toile : plus de 4 millions de visionnages en moins de onze mois. « Le succès de la série s'est étendu bien au-delà de notre première cible qui était celle des jeunes citadins métissés », explique Jean-Charles Felli, producteur associé chez Save Ferris. La preuve que même le rire « codé » peut ratisser large. Du coup, la marque Pepsi, partenaire du programme, n'a pas hésité à confier à l'auteur du Kaïra Shopping, Franck Gastambide, la réalisation de sa campagne télé. Un pari publicitaire osé au vu du langage parfois fleuri du Kaïra Shopping… « Nous nous inspirons du langage urbain, mais nous ne tombons jamais dans le méchant. D'ailleurs, le mot "bâtard" est un peu devenu l'équivalent de "l'enfoiré" de Coluche », estime Jean-Charles Felli.

Le Web permettrait-il un rire plus permissif que les autres supports ? Moins contrôlé, moins regardant, Internet semble débrider la création. Des campagnes virales comme «Jetueunami.com» imaginée par BETC Euro RSCG pour la chaîne 13eme Rue en est un bon exemple. Si tuer ses amis provoque chez certains des grincements de dents, la campagne a néanmoins fait « buzzer » sur la Toile. « Le rire est depuis toujours ce qui se partage le mieux, analyse Christophe Lafarge, cofondateur de l'agence H. Mais je refuse de dire que s'il est plus facile de faire rire sur le Web, on va l'abandonner sur les autres supports ! D'ailleurs, on est déjà allé très loin en télévision. » Avec la saga mythique pour la marque Visual, le publicitaire a en effet largement prouvé les limites transgressives du rire. Le petit écran ne s'est-il pas toutefois raidi depuis ? Récemment, dans la présélection pour le Super Bowl 2010, un spot pour la marque Career Builder s'est fait retoqué, jugé « too hot for TV »… La blague potache du pétomane mélodieux, très en vogue sur la Toile, n'a pas réussi, cette fois, à passer la barrière de la télévision.

Parodies et autres fausses pubs

Mais, sur le Web aussi, le rire s'aiguise, de la même manière que la création mature devient de plus en plus exigeante. Dans les campagnes virales, le syndrome Vidéo Gag est désormais loin. « L'humour sur le Web est plus ciblé. On peut davantage jouer avec la "personal joke"», explique Franck Botbol, directeur associé du studio médias Arthur Schlovsky. Exemple: la campagne virale pour les chewing-gums Airwaves imaginée par deux jeunes créatifs de DDB Paris, Siavosh Zabeti et Alexander Kalchev. L'idée créative : mettre en scène le personnage d'un catcheur mexicain, Chlorophyllo, le temps d'une vidéo au graphisme « old school ». Sur le papier, un parti pris pas forcément grand public mais qui a séduit la Toile. « Pour que le rire fonctionne, il faut que la création soit très forte. Les agences argentines comme Santo ou La Comunidad ont ouvert la voie dans ce domaine », expliquent Siavosh Zabeti et Alexander Kalchev. Autre succès français : les « Tests crétins des Lapins crétins » réalisés de concert par Publicis Conseil et Publicis Net pour la sortie du nouveau Renault Grand Scenic. Vedettes chez Ubisoft, l'agence a su utiliser les petites figurines pour sept films Web amusants.

Autre effet créatif du rire sur le Web, la fausse publicité. Vrai phénomène, les parodies de campagnes se comptent, en effet, par milliers sur la Toile. « En même temps, on n'a pas attendu le Web pour détourner la publicité. N'oublions pas Les Nuls! », nuance Christophe Lafarge. Cependant, le plus du Net est, cette fois, d'offrir à tous la possibilité de faire sa propre parodie. Pour certaines marques, le grand nombre de fausses pubs qu'elles génèrent peut même être interprété comme un signe de succès ou de consécration populaire. Exemple: Apple et les multiples pastiches des publicités pour l'Iphone. Ou encore la marque Heineken et son spot viral « Walk in fridge » parodiée entre autres par le rappeur américain Snoop Dogg et par une marque concurrente, Bavaria.

Certains annonceurs ont d'ailleurs su surfer intelligemment sur cette tendance « pastiche ». Ainsi, Sony Ericsson a imaginé avec Arthur Schlovsky une campagne virale intitulée « Le Pire des séries » pour son téléphone W995. Le parti pris : moquer les séries françaises avec deux teasers très drôles « Letallec extravoyant » et « Créteil, section criminelle ». « Sur le Web, la publicité devient un divertissement. À la télévision, elle n'en a ni la place ni le temps », souligne Hugues Cholez, directeur associé chez Arthur Schlovsky. Manié avec succès, le rire viral devient donc une arme de communication très efficace. Mais, attention, le verdict du Web est souvent sans appel et quasi immédiat… Néanmoins, que les marques se rassurent, le rire n'est pas le seul ressort d'une campagne virale réussie : il y a aussi le sexe, ouf !

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.