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Les menaces qui pèsent sur Virgin Megastore sont le reflet d’un mal-être général du secteur de la distribution de biens culturels, qui n’a pas su s’adapter à temps aux mutations de son marché.

C'était au début des années 1990. Aux numéros 52 et 60 des Champs-Elysées, le Virgin Megastore en imposait par sa taille et sa puissance. Les CD s'étalaient par dizaine de milliers, les cartouches de consoles de jeu vidéo et les K7 de films abondaient. Conçue par l'agence BDDP, une audacieuse publicité pour l'enseigne et son magasin phare clame que l'«On ne fera jamais assez de place à la musique». Vingt ans plus tard, le flagship de Virgin est déficitaire et l'enseigne est au plus mal.

Depuis la fin du mois de juin, on sait qu'une «solution», selon les propres termes de Christine Mondollot, présidente du directoire, est recherchée au sujet des deux tiers des 28 magasins français à échéance de deux ans, tandis qu'un plan social concernant 80 postes est annoncé.

Si Virgin en est l'exemple le plus spectaculaire, c'est en réalité l'ensemble de la distribution de produits culturels qui souffre. La Fnac n'y échappe pas, même si c'est dans une moindre mesure (cf. Stratégies n°1685 du 28/06/2012). D'autres chaînes ont quasiment disparu, telle l'enseigne spécialisée Madison Nuggets. La baisse de la consommation de ce genre d'articles en boutique n'est pas une nouveauté, mais sa persistance assèche le marché.

Cela fait neuf ans que la vente de musique enregistrée diminue dans l'Hexagone. En 2011, elle a encore reculé de 5,6% (hors droits voisins), d'après le Syndicat national de l'édition phonographique (Snep). Les ventes de DVD et de Blu-Ray ont chuté de 9% en France pour cette année-là, selon le Syndicat de l'édition vidéo numérique (Sven) et l'institut d'études GFK.

«Au premier semestre, le marché du livre a baissé, alors qu'il résistait jusqu'à présent et, maintenant, les jeux vidéo sur supports physiques commencent à souffrir des jeux en ligne», analyse Cédric Ducrocq, PDG du cabinet-conseil Dia-Mart, spécialisé dans la distribution.

Parmi les raisons de cette baisse figurent la dématérialisation des supports, les changements de mode de consommation (l'argent qui était autrefois consacré aux BD et aux CD est dépensé en téléphonie mobile, par exemple) ou encore le téléchargement illégal.

«La question qui se pose est la suivante: pourquoi face à un phénomène anticipé depuis longtemps, les distributeurs n'ont-ils pas modifié plus radicalement leur activité?», s'interroge Cédric Ducrocq. Virgin n'a ainsi pas de site marchand qui livrerait à domicile les biens culturels commandés en ligne, mais seulement une plate-forme de téléchargement légal.

Deux niveaux de riposte

Pour les enseignes spécialisées dans la distribution de produits culturels, il existe deux niveaux de riposte. «Elles peuvent plancher sur l'élaboration d'une expérience client particulière en magasin ou la réallocation de mètres carrés», indique Cédric Ducrocq.

La Fnac a ainsi opté pour la deuxième piste, en testant un univers Maison & Design qui vend du petit électroménager depuis le mois d'avril. Si le Virgin Megastore des Champs-Elysées s'est essayé à l'animation événementielle, par des séances de dédicaces ou des concerts remarqués, cela n'a pas suffi.

En creux, cela remet en question le rôle des magasins «physiques». «C'est particulièrement vrai pour la musique et peut-être aussi pour les livres si les liseuses se développent», envisage Cédric Ducrocq.

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